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qui ont eu l'infamie expresse de se servir de fausses signa

tures.

> Et c'est ce même homme tant prôné qui, déserteur de cette société, est l'auteur de ce projet dans un temps de régénération où tout homme qui cherche à morceler un établissement utile à la liberté est un traitre! ils espèrent rester nobles en dépit de l'horreur que la noblesse inspire à toute la France. Ils veulent les deux chambres.

› Mais il y aura toujours unité de lieu, de temps et d'action et la pièce restera. Mais quoique votre ennemi soit presque à demi battu, puisque sa trame est découverte, ne vous endormez pas dans une fausse sécurité; songez que vous avez affaire au prêtre Sieyes.

ASSEMBLÉE NATIONALE.- (Du 21 au 30 juin.)

La bourgeoisie n'avait jamais voulu supposer au roi le projet de fuir, parce qu'elle pensait que la révolution devait avoir pour dernier mot une constitution monarchique constitutionnelle; elle ne comprenait pas comment un homme serait assez stupide pour chercher à sortir d'une position qui lui assurait, sans troubles, sans embarras et sans travail personnel, une liste civile dé vingtcinq millions.

Les démocrates honnêtes gens, et nous avouons qu'ils étaient en très-petit nombre, sentaierit une fin révolutionnaire bien différente; aussi n'avaient-ils pas cessé d'être convaincus que le roi cherchait à s'échapper, et ils affirmaient hautement qu'ainsi le voulaient les circonstances fatales à la pente desquelles Louis XVI s'était abandonné dès les premiers jours de son règné.

Les hommes de désordre, et' ils étaient nombreux, exagéraient audacieusement tout cela. Nous ne croyons pas manquer - à l'impartialité froide que nous nous sommes imposée, nous pensons, au contraire, n'y avoir jamais été plus fidèles qu'en disant, par exemple, que le club des Cordeliers montre dans ses moindres actes une volonté qui va au mal par toutes les voies, celle de l'ignorance, celle de la vanité, celle de l'intrigue, celle

de la friponnerie, et par-dessus tout, celle d'un cynisme qui repousse. Il n'y a pas, dans tout l'Orateur du peuple, l'un des meneurs de ce club, une ligne, une seule, où le lecteur le moins prévenu ne flaire la trace d'un menteur. Et cependant Fréron était encore un coquin subalterne auprès du rédacteur du journal du Diable, du citoyen Labenette. Dans un de ses numéros de juin, Fréron accuse ce dernier d'exagération; mais peu après il revient, et lui délivre un certificat de patriotisme fervent.

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Le crédit de ces hommes provenait de l'esprit rétrograde qui animait la cour, de l'esprit stationnaire qui s'était emparé de la bourgeoisie, tendances aussi contre- révolutionnaires, aussi égoïtes assurément l'une que l'autre. A cause de cela, il se trouva que les méchans, qui protestent toujours contre les obligations sociales, qu'elles soient légitimes ou illégitimes, protestaient cette fois contre des obligations vraiment illegitimes; car l'intérêt de la royauté, pas plus que l'intérêt de la bourgeoisie, n'étaient la grande loi morale. Mais qu'espérer de ces ennemis des rois et des bourgeois lorsque la fraternité universelle par le dévoùment, serait proposée à leur respect et à leurs œuvres?

En outre, les méchans se couvraient alors et se couvriront jusqu'au 9 thermidor de deux noms honnêtes et purs. Lorsqu'on leur parle de probité et de vertu, ils citent victorieusement à leurs adversaires Robespierre et Marat. Il est difficile en effet de refuser à ces deux révolutionnaires la pensée constante du bien. Cette conviction de notre part sur Marat en particulier, est sans doute partagée par quiconque a lu notre histoire; quant à Robespierre, il est devenu banal de louer son intégrité. Mais si l'un et l'autre combattaient pour arracher la France au despotisme d'un homme ou d'une caste, ce n'était pas pour la diviser comme une curée aux loups qui suivaient leur armée: c'était pour la placer à jamais sous le despotisme de la justice.

Le peuple était avec les démocrates. Aux jours de fermentation, lorsqu'il se répandait sur les places publiques, son excellent sentiment, son ardeur révolutionnaire, le livraient à ceux qui exprimaient ce sentiment avec audace, et il finissait par les imiter.

et par les suivre dans tous les désordres où ils voulaient l'entraîner. Ceci nous explique bien des attentats sans nom et sans figure connue, d'horribles excès qui n'eussent jamais été commis après une prédication de Marat ou de Robespierre. Mais qui trouvait-on dans les groupes? Ou la Fayette et Bailly invitant à l'ordre au nom de la bourgeoisie; ou Labenette, Fréron et compagnie, excitant la foule au nom de la souveraineté du peuple. Aussi les anarchistes étaient-ils seuls obéis, et s'il en résulta des crimes, qu'ils retombent sur la tête de ceux qui les conseillèrent et de ceux qui les provoquèrent.

Marat appelait une insurrection générale; il demandait que les incorrigibles fussent frappés. Mais une punition, même la peine de mort, lorsque le salut du but social l'exige, est sanctionnée par la morale. Les choses que la morale réprouve, bien loin de les absoudre, ce sont les folies des mutilations, la débauche du sang, les dépécemens des cadavres et les jeux avec des lambeaux de chair humaine. Nous faisons ces réflexions, parce que nous qui sommes placés dans la continuité du drame, et qui le reproduisons en même temps que le milieu dans lequel il se passa, nous le voyons se consommer dans un instant indivisible; les scènes croulent pour ainsi dire l'une sur l'autre, de manière à annuler la successivité. L'événement qui va nous occuper, rompt le dernier fil sur lequel tiraient encore les révolutionnaires et les contre-révolutionnaires. Au moment où il est rompu, la France tombe dans l'avenir plutôt qu'elle n'y descend,

Pendant la dernière semaine qui précéda la fuite du roi, le comité des recherches, la municipalité, la Fayette, furent plusieurs fois avertis que la cour se préparait à partir. On trouvera tous ces détails dans les séances de l'assemblée.

Fréron, qui n'ignorait pas ces renseignemens, prépara làdessus une fable digne de ceux qui, au 9 thermidor, glissèrent sur la table de Robespierre un cachet aux fleurs de lis, et en firent une pièce de conviction pour l'accuser de royalisme. Il prétendit avoir reçu des révélations, d'une certaine dame Deflandre, flamande, parlant fort mal français, qui lui avait livré

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une lettre écrite par Marie-Antoinette au prince de Condé. Cette dame déclara l'avoir reçue de madame Rochechouart, pour la transmettre de la part de la reine à une dame Benoit, riche dévote, retirée aux dames du Saint-Sacrement. Le but de cette lettre était de convaincre cette dernière qu'on allait enfin partir, chose à laquelle elle ne voulait plus croire, à moins qu'on ne lui en administrât des preuves. (Orateur du peuple, no XLIX.) Ce fut sous cette farine que Fréron se promena avec cette femme des Cordeliers à la section du Théâtre-Français, de cette section au comité des recherches, laissant partout des déclarations signées et paraphées. Camille Desmoulins lui-même se laissa prendre à ce piége, au point qu'il conduisit ladite dame à Robespierre et à Buzot, et qui tous deux se disposaient à attaquer la Fayette et Bailly avec ce faux témoignage, lorsque Pétion, qui survint, les en détourna. Or, voici la lettre prétendue. Nous la transcrivons parce qu'on en tint compte alors, parce que beaucoup de journalistes la citèrent. Il fallait une bien grande préoccupation pour s'arrêter une minute devant cette platitude.

Lettre de la reine au ci-devant prince de Condé.

Notre ami, ne faites aucune attention au décret lancé contre vous par l'assemblée des cochons; nous apprendrons à faire remuer les crapauds et les grenouilles (les Parisiens). Voici la façon dont notre gros partira aussitôt que nos gens seront de garde. Nous avons résolu de faire faire une voiture publique dans le genre d'un fiacre, le cocher habillé en fiacre, qui nous mènera à deux lieues de Paris. Nous partons pour le pays wallon (le Pays-Bas); nous irons de Philippeville à Malplaquet, de Malplaquet à Bonsecours, à quatre lieues de Mons, en revenant du côté de Maubeuge, château appartenant à M. de Croy, et disposé à recevoir la famille royale. Le roi partira avec son fils; moi, je me rendrai de mon côté, avec madame Elisabeth et ma fille, au Luxembourg. Nous partirons aussi en fiacre, moi avec une de mes amies (madame de Rochechouart), dans un fiacre; madame Elisabeth, Madame et Monsieur partiront de l'autre côté.

› Notre blond (la Fayette) et le Bailly tâcheront de s'échapper à cheval du côté du Bourget, comme s'ils se promenaient. Quant à nous, si le peuple s'aperçoit de notre départ, la cavalerie, sous prétexte de courir après nous, nous escortera jusqu'à Bonsecours; car la cavalerie est pour nous, et nous comptons entièrement sur elle. Bailly donne depuis quelque temps à la majeure partie des cavaliers six livres par jour. Nous avons aussi le corps des marchands qui s'entend avec nous; ils nous fournissent les fonds en espèces. Dans l'assemblée nationale, les nôtres ont gagné qu'il n'y ait plus que du papier dans le commerce, afin que nous soutirions tout l'argent. Notre parlementaire (le premier président Sarron) est venu ici nous faire part du projet des parlemens: ils offrent de payer toutes les dettes de l'État et de soulager le peuple de la capitation et du droit des patentes pendant dix ans; mais c'est une amorce pour le peuple, afin de l'amadouer et de s'en rendre le maître.

› Voilà des décrets que nous avons fait sanctionner par notre gros (le roi): nous en avons fait passer dans les provinces, et nous en avons aussi adressé au prince Louis (faux décrets envoyés pour égarer le peuple et tromper la troupe de ligne, et soustraction des véritables). Ici, à Paris, nous nous reposons sur les chefs de la municipalité et sur les citoyens actifs qu'on travaille. Que le cardinal ne passe pas le Rhin, jusqu'à ce qu'il y ait reçu la nouvelle que le roi sera parti, par une lettre particulière.

"

› Si nous ne réussissons pas, pour lors, notre ami, ne vous pressez pas de revenir en France. Je profite du moment où cet. animal du sceau n'y est pas, pour donner cette lettre à signer au roi. Tout est arrangé pour que nous partions sous un jour ou deux. Nous ne craignons que les troupes du bourgeonné (M. d'Orléans), ci-devant gardes-françaises ; il n'y a qu'eux que nous ne pouvons pas gagner, ainsi que la république du faubourg Saint

'Antoine.

Je vous envoie 2,000,000 de livres en espèces, que les marchands nous ont procurées. Ce sont les seize caisses d'argent

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