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A l'ordre du jour étoit la suite de la discussion sur le tribunal de cassation, ou plutôt la première question posée par M. Roederer: Quelles seront les fonctions du tribunal de cassation? M. Goupil a maintenu que la voie de cassation doit être admise toutes les fois qu'il y a contravention manifeste à une loi.

M. Lanjuinais Je regrette qu'on vous ait fait décider qu'il y aura un tribunal de cassation avant de dire ce que c'est qu'un moyen de cassation. Peut-être auriez-vous reconnu que ce tribunal n'est pas nécessaire comme tribunal de cassation; mais puisqu'il doit avoir lieu, quelles seront ses fonctions? Le comité lui en donne cinq différentes, dont la première est de juger les demandes en cassation.

Ici je demande, 1o. si la cassation aura lieu en matière criminelle après l'établissement des jurés ? Et sur cette question je conclus à l'ajournement au tems où Vous vous occuperez des jurés; 2o. Si elle aura lieu à l'égard des jugemens des tribunaux de paix? Et je dis que pour empêcher la ruine certaine des plaideurs, & arrêter l'esprit de chicanne, il ne doit point y avoir de cassation des jugemens de paix. 3°. Quand y a-t-il ouverture à la cassation? Qu'est-ce qu'un moyen de cassation? C'est, dit-on, une violation directe & évidente de la loi. Dites-moi donc en quoi diffère une telle violation d'un moyen d'appel? En rien, si ce n'est qu'elle seroit proposée en troisième instance, & devant un tribunal qui diroit: Il y a violation des loix; allez devant tels juges, peut-être ils la reformeront. Cette ressource n'est pas plus sûre qu'un appel en seconde instance, elle est seuleinent plus désastreuse plus désespérante sur- tout pour les pauvres, & ceux qui sont à cent, deux cents, deux cents cinquante lieues de Paris, &c. &c.

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Où trouverons-nous donc un caractère qui distingue le moyen d'appel du moyen de cassation? ce sera si vous le voulez, dans une violation de la loi constitutionnelle; ce sera peut-être encore mais avec de très-grands inconvéniens, dans une violation des formes, autrement des loix judiciaires ; &c.; mais

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si vous la cherchez dans la violation des loix civiles vous vous rejettez dans un cahos épouvantable. Il n'y aura pas une seule affaire qui ne puisse être portée de toutes les parties de la France à votre tribunal de cassation; il seroit ainsi le plus monstrueux des tribunaux puisqu'il seroit dans la vérité le tribunal d'appel pour tous les procès du royaume. Et puis ! qu'est-ce qu'une loi dans l'ordre civil? Vous n'avez pour loix, si j'en excepte quelques ordonnances, que des compilations volumineuses & obscures, des disposi tions contradictoires ou incohérentes, ou abrogées les unes par les autres ou par un long usage, ou devenues sans application. Ainsi l'on ne manquera jamais de moyens de cassation en toutes affaires.

Je ne trouve qu'une seule espèce de moyens de cassation que l'on puisse admettre sans inconvéniens ce sont ceux qui résultercient de la prévarication des juges ou de leurs fautes grossières, que la loi compare au dol, & qu'elle punit pécuniairement, comme le dol même, &c., &c. Je propose donc que la cassation ne puisse être prononcée que pour contravention aux loix tellement caractérisée qu'elle pourroit fonder une prise à partie ; & si l'on veut davantage; ah! du moins que la cassation ne puisse être prononcée que pour contravention à la foi constitutionnelle, ou pour nullité de forme,

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M. le Chapelier: Tout moyen d'appel' ne l'est certainement pas de cassation. Le comité regarde seulement comme moyen de cassation, la contravention évidente à la loi : je me ferai mieux entendre par un exemple, Dans plusieurs parties du royaume, & notamment en Bretagne, de la nobilité des personnes ou des biens résultoit l'inégalité des partages. Vous avez aboli par vos décrets cette inégalité: Eh bien ? je suppose qu'un juge se permit actuellement de la consacrer par un jugement, voilà une contravention évidente à la loi, & par conséquent un moyen de

cassation.

Mais si un juge, après avoir examiné les preuves respectives des deux parties, se décide à trouver les unes moins concluantes que les autres, il peut avoir

mal vu; mais il ne donne pas ouverture à la cassation. Aussi comptons-nous vous proposer un àrticle suivant lequel la cassation ne pourra être prononcée que lorsqu'il y aura eu contravention à la loi ou violation des formes qui emportent avec elles la peine de nullité.

M. Prieur: Si on bornoit les moyens de cassation, comme vous le propose M. Lanjuinais, à la violation des loix constitutionnelles, comment feroit-on par exemple dans l'espèce de position qui vous a été dénoncée il n'y a pas longtemps. On devoit payer une somme en espèces. D'après votre décret qui déclare que les assignats seront considérés comme espèces sonnantes, on a offert des assigntas pour se liberer. Le créancier de mauvaise humeur les a refusés, a traduit son débiteur à la cour des aides & a obtenu un arrêt qui déclare nulles les offres faites. Cette contravention aux loix nouvelles ce reste des anciens préjugés a excité l'improbation de cette assemblée. Vous avez tous pensé qu'il falloit casser ce jugement; & cependant votre décret sur les assignats n'est pas une loi constitutionnelle. Je demande en outre que, sans s'arrêter à l'ajournement demandé par M. Lanjuinais, la proposition du comité soit adoptée.

M. Duport: On est d'accord sur un point; savoir que la cassation ne doit avoir lieu que pour la violation des formes, ou une contravention formelle à la loi. Le point sur lequel on ne s'accorde pas, est de savoir si la cassation doit s'étendre sur les coutumes & les loix particulières. Des provinces ne se sont réunies qu'à condition de conserver leur coutume, & jusqu'à une réforme générale du code, la volonté générale doit être la garantie des loix & usages particuliers. D'après ces réflexions, il a proposé le décret suivant, qui a été adopté à une très-grande majorité.

Décret. Le tribunal de cassation ne pourra jamais connoître du fond des affaires.

Il sera tenu d'annuller tout jugement dans lequel les formes auront été violées, & qui contiendront une contravention expresse à la loi ; & néanmoins jusqu'à la réformation des coutu nes des loix civiles & du code

de la procédure, la violation des formes désignées comme emportant peine de nullité & la contravention aux loix particulières aux différentes parties de l'empire, donneront ouverture à la cassation.

M. le Chapelier, chargé, au nom du comité de constitution, de faire le rapport provoqué hier par la pétition des électeurs présumés de la capitale, a recordé à l'assemblée que cette pétition portoit sur deux chefs, le premier tendant à vérifier en commun le pouvoir des électeurs, le second relatif à la réunion de tous les électeurs pour élire en commun les fonctionnaires de judicature. Votre comité croit que le premier point ne peut souffrir aucune difficulté; mais il trouve que le second est contraire à l'esprit de la constitution. En effet, a-t-il dit, vous avez décrété que les justiciables nommeroient leurs juges; or, en adoptant le parti que vous proposent les électeurs présumés, il peut arriver tout le contraire. Vous avez voulu d'ailleurs, ou du moins une majorité assez marqnée de cette assemblée a paru desirer qu'il y eût parité parfaite dans tout le royaume pour l'établissement & l'organisation des cours judiciaires; or il est certain que dans les départemens les électeurs ne sont pas réunis pour nommer en commun les tribunaux de districts. Pourquoi donc déroger à cette loi pour la capitale ? Nous croyons d'autant moins devoir acquiescer au vœn des électeurs, que l'élection en commun tend sensiblement à créer un tribunal unique dans la capitale, divisé en six sections. Il a proposé en conséquence un projet de décret conforme à son opinion.

M. Duport a combattu le comité avec des raisons très-plausibles. Il a représenté à l'assemblée que l'on avoit suivi pour la capitale des règles particulières & pour l'organisation de la municipalité & pour l'adminis tration. Il n'y a point, comme vous savez, d'intermédiaire entre la municipalité & le département, qui n'est point du tout calqué sur les autres, ni pour l'étendue ? ni pour les districts. On vous dit que cette nomination commune tend à faire un seul & même tribunal dans la capitale; la loi peut prévoir le cas, & faire expresse défense que jamais les six tribunaux n'aient à se réunir. M. Duquesnoy a appuyé le préopinant.

M. Barnave. La pétition des électeurs est non-seulement conforme au bien public; mais encore elle est fondée sur des principes généraux. Elle est conforme au bien public, puisque les électeurs ne tendent visiblement qu'à s'éclairer réciproquement pour faire le meilleur choix possible. Elle est fondée sur les principes généraux, puisque tout officier public appartient à la nation.

MM. de Mirabeau & le Camus sont venus grossir le parti des électeurs. L'un a représenté qu'il ne devoit y avoir qu'une seule élection dans une seule cité, pour les juges; l'autre, que puisqu'il n'y avoit qu'un seul district, l'élection devoit être unique. On a demandé la lecture du projet de M. Duport & il a été décrété :

1o. Que la vérification des pouvoirs des électeurs présumés se fera en commun.

2°. Que les électeurs vérifiés se réuniront en commun pour nommer les juges de six tribunaux, de manière qu'il en soit nommé succesivement un par chaque tribunal, en tirant au sort l'ordre des tribunaux ;

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Décrète enfin que les six tribunaux distincts & séparés, formés dans Paris ne pourront en cas se réunir pour former un seul tribunal. » M. le maire de Paris, à la tête de la commune s'est présenté à la barre où il a dit :

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« J'ai l'honneur de présenter à l'assemblée nationale les députés des 48 sections, composant la commune de Paris : ils ont rédigé une adresse où est déposé le vœu de cette commune. Ce vœu est la suite des inquiétudes du peuple. Après avoir recou→ vré la liberté & ayant échappé aux orages qui se sont élevés autour de lui, il vient déposer ses allarmes dans le sein des pères de la patrie; il vous supplie de l'entendre avec bonté, & de peser dans votre sagesse les objets qu'il soumet à votre surveillance paternelle

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M. Danthon a lu après l'adresse de la commune dont les conclusions sont que l'assemblée nationale veuille bien représenter à sa majesté que les trois

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