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de changemens à la fois, ne sont pas un obstacle à l'hommage que l'opinion paraît demander pour la mémoire de deux hommes justement célèbres, Voltaire et J. J. Rousseau, dont le génie et les ouvrages ont préparé la révolution;

› Arrête, 1o que le quai jusqu'ici reconnu sous le nom des Théatins, portera à l'avenir celui de Voltaire; 2° que le nom de J. J. Rousseau sera substitué à celui de la rue Plâtrière. › Dans la suite de l'arrêté, des commissaires sont nommés pour présenter un rapport sur les autres changemens à faire, et les commissaires de police invités à tenir la main à ce qu'aucun particulier ne se porte de son chef à des changemens quelconques. (Séance du 4 mai.)

L'article suivant, extrait du Moniteur du 25 mai, complète les opérations municipales ayant valeur historique.

Population de Paris de l'année 1790.

[L'usage existe depuis long-temps de présenter tous les ans au roi un état de la population de Paris. Autrefois c'était le magistrat chef de la police qui avait cet honneur; aujourd'hui c'est M. le maire et les administrateurs au département de la police. Ce devoir fut négligé l'année dernière par l'effet des circonstances; mais le résultat du travail n'en fut pas moins inséré dans la Gazette de France, d'où tous les journaux le copièrent comme une instruction utile.

Un commissaire au Châtelet, M. Joron, était chargé de la rédaction de cet état; il le faisait sur les relevés qui lui étaient adressés par les paroisses, hôpitaux, maisons religieuses, et sur d'autres renseignemens authentiques. C'est véritablement un travail utile et bien présenté. La municipalité vient de prendre des arrangemens pour qu'il se continue sous la direction d'un administrateur de police: M. Joly en est chargé aujourd'hui.

C'est ce travail que, conformément à l'ancien usage, M. le maire, à la tête du département de police, a eu l'honneur de présenter au roi le 16 de ce mois.

Il résulte des tableaux qu'il contient, qu'en 1790 le nombre

des baptêmes s'est élevé à Paris à 20,005, savoir: 10,153 garçons et 9,872 filles. Celui des morts a été de 19,447, savoir: 10,074 hommes et 9,575 filles et femmes. Dans ce nombre sont comprises les personnes mortes en religion et les étrangers.

Le nombre des mariages a été de 5,866, et celui des enfans trouvés reçus à l'hôpital qui leur est destiné, de 5,842, savoir: 2,967 garçons, et 2,875 filles.

Il résulte de la comparaison de ce tableau avec celui de l'année 1789, qu'il y a eu en 1790 125 enfans trouvés, 622 baptèmes, 1,085 mariages de plus, et 914 morts de moins qu'en 1789.

Il résulte aussi de la comparaison des morts et des naissances que celles-ci ont surpassé les premières de 558 en 1790.

On voit encore par ce travail qu'en 1790 il est mort 6,019 personnes dans les divers hôpitaux de Paris, savoir : 3,372 hommes et 2,647 femmes, et que 1,660 femmes y ont fait leurs couches; ce qui fait 1,570 morts et 15 naissances de moins dans les hôpitaux qu'en 1789.

Ce résultat certain prouve que malgré la suspension des travaux, et les autres causes de détresse publique, moins de personnes sont mortes aux hôpitaux pendant 1790 qu'en 1789. II est vrai que le nombre des enfans trouvés s'est accru de 123; mais cette circonstance peut tenir en partie à la négligence des réglemens si sagement établis par M. Necker sur le transport de ces innocentes créatures. Il en vient des provinces à l'hôpital de Paris; on les y fait passer avec d'autant plus d'empressement, que l'intolérantisme des campagnes ne connaît point de mesure à l'égard des enfans illégitimes, et qu'ils y sont, comme leurs mères, un objet d'opprobre et de réprobation publique.

On a pu remarquer encore que le nombre des mariages a été, en 1790, de plus d'un cinquième plus considérable que celui de l'année précédente, et que les naissances, pendant ce même temps, ont surpassé les morts de 558.

Dans une ville comme Paris, où les affaires, le commerce, les plaisirs et la liberté morale attirent un grand nombre d'individus qui n'y sont pas nés, je crois qu'on peut adopter, pour l'estima

tion du nombre des personnes qui l'habitent, le plus grand des rapports indiqués par les économistes pour calculer la population: c'est 33. Ce nombre multiplié par 20,005, nombre des naissances en 1790, donne un produit de 660,165 habitans. En multipliant le nombre des morts par le même facteur, on a 641,754, ce qui est à peu près le terme moyen des calculs ordinaires sur la population de Paris.

Polémique sur les actes parlementaires. Desmoulins fait une analyse très-détaillée des séances consacrées à l'affaire d'Avignon; il commence ainsi : Eh bien! dit en triomphant, M. Duval d'Espremenil à un patriote, au sortir de la séance de mercredi (4 mai) : Je vous le disais bien que votre asssemblée nationale, par sa corruption, vous ferait regretter les parlemens. Le parlement d'Aix renouvelait de 10 ans en 10 ans pour la France, les actes conservatoires du comtat, et voici que l'assemblée nationale vient de démembrer Avignon de la France. Notez que le pendard de Robin, qui fait cet aveu, en sa qualité de membre du cul-desac et d'ennemi de tout bon décret, venait de voter le démembrement et de prononcer non à l'appel nominal; et appréciez les aristocratés qui avouent eux-mêmes que, pour diffamer l'assemblée nationale, ils disent non quand leur conscience dit oui. Le mot de d'Espremenil n'en est pas moins le sarcasme le plus amer contre 89 et le centre corrompu de l'assemblée nationale, et c'est le plus rude coup de fouet que nous puissions donner aux Clermont-Tonnerre, aux Malouet, aux Desmeuniers, aux Cha

pelier.

Après avoir résumé lá discussion, Desmoulins termine de la sorte. Enfin on a décrété cette rédaction: « L'assemblée déclare qu'Avignon et le comtat ne font point partie intégrante de la France, sans entendre renoncer ni préjudicier à ses droits; > ce qui signifie en d'autres termes : L'assemblée juge qu'Avignon n'est point partie intégrante de la France, sans juger toutefois si Avignon n'est pas partie intégrante de la France. Je défie l'ergo

teur le plus subtil de me prouver que ce n'est pas là la vraie traduction, en termes intelligibles et clairs, du décret. J'aurais pensé qu'il n'y avait qu'un pape ou un consistoire qui pût rendre de pareils décrets. Mais en tout pays, la chose la plus rare, c'est le sens commun. Peut-on en douter, quand on voit que c'est pour dire dans le même décret, en deux lignes, blanc et noir, que nos pères conscrits se sont égosillés pendant trois jours. › (Révolutions de France, etc., n° LXXVI.)

Le décret que porta l'assemblée nationale dans sa séance du 25, sur cette même affaire, réunit à peu près les suffrages de la presse patriote. Comme, pour éviter les redites où nous entraînerait un thême sur lequel les orateurs se répètent continuellement de- puis la première discussion, nous avons omis tout ce qui fut débité pour et contre la réunion du comtat, pendant le mois de mai, nous allons reproduire le dernier mot provisoire qui ferma les débats. Il fut décrété sur la proposition de M. de Tracy.—‹ L'assemblée nationale charge son président de se retirer pardevers le roi, pour le prier, 1o d'employer les forces qui sont en son pouvoir, afin d'empêcher que les troupes qui se font la guerre dans le comtat Venaissin ne fassent aucune irruption sur le territoire de France; 2o de réclamer tous les Français qui ont pris parti dans l'une et l'autre des deux armées, et de publier à cet effet une proclamation qui fixe un délai et accorde une amnistie aux militaires français qui rentreront dans le délai prescrit, et qui déclare déserteurs à l'étranger tous ceux qui ne rentreraient pas; 3o de faire poursuivre et punir comme embaucheur, tout homme qui ferait en France des recrues soit pour un parti, soit pour l'autre ; 4° d'envoyer, suivant le vœu connu de toutes les parties intéressées, des médiateurs qui interposent les bons offices de la France entre les Avignonais et les Comtadins, afin de les amener à la cessation de toute hostilité, comme un provisoire nécessaire avant de prendre aucun parti ultérieur relativement aux droits de la France sur ces pays. ›

Le rapport de Talleyrand et le discours de Sieyès dans l'affaire du directoire de Paris, et par occasion sur la tolérance religieuse,

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furent longuement réfutés par Brissot. Il y consacre un article en neuf réflexions, dont nous allons exposer les principales.

« Je ne copie point le discours de M. l'abbé Sieyès; il est trop long pour être copié en entier, trop serré en argumentation pour être scindé. Nous sommes tous d'accord sur les principes; il faut examiner les justes reproches qu'on peut faire à ces deux membres.

› 1° Qu'est-ce que la comédie qu'ils jouent ici? Tous deux sont membres de l'assemblée nationale et du directoire de Paris. Or, n'est-il pas ridicule et dangereux de voir M. Sieyès faire au directoire un arrêté, et le justifier à la tribune; et le collègue de M. Sieyès au directoire, chargé, comme membre du comité de constitution, du rapport sur cet arrêté.

> 2° C'est fort bien que de prêcher la liberté religieuse, mais il était très-maladroit de choisir le moment que l'on a pris.

› 3o J'ai dit et je répète que le peuple de Paris a montré plus de bon sens, en cette occasion, que le directoire du département. Cé peuple, que les nouveaux administrateurs calomnient déjà, est plus disposé à la tolérance qu'eux-mêmes. Car, si sans parler de vos prêtres schismatiques, vous eussiez élevé une synagogue, une mosquée, une pagode; il aurait vu paisiblement les juifs hurler, les mahométans crier allah, les Indiens faire leurs simagrées. Mais le peuple ne peut voir avec la même modération le culte des prêtres non assermentés; il ne considère en eux que des factieux qui veulent prêcher la contre-révolution, et tant que vous n'aurez pas marqué, d'un signe distinctif et frappant, les contre-révolutionnaires, de ceux qui sont de bonne foi, il les verra tous de mauvais œil, et il aura raison.

› 4° ......... 5° M. l'abbé Sieyès s'écrie : « Quels sont ces hommes qui, sous le voile du patriotisme, éveillent les défiances contre les corps administratifs? - Ensuite, il les déchire. Quelques-uns de ces hommes, que M. l'abbé Sieyès a eu sans doute en vue, sont des citoyens indépendans, qui n'occupent et n'ambitionnent aucune placé, qui n'intriguent point pour les accaparer, mais qui sont bien convaincus que tout gouvernement

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