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dans une pareille démarche, que la plupart des personnes avec lesquelles'je me trouve appelé à y concourir, étant revêtues des plus hautes fonctions de l'État, devaient être plus éloignées que personne de toutes intentions contraires aux lois du pays. Lecture faite, etc. Signé MERILHOU.

GÉVAUDAN.

D. Êtes-vous auteur de l'article inséré dans le Constitutionnel du 30 mars, intitulé: Souscription nationale en faveur des citoyens qui seront victimes de la mesure d'exception sur la liberté individuelle, et de l'écrit que je vous représente, intitulé: Souscription pour le soulagement des personnes détenues en vertu de la loi du 26 mars 1820 ?

R. Je n'ai connu l'article que par les journaux; quant à l'écrit, je l'ai signé, parce que je n'y ai vu qu'un acte de bienfaisance. Lecture faite, etc. Signé GEVAUDAN.

ODILLON-BARROT.

D. Êtes-vous l'un des auteurs de l'article inséré dans le Constitutionnel du 30 mars dernier, intitulé: Souscription nationale en faveur des citoyens qui seront victimes de læ mesure d'exception sur la liberté individuelle, et commençant par ces mots : L'arbitraire revétu de la loi ; et de l'écrit que je vous représente, intitulé: Souscription pour le soulagement des personnes détenues en vertu de la loi du 26 mars 1820? R. Je ne suis pas auteur de l'article inséré dans le Constitutionnel, mais j'avoue l'écrit.

D. Vous êtes inculpé d'avoir, en publiant cet écrit, attaqué formellement le pouvoir constitutionnel du Roi et des Chambres, et d'avoir provoqué à la désobéissance aux lois.

R. Le fait de la souscription a pour objet de venir au secours des citoyens qui seront frappés par les lois d'exception, et qui paraîtront dignes de ces secours ; le fait est en

lui-même honorable, et ne présente rien dont un bon citoyen ne puisse se glorifier, non-seulement aux yeux de ses concitoyens, mais aux yeux des agens même du pouvoir.

Quant au fait de la publication de l'écrit que yous me représentez, il a été également provoqué par les intentions les plus honorables. Voici ce qui a eu lieu; et dans une pareille occasion, nous ne pouvons avoir qu'un très-grand avantage à faire connaître toute la vérité sans aucune espèce de réticence.

Je ne sais quels sont les citoyens à qui la pensée d'adoucir les rigueurs de la loi est d'abord venue. Je ne sais si c'est Paris qui en a eu l'initiative; je crois même qu'elle s'est manifestée en même temps dans plusieurs villes de province : cela n'est pas étonnant; il était naturel qu'un sentiment noble, généreux et vraiment libéral, se manifestât simultanément dans plusieurs villes de la France. Mais ce qui prouve que, même à Paris, ce projet de souscription n'avait aucun caractère de complot, c'est que j'ai moimême appris par le Constitutionnel que je faisais partie du comité que les premiers souscripteurs réunis avaient chargé de l'application de leurs secours. Cependant quelques journaux avaient cherché à dénaturer les intentions des souscripteurs; ils faisaient considérer cette souscription comme une association politique, ayant pour objet d'affaiblir le respect qui est dû aux lois; l'on y parlait d'organisation départementale : c'est précisément pour détruire ces imputations, d'autant plus graves qu'insérées dans des journaux semi-officiels, elles ne pouvaient être sans réfutation de notre part, que nous avons tous résolu de déposer dans un écrit public la véritable destination de la souscription, afin de ne laisser aucune espèce de nuage sur notre véritable but, qui est un but de pure bienfaisance. J'avoue que j'ai été l'un des premiers à provoquer cette manifestation publique de nos sentimens, parce que, autant il est dans

mon caractère, dans ma nature et dans l'idée que je me fais de mes devoirs comme avocat, de ne laisser aucune oppression, aucun malheur non mérité, sans secours, et sans appui, autant je veux me montrer éloigné de tout ce qui ressemble à un complot ou à une attaque politique.

Lecture faite.

Signé ODILLON BARROT.

BIDAULT, éditeur du Constitutionnel.

D. Êtes-vous auteur de l'article inséré dans le Constitutionnel le 30 mars, intitulé: Souscription nationale en faveur des citoyens qui seront victimes de la mesure d'excep◄ tion sur la liberté individuelle?

R. Non, Monsieur.

D. Quel en est l'auteur?

R. Cette souscription a été envoyée au bureau du Constitutionnel par cinquante députés environ, MM. Lafitte, Benjamin-Constant et autres.

D. Avez-vous l'original de cet article?

R. Il doit être au bureau; je le rechercherai, et si je le trouve, je le représenterai.

L'interrogatoire a été suspendu en cet instant, et le sieur Bidault est sorti pour aller chercher la pièce à lui demandée.

Et ledit jour, à midi et demi, s'est de nouveau représenté le sieur Bidault, lequel nous a dit : Je ne puis vous faire la représentation de l'original de l'article intitulé: Souscription nationale; je l'ai cherché inutilement dans le bureau. Tous les derniers ou premiers jours de chaque mois, nous brûlons toutes les pièces que nous avons reçues; et la pièce originale de l'article dont vous me parlez a été brûlée comme les autres.

D. Vous êtes inculpé d'avoir, dans l'ensemble de cet article, dans tous et dans chacun de ses passages, attaqué formellement l'autorité constitutionnelle du Roi et des Cham

bres, d'avoir provoqué à la désobéissance aux lois, délit prévu par les art. 4 et 6 de la loi du 17 mai 1819.

R. Je ne crois pas m'être mis du tout dans le cas de ces articles-là pour avoir désobéi aux art. 4 et 6 de la loi.

D. N'est-ce pas provoquer à désobéir à une loi que de publier que cette loi méconnaît l'humanité et la justice, dont les droits ne peuvent jamais être abolis ni suspendus?

R. Je ne crois pas que ces Messieurs aient eu en vue dans cette souscription d'attaquer cette chose-là, parce que ces personnes-là connaissent les lois : ce sont des députés; ils doivent connaître leurs devoirs.

Lecture, etc.

Signé BIDAULT.

MM. les éditeurs responsables des autres journaux ont déclaré que l'article sur la souscription nationale leur avait été envoyé en épreuves de l'imprimerie du Constitutionnel; qu'ils avaient d'autant moins hésité à le publier, qu'ils n'y avaient vu qu'un acte de bienfaisance, et que d'ailleurs les noms honorables qui figuraient dans cet article avaient été pour eux une garantie suffisante qu'il ne renfermait rien qui pût être contraire aux lois ou à l'ordre public.

Quant à M. Alexandre Baudouin, il a répondu que le manuscrit qu'il avait imprimé avec la date du 31 mars, lui avait été remis par MM. les députés; et que la simple lecture de la pièce lui ayant appris qu'il s'agissait d'une œuvre de bienfaisance, il s'était empressé de prêter son ministère.

Le 21 avril, M. le procureur a fait un réquisitoire ainsi conçu :

« Attendu qu'il n'est pas suffisamment justifié qu'en imprimant l'écrit intitulé Souscription, le sieur Baudouin ait agi sciemment, ainsi qu'il est dit à l'art. 60 du Code pénal, qui définit la complicité; qu'ainsi, il y a lieu de lui appliquer les dispositions de l'art. 24 de la loi du 17 mai 1819.

» Attendu que les autres inculpés n'ont détruit par leurs réponses aucune des charges résultant contre eux de la publication des écrits ci-dessus désignés.

Nous requérons que rapport soit fait à la Chambre du Conseil par M. le juge d'instruction; que les éditeurs responsables des journaux, le Constitutionnel, la Renommée, l'Indépendant, le Courrier, l'Aristarque, le Censeur, la Bibliothèque historique et les Lettres normandes, soient renvoyés à la Cour royale, comme prévenus des deux délits cidessus désignés et résultant de la publication de l'article inséré le 30 mars dans divers journaux, sous le titre de Souscription nationale en faveur des citoyens qui seront victimes, etc.

» Que les sieurs Odillon-Barrot, Gévaudan, Mérilhou, Étienne, Pajol et Joly (de Saint-Quentin) soient également renvoyés devant la Cour royale comme prévenus des mêmes délits résultant de la publication du deuxième écrit intitulé: Souscription pour le soulagement, etc.

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Et qu'il soit déclaré n'y avoir lieu à suivre contre l'imprimeur Baudouin.

» Fait au parquet, ce 21 avril 1820, le procureur du roi. Signé JACQUINOt Pampelune. »

Sur ce réquisitoire, est intervenue l'ordonnance suivante, rendue par la Chambre du conseil du tribunal de première instance.

<< Ouï le rapport de M. Grandet, juge d'instruction, duquel il résulte que le 30 mars dernier, les journaux intitulés le Constitutionnel, le Censeur européen, le Courrier

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