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M. de Mirabeau voyant que quelques membres s'appesantissoient sur la disposition relative à l'importation du tabac a demandé que cet objet fût renvoyé au comité diplomatique, comme essentiellement lié à nos intérêts commercianx avec les peuples circonvoisins. Cette proposition a eu une faveur assez marquée. Cependant, sur les observations de quelques préopinans, il a été convenu, sans aucun décret formel, que la discussion seroit continuée sur cette matière, & que le comité diplomatique présenteroit cependant ses vues & ses objections sans interruption de la discussion.

M. de Broglie a conclu aussi pour une libre culture du tabac dans tout le royaume, & à faire supporter un droit de 30 à 35 livres par quintal de feuilles de tabac importées en France.

M. Kaffman a été du même avis.

1 M. Pethion avoit entamé son opinion sur cette matière, lorsque M. Duval d'Esprémesnil, sortant d'un groupe honorable de la droite, est monté à la tribune: comme on ne savoit point à la gauche ce que vouloit dire tous les chuchotemens de la droite, on s'est d'abord opposé à ce que M. Duval parlàt; mais ayant représenté qu'il avoit des faits de la dernière importance à communiquer à l'assemblée, il été écouté assez tranquillement : Messieurs, a-t-il dit, il est digue en effet de ceux qui' respectent l'humanité de m'accorder un moment d'attention. Vous savez ce qui s'est passsé hier. (Cela ne nous regarde pas, à l'ordre du jour. ). Le peuple se porte en foule autour de la maison de M. de Castries, il paroît même qu'il s'est rendu maître de la maison; il est certain, d'après les relations, de Pauthenticité desquelles je ne puis douter, que le peuple se porte à des violences, qu'il jette les meubles par les fenêtres. (Toute l'assemblée étoit dans le sangfroid qui convient à des législateurs ; mais les tribunes & tout le public a applaudi; la droite sort furieuse des bancs, apostrophe les tribunes; M. de Murinais a même été jusqu'à dire qu'on a donné l'exemple des applaudissemens à la gauche: fausseté insigne; tous les membres de ce côté se sont levés pour recommander fortement le calme & le respect aux tribunes ; mais

le peuple n'est pas maître des premiers mouvemens c'est un acte d'homme bien pardonnable, sur-tout lorsqu'après la recommandation du président le peuple a su se contenir).

M. l'abbé Maury :

tries est environnée. La maison de M. de Cas

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gros de peuple de plus de 100 mille s'est porté dans sa maison. Le peuple s'y abandonne à des excès, casse brise, pille. Les suites de cette affaire peuvent devenir des plus dangereuses. L'autorités seule de l'assemblée peut empêcher les malheurs qui pourroient résulter * d'un pareil attrouppement. Le peuple est encore plein de respect pour cette assemblée. Je demande qu'elle rende sans désemparer un décret pour défendre tous attrouppemens, sous peine d'être poursuivi comme criminel de lèze-nation.1919.2.

M. Baco, de Nantes Je dénonce M. Maury, comme l'auteur du malheur qui nous menace.

M. le président a annoncé, d'après le rapport d'un officier, que tout étoit rentré dans l'ordre, mais que le peuple avoit commis quelques dégats dans la

maison.

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Cette affaire porte avec elle un caractère assez sin-✨ gulier, & une animosité marquée de la part des noirs contre les patriotes. Voici la source de ce duel : Le sieur Blot de Chavigny, lors de la convocation des états-généraux, se présenta à Senlis, dans l'assemblée bailliagère, pour être admis parmi les électeurs de ce qu'on appelloit alors noblesse. M. Charles de Lameth, chargé de vérifier les titres des candidats, fut obligé de faire son rapport sur les titres dudit sieur Blot, qui, au terme formel des réglemens, ne pouvoit y être admis, parce qu'il n'avoit que dix-huit ans. Vingt-deux mois se passent. Le sieûr Blot voyage en Suisse & ailleurs, & laisse les états-genéraux devenir convention nationale, & avancer à grands pas dans la carrière de la constitution. L'amour de la vengeance, nourri dans son ame par les ennemis particuliers de MM. de Lameth, (& 'on sait qu'ils en comptent antant qu'il y transfuges François,) ramène notre homme dans se

adeo

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patrie. Jeudi dernier, il se présente à l'assemblée, I &fait demander M. Charles. Celui-ci se rend à l'invitation. Le rancuneux lui rapelle qu'il avoit été cause de son exclusion parmi les électeurs de la noblesse,a Le député lui répond qu'il devoit s'en prendre à la loi, & non à lui i qu'en cela il avoit fait son devoir. Le jeune homme insiste. & demande sa parole. M. Charles lui représente, ses torts, & finit par lui dire 'a comme ce dont vous vous plaignez est arrivé il y a vingt-deux mois, je vous rendrai raison après la session. Je dirai par-tout que vous êtes un poltron. J'ai fait mes preuves, on ne vous en croira pas. N'importe, je le dirai. Au reste, je vais consul- I ser mes amis je leur exposerai le fait s'ils me con seillent de vous rendre raison, je le ferai. bu

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Sur le champ M. Charles se rend dans une maison où o unedouzaine d'excellens patriotes tous capables de juger de ce qu'on appelle point d'honneur, étoient à diner. On délibère, & le résultat fut que M. Charles devoit refuser, Six de ces messieurs l'accompagnent & expose sent à l'aggresseur ses torts. Le jeune homme fait [ confidence du fait à plusieurs députés noirs, entr'autres à M. Toulouze de Lautrec. Celui-cirépand dans l'assem blée « il est vrai que M. Charles de Lameth a fait ses épreuves ; mais tel fut brave dimanche, qui est poltron jeudi.» Ce propos revient à M. Charles qui va le trou I ver, & lui dit cette querelle m'est suscitée par MM.oit de Castries, mais je m'en moque ces messieurs, m'en veulent d'être ce que je suis mais rien au monde ne me fera changer de sentiment. Le vulcain va porter cette nouvelle à M. de Castries; celui-ci 62 trouve occasion d'insulter M. Charles. Au sortir de la séance le rendez-vous se donne au champ de mars, & le patriote en parant est blessé au bras gauche. Le peuple instruit le lendemain samedi du fait, craint pour la vie d'un de ses défenseurs ; & respectant l'inviolabilité de la personne de M. Castries, s'est porté en foule à sa maison où il s'est vengé en brisant ses meubles & ses effets. Cette vengeance arrêtera le complot formé par les mal intentionnés de se défaire partiellement des députés patriotes. Il est certain qu'il a une foule de spadassins répandue dans Paris aux

gages de ces messieurs les noirs pour faire des coups de main; mais le souverain est là qui saura les arrêter. Fasse le ciel pourtant que cette scene n'amène point de catastrophes sanglantes, & que les ennemis de la révolution ne provoquent plus l'ire vengeresse du peuple. On devroit bien savoir que deux à trois cent mille hommes mus au seul bruit du danger d'un député patriote, montrent; évidemment que la cons-, titution s'achevera en dépit de tous les complots.

Séance du soir.

M. de Noailles a lu une adresse du régiment de Royal-Liégeois, souscrite par tous les officiers, sousofficiers & ceux des soldats qui savent écrire. Ils accusent leurs chefs de les avoir entraînés dans les excès qu'ils ont commis & qu'ils ne se retracent qu'avec la plus profonde douleur; ils dénoncent ces chefs à la nation, & demandent qu'ils soient punis. L'assemblée a ordonné l'impression de cette adresse.

Une députation du bataillon de Bonne-Nouvelle a a été admise à la barre.

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M. Fromentin qui étoit à la tête a parlé ainsi : Il est temps de donner un exemple frappant qui apprenne à tous les hommes que celui qui ose attenter à la constitution en attaquant un de ses plus zélés, défenseurs, mérite une punition proportionnée à son

crime.

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Le sieur de Castries, dont le nom doit révolter tous les amis de la constitution, a osé défier au combat singulier M. Charles de Lameth, sans respect pour ses vertus, & encore moins pour son caractère. C'est contre cet audacieux que le bataillon de BonneNouvelle, qui n'est ici que l'organe de tous les patriotes de la France vient vous demander vengeance. C'est ici,, messieurs, qu'il est plus important que jamais que la nation s'explique sur le barbare usage des duels, auxquels les législateurs doivent toujours se refuser; c'est aujourd'hui, quand le sang d'un représentant de la nation coule, pour venger une injure particulière, tandis qu'il ne devoit couler que pour la patrie, qu'il est urgent que l'assemblée natiomale lève le glaive de la justice: ce crime est véri

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tablement un crime de lèze-nation; il ne sauroit être trop puni. Si les bons citoyens soupirent depuis longtemps après une haute cour nationale, c'est aujour d'hui qu'ils regrettent de n'avoir pas à lui livror sur le champ le coupable. Quand dans ce moment même M. de Lameth, toujours généreux, imploreroit votre clémence contre son criminel adversaire cette auguste assemblée considérera sans doute que la vie des Législateurs appartient à la France, & qu'il est important de mettre fin à ces complots renouvellés à chaque instant contre la liberté & contre ses plus courageux défenseurs. La capitale a trop appris cette cruelle vérité qu'il faut maintenant que les législateurs tiennent compte en champ clos des opinions énoncées dans la tribune, pour ne pas solliciter de votre sagesse enfin une loi qui prononce sur ces attentats.

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Vos momens sont trop précieux pour vous entretenir plus long-temps d'un objet aussi affligeant que celui qui nous amene devant vous.

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Au moment où l'orateur à parlé de l'attaque faite à un des plus zélés défenseurs de la constitution OIL a entendu le mot de scélérat sortir de la bouche d'un membre du côté droit. Bientôt on a scu que c'étoit M. le Roy député d'Angoulême qui l'avoit prononcé. Il n'y a eu qu'un cri qu'on l'arrête. M. le Roy a paru à la tribune, mais M. le président a demandé que l'orateur achevât d'abord son ́adresse, & l'assemblée l'a décidé ainsi.`

L'adresse lue, M. d'Ambly a demandé la parole Sur ce, l'ordre du jour a été réclamé & adopté.

M. le président, s'est écrié M. Prieur, avez-vous entendu, en mettant l'ordre du jour aux voix, le faire porter également sur l'injure qui a été préférée? Quoi! est-ce au moment qu'on vient demander à l'assemblée, justice d'une injure, qu'elle peut laisser impunic celle qui est faite dans son sein?

M. Muguet On a insulté sans pudeur un membre absent, un membre malade. Je demande que celui qui a proféré l'injure soit mis en prison pour trois jours. M. Barnave Je considère dans toute sa simplicité la motion qui vous est faite. J'espère apporter tout le sang-froid nécessaire pour cet effet. Je sereis loin de

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