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une lettre à M. Simolin, dans laquelle elle lui dit qu'ayant ramassé tous les papiers inutiles pour les brûler avant son départ, elle avait jeté par mégarde son certificat au feu. Elle prie M. Simolin de demander un second certificat à M. Montmorin. Voilà le fait vérifié sur les pièces citées ci-dessus, trouvées dans les cartons du bureau des affaires étrangères.

Copie d'une note signée de M. Simolin.

Le soussigné, ministre plénipotentiaire de sa majesté impériale de toutes les Russies, a l'honneur de prier son excellence M. le comte de Montmorin de vouloir bien lui accorder deux passeports, dont l'un pour madame la baronne de Korf, une femme de chambre, un valet de chambre, deux enfans et trois laquais; l'autre, pour madame la baronne de Stegleman, sa fille, sa femme de chambre, un valet de chambre et deux laquais, qui partent par Metz pour Francfort.

Paris, le 5 juin 1791.

Signé, SIMOLIN.›

Sur la proposition de M. Roederer, l'assemblée déclare que la conduite de M. Montmorin est irréprochable.

M. Roger. Le peuple se porte en foule à l'hôtel de M. Montmorin. Il est instant, pour prévenir les désordres et pour mettre en sûreté la personne et les propriétés de ce ministre, d'envoyer quatre commissaires qui donneront connaissance à ce peuple du décret de l'assemblée nationale qui déclare M. Montmorin irréprochable. Je pense qu'en outre il doit être ordonné au directoire de proclamer ce décret à son de trompe.

L'assemblée nationale adopte cette proposition, et M. le président nomme les commissaires, qui se rendent à l'instant à l'hôtel de M. Montmorin.

Un de messieurs les secrétaires fait lecture de trois adresses: la première, de la section de Bondi; la seconde, de celle de la Halle-au-Blé; la troisième, d'une assemblée primaire. Toutes les trois contiennent l'expression énergique du patriotisme des citoyens qui les ont signées, et de leur dévouement à l'exécution des décrets de l'assemblée constituante.

› M. le président fait lecture d'une lettre qu'il vient de recevoir des trois commissaires chargés des pouvoirs de l'assemblée nationale pour diriger le retour du roi à Paris. Elle est ainsi

conçue :

De Dormans, le 24 juin, quatre heures du matin. - Nous sommes arrivés auprès du roi à trois heures du matin ; nous lui avons donné connaissance des décrets rendus par l'assemblée nationale à son égard. Dans sa voiture étaient la reine, le dauphin, leur fille, madame Elisabeth et madame Tourzel. Sur le siége étaient deux domestiques.

Un cabriolet suivait, dans lequel étaient deux femmes. Un cortége immense les entourait. Nous avons lu les décrets, et nommé M. Dumas commandant des gardes nationales. L'ordre le plus satisfaisant était observé. Le roi couche ce soir à Meaux, et nous espérons qu'il sera demain à Paris.

M. Ricard de Toulon. En vertu des ordres que nous avons reçus de l'assemblée, nous nous sommes rendus chez le ministre des affaires étrangères. Nous y avons trouvé le peuple; nous lui avons montré la loi ; nous lui en avons fait connaître les dispositions, et il nous a témoigné par ses applaudissemens combien il était satisfait de l'innocence de M. Montmorin. Il s'est dissipé dans l'instant, et notre mission aurait été finie, si notre devoir ne nous avait imposé l'obligation de vous en rendre compte.

Les membres des tribunaux criminels de Paris sont introduits à la barre.

L'orateur de la députation. Dans ces jours de crise où le premier citoyen de l'empire est parjure, où le premier fonctionnaire public, entraîné par de perfides suggestions, a déserté son poste, nous avons vu la patrie en danger; mais vous avez travaillé pour elle, et la patrie est sauvée. Vous avez montré de la sagesse et de l'énergie, de la force et de la prudence, et le peuple est resté calme, parce qu'il était rassuré par votre héroïsme..... Nous venons vous présenter l'hommage de notre admiration et l'assurance de notre fidélité à la constitution, et de notre obéissance à vos décrets. (On applaudit.)

M. le président répond, et invite la députation à assister à la séance. Elle entre dans l'enceinte de la salle, au milieu d'applaudissemens réitérés.

M. Menou. Le comité militaire m'a chargé de vous faire le rapport que vous lui avez demandé, sur une distribution d'armes aux gardes nationales, et de vous proposer une mesure concertée avec M. Rochambeau. Elle consiste à augmenter de seize le nombre des officiers-généraux. Il faut des officiers-généraux pour marcher avec les différens corps d'armée, qui, suivant votre décret de ce matin, vont être mis en campagne. Voici le projet de décret:

Art. Ier. Les officiers-généraux commandant sur les frontières sont autorisés à délivrer aux gardes nationales employées sous leurs ordres, des armes, des effets de campement et des attirails de guerre.

II. L'assemblée ordonne aux officiers-généraux employés de veiller aux arsenaux et dépôts de guerre; autorise le changement de ces dépôts, si ce changement est nécessaire à leur sûreté; défend aux corps administratifs de s'immiscer dans cette partie de l'administration.

III. Le nombre des officiers employés sera augmenté de quatre lieutenans-généraux et de douze maréchaux-de-camp; le nombre des aides-de-camp sera déterminé conformément aux décrets.

Ces articles, mis aux voix, sont unanimement décrétés.

M. Charles Lameth. Je crois que l'assemblée doit demander la liste des officiers-généraux émigrans, ou qui, pour d'autres causes, ont encouru la déchéance portée par les décrets. Il faut aussi ordonner leur remplacement, ainsi que celui de ceux qui se sont démis volontairement.

Ces deux propositions sont décrétées.

M. Menou. On me demande ici des détails sur nos approvisionnemens de guerre. Il y a, depuis les départemens du Nord jusqu'à ceux du Rhin, huit cents pièces de canon; nous avons assez de poudre pour faire pendant huit ans la guerre la plus

active. (La salle retentit d'applaudissemens.) Nos magasins contiennent des vivres qui peuvent fournir pendant dix-huit mois à la subsistance d'une armée de deux cent mille hommes, et par conséquent pendant neuf mois à celle d'une armée de quatre cent mille hommes. Quant aux effets de campement, nous en avons pour trois armées de soixante mille hommes; on travaille tous les jours à augmenter ces approvisionnemens. Les boulets et autres munitions de guerre sont en très-grande quantité. (Les applaudissemens recommencent.)

L'assemblée arrête que ces détails seront consignés dans son procès-verbal.

M. Lavenue. Je demande que le comité soit chargé de présenter le système de défense.....

L'assemblée passe à l'ordre du jour.

M. Sombreuil, officier-général, est admis à la barre, prête le serment, et entre dans l'enceinte de l'assemblée au milieu d'applaudissemens très-nombreux.

M. le président. La municipalité de Paris demande la parole; une partie de ses membres est à la barre ; ils amènent avec eux les deux citoyens qui ont arrêté le roi.

M. Dacier, orateur de la députation. Le conseil-général de la commune présente à l'assemblée nationale les citoyens qui se sont opposés avec tant de courage et tant de succès au passage du roi et de la reine, près des frontières. Autrefois la ville de Paris eût regretté qu'ils ne fussent pas nés dans son sein; mais aujourd'hui que tous les Français sont frères, lorsque l'un des citoyens de l'empire fait une bonne action, la gloire en rejaillit sur toute la famille. (On applaudit.) Voici M. Drouet, maître de poste de Sainte-Menehould, qui le premier ayant cru reconnaître le roi et la reine, a pris le parti de courir à leur suite. Voici M. Guillaume, son camarade, qui accourut en même temps que lui, et qui, de concert avec lui, prit des mesures pour arrêter le passage des voitures suspectes. M. Drouet demande à l'assemblée la permission de lui présenter le récit de ce qu'il a fait dans cette circonstance.

T. X.

25

M. Drouet. Je suis maître de poste à Sainte-Menehould, ancien dragon au régiment de Condé; mon camarade Guillaume est un ancien dragon au régiment de la reine. (On applaudit.) Le 21 juin, à 7 heures et demie du soir, deux voitures et onze chevaux relayèrent à la poste de Sainte-Menehould. Je crus reconaître la reine, et apercevant une homme dans le fond de la voiture à gauche, je fus frappé de la ressemblance de sa physionomie avec l'effigie d'un assignat de 50 livres. (On applaudit.). Ces voitures étant conduites par un détachement de dragons, lequel succédait à un detachement de hussards, sous le prétexte de protéger un trésor, cette escorte me confirma dans mes soupçons, surtout lorsque je vis le commandant de ce détachement parler d'un air très-animé à l'un des courriers. Cependant, craignant d'exciter de fausses alarmes, étant tout seul, ne pouvant consulter personne, je laissai partir les voitures; mais voyant aussitôt les dragons prêts à se mettre en mouvement pour les suivre, et voyant qu'après avoir demandé des chevaux pour Verdun, ces voitures prenaient la route de Varennes, je pris un chemin de traverse pour les rejoindre. Je les devançai à Varennes; il était onze heures du soir: il faisait très-noir; tout le monde était couché. Les voitures furent arrêtées dans une rue, par une dispute qui eut lieu entre les postillons et le maître de poste du lieu. Celui-ci voulait qu'on fit reposer et rafraîchir les chevaux, selon l'usage. Le roi, au contraire, voulait accélérer son départ. Je dis alors à mon camarade : Es-tu bon patriote? N'en doute pas. Eh bien, lui répondis-je, le roi est à Varennes; il faut l'arrêter. Alors nous descendîmes, et nous fimes réflexion que, pour le succès de notre projet, il fallait barricader la rue et le pont par où le roi devait passer. (On applaudit.)

En conséquence, nous nous transportâmes, moi et mon camarade, près du pont de Varennes; il y avait heureusement tout près une voiture chargée de meubles, nous l'amenâmes, et la culbutâmes, de manière qu'il était impossible de passer. (On applaudit.) Alors, nous courûmes chercher le procureur de la commune, le maire, le commandant de la garde nationale, et en

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