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diques n'accoutument pas à l'usage de cette institution salutaire, si toute convention annonce de grands abus à réparer, toutes deviendront une crise pour l'empire. D'ailleurs, des conventions périodiques sont le moyen le plus sûr de parvenir promptement à un système de constitution vraiment digne de ce nom. En effet, dans l'intervalle qui sépare ces conventions, tous les hommes doués de cette force de tête, qui seule peut les rendre 'dignes d'être législateurs, s'y prépareront d'avance, ou disposeront les esprits, prouveront par leurs ouvrages qu'ils méritent d'être appelés à ces fonctions augustes. Par-là, on peut espérer de réunir aux avantages d'avoir, comme les anciens, un système de lois sorti de la tête d'un seul homme, ceux d'une constitution adoptée par la raison, et non par l'enthousiasme,

› Une convention appelée pour le besoin ne sera jamais propre qu'à réparer les abus qui en ont fait naître le désir; et cette raison, qui suffit pour montrer la nécessité d'en établir de deux espèces, conduit également à penser qu'elles ne doivent pas exercer absolument la même autorité. Ainsi il faudrait, par exemple, que ces conventions non périodiques, dont quelques ambitieux adroits pourraient aisément abuser, n'eussent le droit ni de modifier les articles de la déclaration des droits, ni de changer les conditions qui règlent le droit de cité, ni d'ajouter à celles qui ont été imposées pour l'éligibilité des citoyens, ni d'altérer les divisions fondamentales de l'empire, de prolonger la durée des législatures, ni d'ôter aux citoyens les nominations qui leur sont réservées; elles pourraient ajouter à la liberté et à l'égalité, et non les restreindre; elles pourraient réformer tous les abus dont l'existence aurait fatigué le peuple, tous ceux qui offriraient des dangers pressans, et elle ne serait obligée de respecter que des dispositions, qui même fussent-elles mauvaises, ne peuvent avoir qu'une influence lente, et permettent d'attendre sans danger le moment où une convention nationale périodique pourra les soumettre à un examen plus réfléchi et plus paisible.

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› Ainsi, par ces deux formes de convention on remplira le

double objet de la réforme et du perfectionnement de la constitution; on remédiera par les uns aux fautes qui seraient échappées aux auteurs de la constitution; on s'assurera par les autres de pouvoir profiter des progrès successifs des lumières; surtout les unes et les autres seront soumises à une loi que chaque convention périodique pourra seule changer, et pour la convention suivante seulement elle-même restera inviolablement assujétie à la loi qui l'a établie. Cette disposition, dictée par la prudence, ne porte aucune atteinte à la liberté, puisqu'aucune convention n'exercera son pouvoir que dans un temps où l'irrévocabilité de la loi ancienne est encore légitime.

» Nous avons parlé de cet esprit de consentement par lequel chacun se soumettait d'avance au vou de la pluralité; nous avons observé que ce consentement était nécessaire si l'on entendait le vœu immédiat des citoyens; mais qu'il cessait de l'être si l'on entend seulement le vœu de la pluralité de leurs représentans, puisqu'alors on peut recourir à ce vou immédiat. Nous avons dit en même temps que ce consentement pourrait, dans ce dernier cas, être encore légitime. Voyons maintenant's'il est utile de le donner. Il faut distinguer deux choses dans une loi: l'obligation qu'elle impose, le droit dont le maintien légitime cette obligation, et ensuite les moyens employés pour atteindre ce but, la combinaison plus ou moins heureuse de ces moyens. Or, si les citoyens ne peuvent concourir immédiatement à la formation de leurs lois, ce n'est pas qu'ils ne puissent convenir entre eux de l'objet de ces lois, qui ne peut être que la conservation de leurs droits, mais c'est parce qu'ils ne peuvent former les combinaisons nécessaires pour atteindre ee but, ou même juger entre ces combinaisons. Ainsi, en reconnaissant cette impossibilité, on doit convenir en même temps qu'elle ne peut être un motif de leur ravir le pouvoir de décider si les lois auxquelles on les soumet renferment ou ne renferment rien de contraire à leur but essentiel, la conservation des droits communs à tous. Et quel autre motif pourrait porter leur raison même à se démettre de leurs droits, pour reprendre seulement ensuite ceux

que des juges qu'ils se sont choisis, voudront bien respecter et reconnaître?

› D'après ce principe, on demanderait aux citoyens non s'ils approuvent une oi, mais s'ils n'y trouvent rien de contraire à leurs droits. Cette décision serait prompte et facile. Dans une assemblée primaire indiquée pour cet objet, chaque citoyen, muni d'un exemplaire de la loi, dont les articles seraient numérotés, rayerait ceux qu'il jugerait contraires aux franchises, dont le maintien est la condition du pacte social. On releverait ensuite le nombre des voix qui condamnent telle ou telle disposition, et on l'écrirait à côté de chaque article sur un exemplaire de la loi, où l'on aurait eu soin de marquer en tête le nombre des votans. Un relevé de ces différentes listes, envoyées à la convention nationale, donnerait le jugement du peuple sur tous les articles de la constitution. Si aucun article n'est rejeté, la loi est complète; si quelques-uns sont proscrits, la convention nationale obéira au peuple, et lui soumettra de nouvelles lois.

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> Il serait convenu de ne laisser établir aucune discussion dans ces assemblées, et en effet, comme ces lois auraient été débattues dans la convention nationale, comme chacun aurait pu s'instruire dans la lecture des débats, comme les hommes éclairés auraient eu le temps de développer leurs opinions, cette discussion serait évidemment inutile. La connaissance de l'imprimerie peut faire espérer aux constitutions modernes une perfection à laquelle on n'aurait pu atteindre sans elle.Par ce moyen, un peuplerépandu sur un grand territoire peut être aussi libre que l'était autrefois celui d'une grande cité. Les hommes dispersés peuvent examiner, délibérer, juger comme les hommes réunis. L'imprimerie permet à tous un examen solitaire qui supplée à la discussion, lorsque celle-ci entraînerait trop de longueurs, ou que, distribuée entre des assemblées séparées, elle ne pourrait donner que des résultats équivoques et trompeurs. C'est par l'impression seule que la discussion d'un grand peuple peut être vraiment une, qu'on peut dire que tous ayant pu suivre la même instruction, décident réellement sur un même objet. La plupart des préjugés

qui nous restent, les prétendues impossibilités qui nous effraient, tiennent à ce qu'on ne sait pas encore tout ce que cet art créateur de la liberté nous offre de moyens pour la perfectionner et la défendre. On dira peut-être qu'ile suffira pàs que les citoyens aient reconnu que les lois constitutionnelles conservent tous leurs droits; mais je répondrai que si ces droits sont réellement conservés, le but de la société est rempli et l'homme vraiment libre, que c'est la seule chose dont la généralité des citoyens puisse juger. Or, c'est aussi, un droit de l'homme qu'il ne puisse être forcé d'obéir qu'à la raison, et și elle prescrit de se soumettre au vou de la pluralité, c'est seulement lorsque la pluralité ne juge que de ce qu'elle peut entendre. Il ne peut être question pour des hommes libres d'enchaîner leur volonté à celle d'autres hommes, mais de se conformer au jugement de la pluralité, parce qu'aux yeux de la raison, cette pluralité peut être regardée comme le signe auquel on doit convenir de reconnaître la vérité.

› D'autres diront, au contraire, que les citoyens abuseront de ce pouvoir, en effaçant, comme contraires à leurs droits, les articles qui leur déplairont; mais cet inconvénient n'est pas à craindre. Le plus grand nombre, formé de ceux qui n'ont dans le choix des dispositions des lois aucun intérêt d'ambition ou de vanité, sentiraient bientôt qu'en voulant juger non de leur justice, mais de la sagesse de leur combinaison, loin de décider réellement eux-mêmes, ils ne feraient que substituer à l'opinion des hommes éclairés de tout l'empire, celle de quelques chefs d'un canton particulier. Ce n'est pas dans cette classe modeste qui forme le plus grand nombre, qu'on serait exposé à rencontrer le plus souvent de ces gens qui, sans rien savoir, se croient faits pour décider de tout; et la raison de l'homme simple répondra toujours juste quand on saura bien l'interroger. Serait-il donc si difficile de faire entendre aux hommes cette vérité si facile à saisir : Voulez-vous être et rester libres? eh bien! soumettez-vous avec une rigueur scrupuleuse aux formes qui règlent la manière d'exercer vos droits politiques; car il n'y a point de liberté si la

volonté commune ne peut être toujours reconnue à des signes évidens et incontestables. (Bouche de fer du 28 avril, et des 2, 7 et 10 mai.)

Del 'abolition de la royauté. -Proposer d'abolir la royauté, c'est proposer sans doute d'abolir le plus grand fléau qui ait jamais désolé le genre humain. Mais en donnant notre voix à cette abolition salutaire, nous ne pouvons la donner également aux principes posés dans certains articles de ce projet de décret, ni à la conséquence que l'auteur en tire de confondre le pouvoir législatif avec le pouvoir exécutif.

› Nous croyons avec J.J. Rousseau, que, si celui qui commande aux hommes ne doit point commander aux lois, celui qui commande aux lois ne doit pas non plus commander aux hommes; autrement ses lois, ministres de ses passions, ne feraient souvent que perpétuer ses injustices; et jamais il ne pourrait éviter que des vues particulières n'altérassent la sainteté de son ouvrage. On sent avec quelle justesse ce raisonnement s'applique à un comme à plusieurs législateurs.

› Ce n'est donc pas la distinction des pouvoirs qu'il faut critiquer dans notre constitution. La ligne de démarcation qui les sépare est le chef-d'œuvre de la prudence et de la sagesse.

› Mais de ce que le pouvoir législatif doit être soigneusement distinct du pouvoir exécutif, s'ensuit-il qu'ils soient d'une nature absolument incompatible? S'ensuit-il qu'il faille violer tous les droits, et renverser tous les principes, en instituant une délégation héréditaire? Non, sans doute; et ce sont là des questions qu'il importe d'approfondir.

› Examinons donc : 1° si les élémens et les principes de notre constitution ne sont pas dans une opposition continuelle avec la forme de notre gouvernement; 2o si toute délégation héréditaire n'est pas une violation des droits et une contradiction en principes; et 3° si l'illustre citoyen de Genève a raison lorsqu'il dit que la monarchie est un gouvernement contre nature.

› Ces trois propositions, bien considérées, se lient, s'enchaî

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