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trats sont réglés par les lois. C'est à elles seules et aux tribunaux qu'ils rendent compte de leur conduite. Voilà leurs arbitres. Je serai toujours prêt à répondre aux questions que ceux-là m'adresseront. Mais je vous prie d'approuver que je ne reconnaisse pas d'autre autorité, et surtout celle que vous vous attribueriez sur le ministère public, et que je ne saurais même comment définir. J'ai l'honneur de vous saluer. Le procureur-général de Sa Majesté près la cour royale de Paris. Signé BELLART. »

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A MM. le marquis de Lafayette, le marquis de Chauvelin, le marquis d'Argenson, Manuel, Dupont (de l'Eure), Lafitte, Kératry, Casimir-Périer et Benjamin-Constant.

Ces honorables députés écrivirent à M. le gardedes-sceaux, pour demander que la procédure fût régularisée à leur égard, et qu'ils fussent compris dans les poursuites.

M. le garde-des-sceaux leur fit la réponse sui

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» J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et par laquelle vous vous plaignez de la marche qu'a suivie M. le procureur-général du Roi près la Cour royale de Paris, dans l'affaire relative à la publication d'un projet de souscription prétendue nationale.

» Il vous semble que c'est à tort que tous les signataires du projet de souscription n'ont pas été dénoncés aux tribunaux, et yous demandez que la Chambre des députés soit mise à portée d'examiner s'il y a lieu ou non de poursuivre ceux de ses membres qui ont signé le projet de souscription.

» Les lois du royaume, Messieurs, chargent le ministère public de la recherche et de la poursuite de tous les délits

dont la connaissance appartient aux tribunaux de police correctionnelle ou aux Cours d'assises: l'attention des officiers qui le composent peut être éveillée, leur vigilance peut être éveillée par le ministre de la justice; mais ces magistrats dirigent sous leur responsabilité ces recherches et ces poursuites. Ils défèrent aux tribunaux le résultat de leurs opérations; les juges décident seuls quelle suite il convient de donner aux informations qui leur sont soumises. Le juge d'instruction, la chambre du conseil, la chambre des mises en accusation peuvent successivement ordonner la recherche et la poursuite de toutes les personnes qui seront impliquées dans les faits inculpés, et la jonction des délits connexes; s'ils ne le font pas, il est probable, il est judiciairement vrai que le ministère public a bien agi, et régulièrement dirigé son action.

» Dans l'affaire qui est l'occasion de votre lettre, Messieurs, la marche légale a été suivie ; les juges ont eu sous les yeux les pièces qui constituent le corps du délit ; ils n'ont point ordonné des poursuites ou des informations nouvelles. Sans doute ils ont jugé que la mise en accusation de tous les signataires du projet de souscription n'était point nécessaire. En cet état, il ne peut être adressé aucun reproche au ministère public; l'ar rêt de la Cour le justifie pleinement. Si elle avait pensé que l'intérêt de la justice voulait que les membres de la Chambre des députés qui peuvent avoir signé le projet de souscription fussent poursuivis, elle n'aurait pas manqué d'ordonner au procureur-général de faire à ce sujet les diligences néces

saires.

» Telles sont, Messieurs, les seules explications qu'il soit en mon pouvoir de vous donner. Comme c'est à présent aux jurés et à la Cour d'assises qu'il appartient de juger du mérite de l'accusation et de la culpabilité de l'action dénoncée, je doism'abstenir d'apprécier l'un et l'autre. Signé PORTALIS. »

» J'ai l'honneur, etc.

Le lendemain 18 mai, MM. Lafayette, Chauvelin, Manuel, Dupont (de l'Eure), Lafitte, d'Argenson, Kératry, Casimir Périer et Benjamin-Constant, recurent de trente-six de leurs collègues une lettre dont voici les termes :

«Messieurs et chers Collègues,

Paris, le 18 mai 1820.

» Nous avons vu les deux lettres que vous avez adressées à M. le garde-des-sceaux et à M. le procureur-général Bellart, ainsi que les réponses qui y ont été faites. Signataires comme vous de la souscription de bienfaisance pour les personnes. qui pourraient être détenues, sans être jugées, en vertu de la loi du 26 mars, nous nous trouvons implicitement compris et dans les poursuites commencées contre quelques citoyens qui n'ont fait que la signer avec nous, et dans les réserves insérées contre vous dans la mise en accusation de plusieurs des signataires. Nous croyons en conséquence devoir adhérer pleinement à tout ce que vous avez fait en cette circonstance, depuis le projet de souscription auquel nous avons tous concouru et pour lequel vous n'avez été que nos mandataires, et notamment aux réclamations que vous avez adressées à l'autorité contre la persécution dont sont victimes nos co-signataires, simples citoyens, et contre la ruse illégale et inconstitutionnelle que l'on emploie pour soustraire des députés à la juridiction légitime de la Chambre dont ils font partie.

» A aucune époque, dans aucun pays, on n'a travesti en crime un acte de pitié; les associations pour l'amélioration des prisons, pour le soulagement des condamnés ont toujours été permises et approuvées. Le ministère public croirait-il que ceux qui auront eu le malheur d'être dénoncés par des préfets, ou suspects à des ministres, sont, par cela

seul, avant tout examen, indignes de l'intérêt qu'on témoigne à des galériens ou à des faussaires? La souscription que nous avons établie, loin de provoquer la désobéissance à la loi, implique, au contraire, que la loi sera obéie, puisque les secours ne sont accordés qu'à ceux qui s'y seront soumis. Nous espérons que le Gouvernement, éclairé sur cette question si importante, pour son propre honneur, ne permettra pas qu'on réintroduise, sous la monarchie constitutionnelle, en 1820, les usages de la Convention asservie par des hommes de sang, en 1793; car ce n'est qu'alors que l'humanité était proscrite et que des peines, atroces par leur nature et leur injustice, atteignaient les suspects d'humanité. Agréez, Messieurs et chers Collègues, l'assurance de notre inviolable attachement, etc.

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Signés Baron Méchin, Pompierres, Corcelles, Tronchon, Tarrayre, Guilhem, Beauséjour, Cabanon, Rolland, Trehu de Monthiery, Rodet, Esgonnière, Bastarrèche, Alex. Lameth, Leseigneur, Daunou, F. - M. - B. Desbordes, Ed. Bignon, Hernoux, Le Carlier, Martin de Gray, Grammont, L. - H. - A. Perreau Faure, Picot, le comte de Bondy, Sapey, Horace Sébastiani, Saulnier, Jobez, Villemain, Caumartin, Foy, Savoye-Rollin et Demarçay. »

N'ayant pu obtenir ni de M. le procureur-général Bellart, ni de M. le sous-secrétaire-d'État Portalis, d'être compris dans les poursuites qui étaient dirigées contre les autres signataires de l'écrit daté du 31 mars, MM. Lafayette, Chauvelin, Manuel, Dupont (de l'Eure), Lafitte, d'Argenson, Kératry, Casimir Périer et Benjamin-Constant,

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invoquèrent l'autorité de la Cour royale par une requête dont voici la teneur :

A MM. les premier président, présidens et conseillers composant la Cour royale de Paris, siégeant en chambres assemblées.

« Les soussignés, membres de la Chambre des députés, ont l'honneur d'exposer à la Cour qu'ayant été chargés, par un grand nombre de leurs collègues, de faire la répartition des fonds provenant d'une souscription de bienfaisance, ils ont cru, ainsi que les autres personnes honorées du même soin, qu'il était convenable de consigner dans un écrit public l'exposé de leurs intentions.

» La publication de cet écrit est devenue le motif ou le prétexte d'une poursuite criminelle; et, dans ce moment, une partie des signataires sont traduits pour ce fait devant la Cour d'assises du département de la Seine.

» La composition et la publication de cet écrit sont des faits indivisibles, dont la criminalité ou l'innocence est la même pour tous les signataites, sans distinction de per

sonnes.

»Les soussignés ont cru de leur devoir de repousser le privilége d'impunité que le silence du ministère public paraissait créer en leur faveur.

» En conséquence, par une lettre du 18 avril dernier, ils ont informé M. le procureur - général qu'ils étaient signataires de l'écrit incriminé; qu'ils s'en reconnaissaient les auteurs, et l'ont invité à prendre les mesures légales pour les mettre en cause, s'il y a délit, et éviter ainsi de se constituer lui-même en état de prévarication.

>> Par une lettre du même jour, M. le procureur-général a fait connaître son refus, en s'abstenant de motiver une aussi étrange conduite.

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