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1283. Lorsqu'il ne s'agit plus de l'alignement d'une route existante ou en construction, mais de l'ouverture d'une route nouvelle, les propriétaires des terrains compris dans le plan de cette route sont-ils obligés d'obtenir une autorisation pour faire des constructions nouvelles ou pour réparer les constructions anciennes? L'administration a quelquefois élevé la prétention de soumettre ces propriétaires aux mêmes obligations que ceux dont les terrains doivent être pris pour l'élargissement, en se fondant notamment sur l'article 52 de la loi du 16 septembre 1807, qui porte que, dans le cas d'ouverture de rues nouvelles, les maires doivent donner l'alignement conformément aux plans arrêtés en Conseil d'Etat (1). On répond à cette prétention qu'en thèse générale les propriétaires des terrains qui ne joignent pas une route existante ne sont pas assujettis aux servitudes de la voirie; que l'article 52 de la loi de 1807, qui parle des rues nouvelles, suppose nécessairement l'acquisition préalable des terrains sur lesquels elles doivent être ouvertes. Ces principes, déjà développés à la tribune de la Chambre des Députés (séance du 9 février 1833) par M. Legrand, directeur général des ponts et chaussées, ont été consacrés par un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 24 novembre 1837 (Mallez), toutes les chambres réunies, sur les conclusions conformes de M. le procureur génénéral Dupin. Ce que nous venons de dire ne fait point obstacle à l'application de l'article 52 de la loi du 3 mai 1841, qui porte que les constructions, plantations et améliorations ne donnent lieu à aucune indemnité lorsque, à raison de l'époque où elles ont été faites, le jury ac

(1) La question s'est élevée principalement à l'occasion des rues des villes qui ne font pas partie de la grande voirie; mais les principes sont les mêmes pour les grandes routes.

quiert la conviction qu'elles l'ont été dans la vue d'obtenir une indemnité plus élevée. (V. no 691, § der.)

1284. Parmi les droits que les lois des 16 août 1790, t. 11, art. 3, et 19 juillet 1791, t. 1, art. 46, confèrent à l'autorité, il faut remarquer celui d'ordonner la réparation ou la démolition des édifices qui menacent ruine, droit établi antérieurement par les déclarations des 18 juillet 1729 et 18 août 1730 pour la ville de Paris, mais qui sont aujourd'hui applicables à tout l'empire d'après la jurisprudence de la Cour de cassation (Ch. crim., 30 août 1833, Guerlin) et du Conseil d'État (19 mars 1823, Cavellier). Comme l'exercice de ce droit a des conséquences fort graves pour les propriétaires, il faut faire connaitre la marche que l'administration doit suivre vis-à-vis d'eux. Lorsqu'il est constaté par des procès-verbaux qu'un bâtiment ou qu'un mur menace ruine, on doit distinguer s'il est possible ou non de le réparer, en observant qu'il s'agit ici non-seulement d'une possibilité physique, mais encore d'une possibilité légale, possibilité qui n'existe pas quand le bâtiment ou le mur est sujet au reculement.

Lorsque les réparations sont possibles, le préfet ordonne qu'elles seront faites dans un certain délai, sinon que l'édifice sera démoli, et signifie au propriétaire son arrêté, avec la désignation d'un expert pour le cas où il contesterait (1). Si le propriétaire reconnaît la nécessité des réparations, il doit les faire effectuer dans le délai fixé; sinon il doit former opposition à l'arrêté du préfet et désigner un expert ; si le nouvel arrêté est conforme au premier, le propriétaire peut se pourvoir

(1) Arrêtés des 18 juillet 1729 et 18 août 1730. D'après l'art. 4 de l'arrêté de 1729, les notifications sont faites au propriétaire s'il est connu et domicilié dans le lieu même, sinon à la personne qui occupe la maison qui menace ruine, ou même à un mandataire du propriétaire.

devant le ministre des travaux publics (1). La même procédure s'observe lorsque, l'édifice n'étant pas susceptible de réparation, le préfet ordonne purement et simplement qu'il sera démoli.

La jurisprudence du Conseil d'État avait d'abord considéré la matière comme contentieuse, et elle décidait que l'opposition devait être portée devant le conseil de préfecture, et le recours devant le Conseil d'Etat. (C. d'Etat, 2 juillet 1820, Biberon, et 19 mars 1823, Cavellier.) Nous avons signalé cette jurisprudence comme une exception aux principes généraux, puisqu'il s'agit ici de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'administration. Cette exception n'existe plus, et le Conseil d'Etat décide aujourd'hui que le droit d'ordonner la démolition des édifices menaçant ruine sur le bord des grandes routes appartient au préfet, à l'exclusion du conseil de préfecture (C. d'Etat, 30 déc. 1841, de Villages); que la décision du ministre des travaux publics confirmative de l'arrêté du préfet n'est pas susceptible d'être déférée au Conseil d'Etat par la voie contentieuse (id. 9 fév. 1854, Corre). Si le propriétaire n'exécute pas l'arrêté du préfet ou l'arrêté confirmatif du ministre dans le délai qui lui est donné, l'exécution peut avoir lieu administrativement; elle peut aussi avoir lieu de la même manière en cas d'urgence; les frais des travaux effectués d'office sont avancés par la préfecture et prélevés sur les matériaux, et subsidiairement sur les fonds et superficie. (Décl. 18 juillet 1729, 9.)

Cette procédure, qui nécessite des délais, ne peut

(1) La déclaration du 18 juillet 1729 établissait un recours devant l'autorité judiciaire, qui aujourd'hui, d'après les principes de notre droit, est remplacé par le recours devant le ministre.

convenir quand il y a péril imminent. L'administration alors se borne à faire dresser procès-verbal, et à notifier au propriétaire l'arrêté du préfet qui contient la désignation d'un bref délai pour faire lui-même ou les réparations ou les démolitions. (Cons. d'Etat du 30 déc. 1844, de Villages.) S'il n'obéit pas, l'exécution a lieu administrativement. (Décl. du 18 juillet 1729, 10.) Dans ces divers cas, non-seulement il n'est dû aucune indemnité au propriétaire dont la maison est démolie, mais encore, comine nous venons de le dire, tous les frais sont supportés par lui. C'est que la jouissance d'un droit de propriété est toujours subordonnée à la sûreté publique, et que le propriétaire doit faire lui-même toutes les dépenses nécessaires pour que la chose ne puisse nuire à personne. Les propriétaires voisins dont les constructions sont ébranlées par la démolition ne peuvent demander non plus aucune indemnité à l'administration, et ils n'en pourraient demander au propriétaire que dans les cas prévus par les articles 1382, 1383, 1386 du Code Napoléon.

L'arrêt du Conseil d'Etat du 2 juillet 1820 (Biberon) décide que, même après la démolition de sa maison exécutée administrativement par ordre du préfet en cas d'urgence, un propriétaire pouvait être admis à prouver qu'elle ne menaçait pas ruine, et, dans le cas de l'affirmative, réclamer une indemnité, et que cette question était de la compétence du conseil de préfecture. Nous avons déjà dit que, d'après la jurisprudence actuelle du Conseil d'Etat, conforme aux principes généraux, l'arrêté de démolition du préfet ne pouvait jamais être soumis au conseil de préfecture; s'ensuitil que dans aucun cas le propriétaire dont la maison. aurait été démolie ne pourrait exercer de recours ? Voici la solution que nous proposons. Le propriétaire

pourrait, même après la démolition exécutée d'urgence, être admis à prouver devant le ministre que sa maison ne menaçait pas ruine. Dans le cas où ce fait serait démontré, le ministre annulerait l'arrêté du préfet, et le propriétaire aurait droit à une indemnité qui devrait, selon nous, être réglée par le conseil de préfecture, comme résultant d'un dommage causé par l'administration en matière de grande voirie (L. 28 pluv. an VIII, 4, § 3, 51), et non par le jury, puisqu'il n'y a pas expropriation.

1285. L'art. 3 de la loi du 15 juillet 1845 étend aux propriétés riveraines des chemins de fer les servitudes imposées par les lois et règlements sur la grande voirie, et qui concernent l'alignement (1), l'écoulement des eaux, l'occupation temporaire des terrains en cas de réparations, la distance à observer pour les plantations et l'élagage des arbres plantés, le mode d'exploitation des mines, minières, tourbières, carrières et sablières dans la zone déterminée à cet effet, enfin les lois et règlements sur l'extraction des matériaux nécessaires aux travaux publics.

Aucune construction, autre qu'un mur de clôture, ne peut être établie dans une distance de deux mètres d'un chemin de fer; cette distance est calculée soit de l'arête supérieure du déblai, soit de l'arête inférieure du talus de remblai, soit du bord extérieur des fossés du chemin, et, à défaut, d'une ligne tracée à un mètre cinquante centimètres, à partir des rails extérieurs de la voie de fer. Cette servitude est imposée en vue d'éviter

(1) Le Conseil d'Etat a décidé, le 16 avril 1851, que c'est aux préfets qu'il appartient de donner l'alignement pour construire le long des chemins de fer; que les arrêtés pris par eux ne sont pas subordonnés à l'approbation du ministre des travaux publics. (16 avril 1851, De Dé

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