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De son peuple et de lui, tel était le lien ;

Il nous rend ses sermens puisqu'il trahit le sien.
Si parmi les Français, il se trouvait un traître
Qui regrettat les rois, et qui voulût un maître,
Que le perfide meure au milieu des tourmens,
Que sa cendre coupable, abandonnée aux vents,
Ne laisse ici qu'un nom plus odieux encore

Que le nom des tyrans que l'homme libre abhorre.

< Les Français libres, composant la société des Amis des droits de l'homme et du citoyen, le club des Cordeliers, déclare à tous leurs citoyens, qu'elle renferme autant de tyrannicides que de membres, qui ont tous juré individuellement de poignarder les tyrans qui oseront attaquer nos frontières, ou attenter à notre liberté, ou à notre constitution, de quelque manière que ce soit, et ont signé : LEGENDRE, président; COLLIN, CHAMPION, secrétaires. >

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Manifeste de Marat.

Toute la France se rappelle le discours ignoble que Louis XVI récita à l'assemblée nationale, le 18 avril dernier, pour se plaindre en écolier que le peuple de la capitale l'avait empêché d'aller à Saint-Cloud, c'est-à-dire à Bruxelles. Toute la France se rappelle aussi cette fameuse lettre écrite par son ordre à ses ministres dans les cours étrangères, et communiquée officiellement à l'assemblée nationale, pour faire parade de son prétendu civisme, se dire le défenseur de la liberté publique et le soutien de la constitution, se plaindre des doutes des citoyens éclairés sur le peu de sincérité de ses sentimens, se récrier contre les bruits qui couraient qu'il n'était pas libre, déclarer qu'il n'avait point eu envie de partir, et protester qu'il est au milieu de ses enfans, de ses concitoyens, de ses amis, où le plaisir et l'amour le retiennent.

› A l'appui de ces protestations, il invoquait la vérité, la loyauté, l'honneur, la foi du serment. La foi du serment dans sa bouche! Souvenez-vous de Henri III et du duc de Guise. Henri s'était réconcilié en apparence avec le duc; pour le plonger dans une sécurité plus profonde, il prend le ciel à témoin de la sincérité de ses sermens; il communie à la même table, il lui promet d'ou

blier tout ressentiment, et lui jure sur l'autel une éternélle amitié, à l'instant même qu'il roule dans son âme le noir projet de le faire assassiner. A peine hors du temple du Dieu de paix, qu'il distribue à ses garçons des poignards, et qu'il le fait appeler dans son cabinet par une porte dérobée qu'on venait de murer par son ordre, et qu'il le fait percer de mille coups.

› Peuples, voilà la loyauté, l'honneur, la religion des rois : Fiez-vous à leurs sermens. Dans le matin du 19, Louis XVI riait des siens, et s'amusait de sa lettre ministérielle au milieu du comité autrichien avec Mottié, Bailly, Cazalès, Dandré et les autres chefs de la noire bande des conspirateurs, tout en se disposant à fuir. Il devait s'esquiver en moine. Sa femme prend les devants et veut monter dans un fiacre. Elle est arrêtée au moment où quelques chevaliers du poignard ouvrent la portière. Ramenée au château par un détachement des gardes patriotes, elle y répand la confusion et la consternation.

› Léopold et Gustave pressaient Louis XVI de fuir: L'Autrichienne supplie à genoux Mottié de faire les derniers efforts. Le traître fait courir des espions de l'état-major. L'ordre est donné aux sergens-majors de la troisième division de choisir dans les bataillons, les officiers et les soldats les plus gangrénés parmi ceux qui ont fait serment d'obéissance aveugle; on leur pro digue l'or à pleines mains; et cette fois, pour le malheur de la patrie, le crime est couronné de succès : Les chefs des conspirateurs et l'Autrichienne entraînent le roi vers le camp des ennemis. La nuit dernière, Louis XVI, en soutane, a pris la fuite avec le dauphin, Monsieur et le reste de la famille. Ce roi parjure, sans foi, sans pudeur, sans remords, ce monarque indigne du trône n'a pas été retenu par la crainte de passer pour un infâme. La soif du pouvoir absolu qui dévore son âme le rendra bientôt assassin féroce; bientôt il nagera dans le sang de ses concitoyens, qui refuseront de se soumettre à son joug tyrannique. En attendant, il rit de la sottise des Parisiens qui se sont stupidement reposés sur sa parole.

› Citoyens, la fuite de la famille royale est préparée de longue

main par les traîtres de l'assemblée nationale, et surtout par les comités des recherches et des rapports. Pour ménager des intelligences entre les commandans contre-révolutionnaires de l'Alsace et de la Lorraine avec les armées des Capets fugitifs et des Autrichiens, il fallait écraser le parti patriotique. Aussi ces infàmes comités vous en ont-ils perpétuellement imposé sur les auteurs des troubles d'Hagueneau, de Colmar et Vissembourg, etc. Pour mieux vous tromper, il n'y a sorte de faux que n'aient commis Broglie, Reignier, Noailles, Voidel, et autres scélérats. vendus. C'est donc l'assemblée nationale elle-même qui a préparé la réussite de l'invasion de ces provinces, ou plutôt qui a ouvert le royaume aux ennemis par ces frontières. Tandis que le général parisien, par ses machinations, pour composer, d'ennemis de la révolution, les états-majors de tous les départemens, et par les intelligences criminelles qu'il s'est ménagées par ses espions et au-dedans et au-dehors, a tout fait pour paralyser les forces nationales, et les mettre entre les mains du roi.

› Citoyens, amis de la patrie, vous touchez au moment de votre ruine. Je ne perdrai pas le temps à vous accabler de vains reproches sur les malheurs que vous avez attirés sur vos têtes par votre aveugle confiance, par votre fatale sécurité. Ne songeons qu'à votre salut.

› Un seul moyen vous reste pour vous retirer du précipice où vos indignes chefs vous ont entraînés, c'est de nommer à l'instant un tribun militaire, un dictateur suprême, pour faire mainbasse sur les principaux traîtres connus. Vous êtes perdus sans ressource, si vous prêtez l'oreille à vos chefs actuels, qui ne cesseront de vous cajoler et de vous endormir, jusqu'à l'arrivée des ennemis devant vos murs. Que dans la journée le tribun soit nommé; faites tomber votre choix sur le citoyen qui vous a montré jusqu'à ce jour le plus de lumières, de zèle et de fidélité : Jurez-lui un dévoûment inviolable et obéissez lui religieusement, dans tout ce qu'il vous ordonnera pour vous défaire de vos mortels ennemis.

.

› Voici le moment de faire tomber la tête des ministres et de leurs subalternes, de Mottié, de tous les scélérats de l'état-major et de tous les commandans antipatriotes de bataillons, de Bailly, de tous les municipaux contre-révolutionnaires, de tous les traîtres de l'assemblée nationale; commencez donc par vous emparer de leurs personnes, s'il en est encore temps. Saisissez ce moment pour détruire l'organisation de votre garde nationale, qui a perdu la liberté : dans ces momens de crises et d'alarmes, vous voilà aban⚫donnés par tous vos officiers.Qu'avez-vous besoin de ces lâches, qui se cachent dans les momens de danger, et qui ne se montrent dans les temps de calme que pour insulter et maltraiter les soldats patriotes, que pour trahir la patrie. Faites partir à l'instant des courriers pour demander main-forte aux départemens; appelez les Bretons à votre secours, emparez-vous de l'arsenal; désarmez les alguazils à cheval, les gardes des ports, les chasseurs des barrières : préparez-vous à défendre vos droits, à venger votre liberté, à exterminer vos implacables ennemis.

› Un tribun, un tribun militaire, ou vous êtes perdus sans ressource. Jusqu'à présent j'ai fait pour vous sauver tout ce qui était au pouvoir humain : Si vous négligez ce conseil salutaire, le seul qui me reste à vous donner, je n'ai plus rien à vous dire, et je prends congé de vous pour toujours. Dans quelques jours, Louis XVI, reprenant le ton d'un despote dans un manifeste insolent, vous traitera en rebelles, si vous n'allez vous-mêmes audevant du joug. Il s'avancera contre vos murs à la tête de tous les fugitifs, de tous les mécontens et des légions autrichiennes, il vous bloquera! Cent bouches à feu menaceront d'abattre votre ville à boulets rouges, si vous faites la moindre résistance; tandis que Mottié, à la tête des hussards allemands, et peut-être des alguazils de l'armée parisienne, viendra vous désarmer; tout ce qu'il y a parmi vous de chauds patriotes seront arrêtés, les écrivains populaires seront traînés dans les cachots; l'Ami du peuple dont le dernier soupir sera pour la patrie et dont la voix fidèle vous rappelle encore à la liberté, aura pour tombeau un four ardent. Encore quelques jours d'indécision, et il ne sera plus temps

de sortir de votre léthargie: la mort vous surprendra dans les bras du sommeil.

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Le Journal des débats des Jacobins ne renferme sur la séance extraordinaire du 22 que la note suivante :

« L'événement inattendu du départ du roi a porté tous les amis de la constitution à se rassembler, pour pouvoir correspondre sur le champ avec toutes les sections de la capitale. Le danger de la chose publique avait éteint toutes les petites divisions. MM. de la Fayette, Sieyès, etc., se rendirent à la société, et tous les membres prêtèrent unanimement serment de fidélité à la nation. Sur la motion de M. Barnave, la société a arrêté d'écrire à toutes les sociétés affiliées la lettre suivante :

Frères et amis,

› Le roi, égaré par des suggestions criminelles, s'est éloigné de l'assemblée nationale.

, Loin d'être abattu par cet événement, notre courage et celui de nos concitoyens s'est élevé au niveau des circonstances.

› Aucun trouble, aucun mouvement désordonnné n'a accompagné l'impression que nous avons sentie. Une fermeté calme et déterminée nous laisse la disposition de toutes nos forces; elles sont consacrées à la défense d'une cause juste: elles seront victorieuses.

> Toutes les divisions sont oubliées; tous les patriotes sont réunis. L'assemblée nationale, voilà notre guide; la constitution, voilà notre cri de ralliement. Signé, PRIEUR, président, HvorGONCOURT, CHERY fils, LAMPIDOR, DANJOU, secrétaires.

› N. B. Eloigné de l'assemblée par son service, le rédacteur attendra pour donner de plus grands détails sur cette intéressante séance que la rédaction du procès-verbal en soit terminée.>

Cette séance n'existe dans aucune des collections de pièces que nous avons dépouillées ; nous l'avons prise, moitié dans Desmoulins et moitié dans Fréron.

Séance. Desmoulins arrive ainsi aux Jacobins : «Pendant que l'assemblée nationale décrète, décrète, décrète, décrète, décrète

T. X.

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