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1791.

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cobius, le fanatisme de leurs apôtres, l'ardeur non moins bouillante des émigrés qui se rassembloient et s'armoient à Worms ́et dans l'électorat de Trèves, la propension des universités et des habitans des villes en Allemagne à favoriser l'abolition du régime féodal, avoient rempli les cours de crainte, terminé leurs querelles, et les décidoient à former une ligue contre tous ceux, sans distinction, qui formoient des vœux pour la liberté. Cette révolution politique non-seulement affoiblit, mais même éteignit tout intérêt pour les Polonois, dont on avoit jusqu'alors excité le zèle. On alloit, en attaquant la France, abandonner la Pologne au ressentiment de l'impératrice. L'acceptation de la charte constitutionnelle par Louis XVI éloigna pour quelque temps encore cet orage; et comme le monarque français, remis en liberté, consentoit à rendre l'expérience juge d'une constitution qu'il acceptoit, quoiqu'il n'y trouvât pas assez d'énergie dans les moyens d'administration pour assurer la prospérité d'un vaste empire, Léopold écrivit une nouvelle lettre circulaire aux puissances qu'il avoit invitées à se liguer, et leur proposa de suspendre l'effet de cette ligue ; il convint

aussi probablement avec le roi de Prusse et 1791. l'électeur de Saxe d'ajourner leurs déterminations sur les affaires de la Pologne. Nous verrons dans le chapitre suivant l'influence de ces négociations, de ces mouvemens et de ces dispositions menaçantes sur les troubles de la France, et comment, de part et d'autre, la crainte et l'esprit de parti aveuglant tous les yeux, allumèrent la guerre générale et contribuèrent à l'impulsion d'une seconde révolution plus formidable que celle dont on vouloit arrêter le cours.

CHAPITRE IX.

Mésintelligence entre l'Assemblée Législative et le Roi. Influence de la paix de l'Orient, du Traité de Pilnitz et de l'armement des Emigrés, sur les troubles intérieurs. Embarras de la Cour. Espérances des Aristocrates. Méfiance des Patriotes. Décret contre les Prêtres et les Emigrés. Refus de sanction. Alliance entre l'Autriche et la Prusse. Négociateurs envoyés à Tréves, à Londres, à Berlin et à Vienne. Préparatifs hostiles. Division entre le parti modéré et le parti Jacobin. Narbonne, qui conservoit la majorité au Corps Législatif, est imprudemment renvoyé. Lessart est en arrestation. Dumourier lui succède. Le Roi déclare la guerre au Roi de Hongrie, François II. Gustave III est assassiné. Régence du Duc de Sudermanie. Le Roi de Prusse marche à la tête de cinquante mille hommes. Erreurs des Puissances étrangères et des Emigrés. Puissance des Jacobins et foiblesse de la Cour. Le Palais du Roi est forcé le 20 juin. Il refuse les demandes du Peuple, mais il prend le Bonnet rouge. On dissout sa Garde. Brissac à Orléans. La Fayette prend la défense du Roi. Intrigues pour faire échouer les opératious militaires. Chan

gement de Ministres. Déchéance du Roi et Ac-
cusation de la Fayette rejetée. Manifeste de
Brunswick. Conjuration contre la Cour. Révolu-
tion du ìo août. La Fayette est obligé de s'expa-
trier. Son arrestation. Convocation d'une Conven-
tion nationale. Invasion des Etrangers. Armement
universel des Français. Faute du Roi de Prusse.
Prise de Longwy et de Verdun. Massacre de
Septembre. Puissance de la Commune de Paris.
Dénonciation de Robespierre. La République est
décrétée. Négociations. Retraite imprévue de Fré-
déric-Guillaume. Succès de Custine. Tyrannie
en France. Terreur en Europe.

LES
Es députés constituans s'étant déclarés iné-
ligibles, espéroient en vain jouir paisible-
ment de la reconnoissance du peuple, pour
les sacrifices qu'ils lui avoient faits, et pour
les droits qu'ils lui avoient rendus; ils se
trompoient encore plus en croyant que leurs
successeurs, n'ayant plus rien à conquérir
pour une sage liberté, ne s'occuperoient qu'à
en assurer la jouissance, et ne feroient con-
sister leur gloire qu'à travailler de concert
avec le pouvoir exécutif à perfectionner le
code civil, à encourager le commerce, et à
faire fleurir l'agriculture.

L'assemblée législative, composée en grande

1791..

1791. partie d'hommes qui s'étoient fait remarquer plutôt par leur ardeur que par leur prudence, contenoit moins de propriétaires que la première assemblée; il n'y existoit point de zélés partisans du gouvernement qui pussent opposer l'esprit de parti aristocratique à l'esprit de parti démocratique ; et dès les premières délibérations, il fut facile de prévoir combien la session seroit orageuse.

Cependant une forte majorité d'hommes éclairés s'y montroit disposée à maintenir la balance des pouvoirs constitués contre une minorité turbulente qui vouloit en détruire l'équilibre. Mais cette majorité n'avoit pour elle que le froid langage de la raison, tandis que ses adversaires avoient pour eux l'éloquence des passions, l'apparence d'un patriotisme plus prononcé, et la disposition du peuple à regarder le fanatisme comme zèle, et la modération comme perfidie. Cette lutte étoit d'autant plus inégale, que le côté droit lui-même, en défendant le gouvernement, n'étoit pas exempt de méfiance, et craignoit les arrières-pensées d'une cour qui ne pouvoit pas avoir perdu tant de puissance sans regret, et se rappeller tant d'outrages sans ressentiment.

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