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municipalités. (On murmure.) Les objections banales qu'on fait contre ces raisonnemens, sont le désordre, l'anarchie. Eh bien! aurez-vous jamais autre chose que le désordre et l'anarchie si vous établissez les formes dèspotiques qu'on yous propose? D'un côté, oppression, de l'autre, indignation des citoyens; lutte perpetuelle entre les mandataires et le peuple; voilà ce qui résultera de cet ordre de choses. Lorsqu'au contraire les citoyens ont le droit de faire des représentations, d'éclairer leurs représentans, alors l'ordre se soutient sur les bases de la justice et de la confiance. Je conclus à ce que l'article du comité tendant à donner aux officiers municipaux le pouvoir d'éluder les réclamations des communes, soit rejeté par la question préalable.

On demande à aller aux voix sur l'article.

M. Buzot. C'est parce que je suis pleinement convaincu que cet article ne fait autre chose que de compléter la théorie de l'insurrection, que je prends encore une fois la parole. (M. Desmeuniers interrompt.-M. le président le rappelle à l'ordre.) Comme on demande à me répondre, je vais donner un peu plus d'étendue à mon opinion. (Les tribunes applaudissent.)

Mon observation tombe sur ces mots de l'article III: Pour délibérer sur des objets seulement d'intérêt municipal. Or, je dis que dans les circonstances où nous nous trouvons, et particulièrement à Paris, il est du plus grand danger de restreindre les rassemblemens de communes aux seuls cas où il s'agit d'objets d'intérêt municipal. Par exemple, le 18 avril, lors de la fermentation qu'occasionnait le départ du roi, si le peuple de Paris n'eût pu se rassembler, d'après les ordres mêmes du directoire de département, dans les sections, quel désordre n'eût pas produit cette fermentation? Au contraire, le peuple, en se divisant dans les 48 sections, s'est livré à une discussion raisonnée, s'est éclairé. Le temps a calmé son effervescence; il a trouvé dans des rassemblemens légaux, des motifs pour se calmer; et le directoire, en les provoquant, a évité une explosion dangereuse.

Si, pour s'éclairer sur les intérêts généraux, les citoyens ne peuvent se rassembler en sections, où voulez-vous donc qu'ils se

rassemblent! sur les places publiques? Mais ce sont précisément ces rassemblemens trop nombreux, ces délibérations tumultueuses qui produisent l'effervescence.... Je crois que plus on veut comprimer la liberté, et plus elle se livre facilement, indignée des fers qu'on lui présente, à tous les dangers de l'anarchie. Laissez au contraire les citoyens discuter paisiblement, s'éclairer, calmer par le temps les inquiétudes, et vous aurez employé le seul moyen capable d'assurer l'obéissance à la loi. Si les communes ne peuvent se réunir pour présenter des pétitions, elles n'auront plus qu'un moyen d'exercer leurs droits : ce sera d'en venir à l'insurrection. (Les tribunes applaudissent.) Je demande donc la question préalable sur l'article.

L'assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer.

M. Goupil. Je demande que l'on dise: pour délibérer sur des objets d'intérêt municipal ou civique.

M. Fréteau. Je crois qu'il peut être très-utile, même pour les corps administratifs, que les communes puissent discuter sur les affaires publiques dans les lieux ordinaires des rassemblemens. On me dit que l'article précédent, qui vient d'être décrété, porte que les communes ne pourront, dans aucun cas, délibérer que sur des objets d'intérêt purement municipal, et l'on m'oppose cette fin de non-recevoir à un amendement infiniment juste. Je suis d'avis effectivement, comme le dit l'article précédent, que les communes ne peuvent s'assembler pour délibérer sur autre chose que sur les affaires municipales; mais il ne s'ensuit pas qu'on ne puisse les autoriser à s'assembler pour discuter, pour s'éclairer sur des objets d'intérêt général. Quel inconvénient y a-t-il à ce que les sections s'assemblent, lorsqu'il ne s'agit pas de former une délibération, lorsqu'il ne doit pas en résulter une pétition en nom collectif, mais une discussion tranquille, sous l'œil des magistrats? Ce qui pourrait avoir lieu dans les places publiques, pouvez-vous le défendre dans les rassemblemens plus paisibles? (On applaudit, on murmure.)

M. le Chapelier. Il me semble que nous sommes d'accord, mais que nous ne nous entendons pas. Un article constitutionnel

décrété il y a un an, porte que les citoyens pourront se rassembler paisiblement etsans armes, pour délibérer sur les affaires publiques, ou plutôt pour discuter. Qu'ils s'assemblent dans la chambre d'assemblée de la commune; la loi que nous vous proposons ne les en empêche pas. Seulement nous disons qu'ils ne doivent pas alors se regarder comme constitués en assemblée de la commune; ils s'assembleront comme simples citoyens sans qu'il y ait besoin de convocation de la municipalité. Tout ce que nous disons, c'est qu'ils ne pourront être convoqués en assemblée de commune que pour les affaires de la commune..... (Une partie de l'assemblée applaudit et demande à aller aux voix. - Plusieurs membres réclament la parole.)

M. le président met aux voix l'article III qui est littéralement adopté.] — Les suivans sont décrétés sans discussion.

Discussion sur le droit d'affiche.

[M. le Chapelier. La question que je vous présentai hier était de savoir si tous les citoyens, ou seulement l'autorité publique, doivent avoir le droit d'afficher. Nous pensons qu'il doit y avoir un lieu exclusivement consacré à l'affiche des actes de l'autorité publique. (Plusieurs voix de la gauche : Ce n'est pas là ce que vous disiez hier.) Il serait dangereux de confondre les lois avec des avis nullement obligatoires et qui ne sont que de simples indi'cations. Un autre principe à consacrer, c'est qu'aucune section, aucune société n'a le droit de prendre des arrêtés, des délibérations, et de les faire afficher comme obligatoires. (Plusieurs voix de la gauche: Ce n'est pas là la question.) D'après ce principe, vous ne pouvez défendre les affiches qui, n'ayant aucun caractère obligatoire, ne sont que de simples indications. M. Goupil me disait hier: Je crois que le fond de vos articles est bon, en ce qu'ils tendent à distinguer les actes de l'autorité publique des avis des particuliers; mais pour qu'ils soient distingués, il suffit qu'un lieu quelconque leur soit exclusivement destiné, afin que les particuliers ne soient pas privés du droit d'afficher. (Une partie de l'assemblée applaudit.) Je conviens qu'il peut être utile qu'il y

T. X.

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ait un lieu exclusivement destiné aux affiches de l'autorité publique, et d'où elles ne puissent être arrachées sans délit ; car la promulgation presque ignorée qui se fait dans les greffes des tribunaux est insuffisante. M. Goupil va lire deux articles qu'il a rédigés ; l'assemblée optera entre eux et ceux que je lui ai présentés; mais dans tous les cas, je demande qu'on consacre par un décret quelconque le principe qu'aucune section, aucune société non constituée ne puisse prendre ni afficher des délibérations. (On applaudit dans le milieu de la salle. On murmure dans l'extrémité gauche.)

M. Goupil. Voici les articles que j'ai rédigés:

Art. Ier. Il sera assigné dans chaque ville un lieu exclusivement destiné à recevoir les affiches qui seront faites par l'autorité publique.

II. Ceux qui feront mettre dans ledit lieu une autre affiche quelconque seront condamnés à une amende de 100 liv., et même, s'ils sont trouvés en flagrant délit, ils pourront être arrêtés et conduits à la maison d'arrêt, jusqu'à la connaissance que les tribunaux auront faite du délit.

M. Legrand. Je crois que les articles de M. Goupil sont insuffisans et même dangereux; car il en résulterait que, sauf les lieux destinés aux actes de l'autorité publique, tout citoyen pourrait placarder. (Plusieurs voix de la gauche : Oui.) Or, il me semble que la responsabilité serait alors nulle; car on ne peut rendre un mur responsable. (Plusieurs membres du milieu de la salle applaudissent. Dans l'extrémité gauche on murmure et on rit.-La droite garde le silence.) Je demande que le comité de constitution fasse un code pénal et un projet de loi pour la responsabilité qui doit accompagner l'exercice du droit de platarder.

M. Noailles. Le droit de placarder est une dépendance de la liberté de la presse; il tient à la liberté de manifester sa pensée d'une manière quelconque. Il ne doit pas y avoir plus de responsabilité pour l'exercice de ce droit que pour celui d'écrire et d'imprimer.

M. Legrand. Ce que je demande, c'est qu'on fasse une loi pour empêcher qu'on puisse placarder des calomnies contre les citoyens, nuitamment, par exemple. (On rit.) ng emang a

M. Prieur. Quand vous feriez une loi contre les placards calomnieux, je demande si vous empêcheriez qu'on en affichât nuitamment. Voulez-vous au contraire consacrer les principes de la liberté? les écrits calomnieux et incendiaires tomberont dans le mépris. Voulez-vous détruire les placards incendiaires, calomnieux et factieux; laissez-en couvrir les murailles, et bientôt ils tomberont dans l'avilissement. Si vous les défendez, ils deviendront rares; plus ils seront rares, plus ils seront recherchés, et plus ils feront d'effet. (On entend des rumeurs.) Et voici la preuve de ce que j'avance. La calomnie n'a-t-elle pas aiguisé tous ses poignards contre nous? Ces libelles se vendaient dans les rues; vos corridors en étaient pleins; aujourd'hui il n'y en a plus. (On murmure.) On me dit qu'il y a encore l'abbé Royou, l'Ami dù peuple; je dis qu'ils ne sont plus lus que par les insensés, et qué non-seulement tous ces libelles ne se vendent plus, mais que les honnêtes gens n'en veulent plus pour rien. Laissez donc une liberté entière, et les mauvais écrits tomberont d'eux-mêmes dans le néant.... Le droit d'affiche doit être respecté comme tout autre moyen de manifester så pensée.

M. Regnaud, député de Saint-Jean-d'Angely. Le droit d'affiche appartient à tous les particuliers, sous les mêmes conditions que l'édition de leurs pensées. Mais je réclame contre l'attribution de ce droit aux sociétés, parce que je crois qu'il se rapprocherait du caractère de la loi, et semblerait leur consacrer une existence politique. Je demande donc que ce droit soit attribué seulement à tous les individus, et point aux sociétés.

M. Barnave. Je ne crois pas que la discussion, envisagée sous son véritable point de vue, puisse être l'objet d'un dissentiment d'opinion. Je distingue deux choses dans la question, l'une est le caractère légal qui doit être exclusivement attribué à la loi, et l'autre la manifestation de la pensée. Je vois trois points très-distincts dans la contexture des actes émanés des autorités consti

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