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routes, et qui sont cependant d'une haute importance pour les particuliers: ce sont les droits de jour et d'égout. Les propriétaires de maisons contigues aux routes peuvent ouvrir, dans ces maisons, le nombre de croisées qu'ils jugent convenable; ils ont aussi la faculté de faire écouler sur la voie publique les eaux pluviales et ménagères, à la charge toutefois de se conformer aux règlements de police.

1248. Des doutes se sont élevés sur la question de savoir à qui appartient le sol des routes départementales. D'après un avis du Conseil d'Etat en date du 27 août 1834, il faut distinguer entre les routes ou portions de routes acquises et construites avec les fonds départementaux, et celles qui ont été concédées aux départements et déclarées départementales par l'art. 3 du décret du 16 décembre 1811. Les premières sont la propriété des départements, qui peuvent en vendre le terrain en cas de suppression de la route; les autres sont restées la propriété de l'Etat. Cependant une décision du ministre des finances, du 12 septembre 1842, à laquelle ont adhéré les ministres de l'intérieur et des travaux publics, porte que, dans le second cas, les départements ont droit, à titre de compensation ou dédommagement des dépenses de reconstruction et d'entretien mises à leur charge, aux prix des ventes et aux soultes d'échange des terrains devenus inutiles par suite de rectification d'alignement ou de changement de tracé, ainsi qu'au prix des arbres plantés sur le sol de ces routes.

1249. De ce que les routes sont consacrées à un usage public, il résulte qu'elles sont hors du commerce, et que par conséquent on ne peut en acquérir le sol par prescription. (C. Nap., 2226.) Ce principe est incontestable tant que leur destination subsiste; mais

lorsqu'une route est supprimée, les terrains qui la composaient, n'étant plus destinés à un usage public, deviennent susceptibles d'une propriété privée, et peuvent être prescrits. C'est ce qui résulte de la combinaison des articles 2226, 2227 et 541 du Code Napoléon. Ainsi, pour que la prescription puisse être invoquée, il faudra prouver d'abord le changement de destination cette preuve pourra se faire par un décret impérial portant suppression de la route; elle pourrait se faire aussi, selon nous, par l'acte de création d'une route nouvelle qui aurait rendu l'ancienne complétement inutile. (V. quant aux effets de la possession du sol de la route, n° 796.) Nous rappelons ici que la détermination de ce qui fait partie de la route est de la compétence de l'administration, conformément aux principes posés au no 794.

1250. Nous venons de voir que la prescription n'avait pas lieu contre l'Etat relativement aux terrains consacrés aux routes; pourrait-elle avoir lieu à son profit à l'égard des terrains appartenant à des particuliers? Pour la négative, on peut s'appuyer sur l'art. 694 du Code Napoléon, qui interdit implicitement l'acquisition par prescription du droit de passage, à cause de sa qualité de servitude discontinue. Il faut observer qu'il ne s'agit pas ici d'acquérir la servitude de passage, mais bien la propriété même du sol sur lequel la route est établie; l'Etat, en effet, en faisant sur un terrain les constructions et les travaux nécessaires pour l'ouverture d'une route, s'en empare animo domini, et sa possession a tous les caractères nécessaires pour engendrer la prescription (1).

(1) La Cour de cassation a décidé, le 2 déc. 1844 (ch. civ., Ce de la Chapelle-Gautier), que la jouissance par les habitants d'une commune d'un

1251. Les fossés servent à l'écoulement des eaux et à la délimitation du terrain de la route d'avec les propriétés voisines. Les arrêts du Conseil des 26 mai 1705, 3 mai 1720, 16 février 1776, 17 juillet 1781, ordonnent l'établissement de fossés sur le bord des routes; celui de 1781 fixe leur dimension à une profondeur de trois pieds, et à une largeur de six pieds dans le haut et trois pieds dans le bas. Postérieurement à la révolution, l'art. 2 de la loi du 9 vent. an XIII prescrivit l'ouverture de fossés sur le terrain appartenant à l'Etat; et le décret du 16 septembre 1811, renouvelant en ce point les dispositions de l'arrêt du 3 mai 1720, imposa aux propriétaires l'obligation d'exécuter les travaux d'entretien, de curement et de réparation de ces fossés, d'après les indications et les alignements donnés par les agents des ponts et chaussées; en cas de refus de la part des riverains d'exécuter ces différents travaux aux époques indiquées, l'administration était autorisée à les faire faire à leurs frais.

1252. Depuis longtemps les propriétaires avaient réclamé contre les dispositions du décret de 1811, qui leur imposaient une servitude fort lourde, servitude répartie d'ailleurs avec inégalité, puisqu'elle était proportionnée non pas à la valeur de la propriété, mais à l'étendue de la partie de cette propriété qui bordait la grande route. La loi du 12 mai 1825 reconnut la jus

chemin conduisant à l'église et au cimetière n'avait pas le caractère d'une servitude discontinue ou d'un simple passage sur un fonds en faveur d'un autre fonds, et qu'elle pouvait donner lieu à une complainte pour faire rétablir provisoirement la circulation publique interrompue par celui qui se prétendait propriétaire du chemin. La chambre des requêtes de la même Cour a décidé le contraire, mais dans un cas où il s'agissait non d'un chemin, mais d'une sente n'ayant d'autre destination que l'exploitation des propriétés particulières qui l'avoisinaient. (C. C. req., 15 février 1847, Ce de Coutry.)

tesse de ces réclamations, et décida qu'à partir du 1er janvier 1827, le curage et l'entretien des fossés qui font partie de la propriété des routes impériales et départementales seraient faits par l'administration, et payés sur les fonds affectés à la viabilité des routes. (L. du 12 mai 1825, 2.) Il ne reste donc aujourd'hui pour les riverains, de l'ancienne servitude, que l'obligation de souffrir le rejet de la terre, qui ne pourrait sans inconvénient avoir lieu sur la route (1).

1253. La question de savoir à qui, de l'État ou des particuliers, appartient le sol des fossés creusés sur les bords de la route, présente dans plusieurs circonstances des difficultés assez sérieuses. Il nous semble que la présomption générale doit être que les fossés, qui sont des accessoires de la route, ont été creusés sur le terrain appartenant à l'État. Cette présomption devrait l'emporter sur celle de l'art. 666 du Code Napoléon, relative à la mitoyenneté des fossés placés entre deux héritages; elle l'emporterait également sur la présomption de propriété exclusive établie par les art. 667, 668 du même Code, au profit de celui sur le terrain duquel se trouve le rejet de terre, parce que, comme nous l'avons déjà fait observer, le rejet de terre est ici une servitude: mais elle tomberait devant des titres de propriété soutenus d'une possession suffisante pour empêcher la prescription de l'Etat.

Les propriétaires riverains pourraient aussi être admis à faire la preuve que, d'après les règlements locaux, ils ont été obligés de creuser ces fossés sur leur propre terrain; ce qui pourrait se rencontrer, par

(1) Arrêt du Conseil du 3 mai 1720, art. 4; instruction du 30 juillet 1835; règlement du 10 février 1835, art. 6. Conseil d'Etat, 9 avril 1849 (Dubernet).

exemple, dans les pays régis par l'ordonnance du bureau des finances de la généralité de Paris, du 47 juillet 1781, qui imposait aux propriétaires des héritages touchant les grands chemins l'obligation de les border de fossés hors les largeurs fixées. Mais dans aucun cas ils ne pourraient s'appuyer sur la possession seule, parce qu'elle ne peut engendrer de prescription contre les biens du domaine public (v. n° 794). Il faut observer que les riverains n'ont pas un grand intérêt à faire reconnaître leurs droits de mitoyenneté ou de propriété exclusive, puisqu'il en résulterait que le curage des fossés serait à leur charge pour partie ou pour le tout, la loi de 1825 ne s'appliquant qu'aux fossés qui sont la propriété de l'Etat.

1254. La propriété des murs de soutenement, des ponts, ponceaux, aqueducs, et en général de tous les accessoires d'une route, appartient à l'Etat comme la route elle-même; sauf la preuve du contraire qui peut être faite dans certaines circonstances par les particuliers, par exemple quand il s'agit d'un mur de soutenement antérieur à la construction de la route et faisant la clôture d'un riverain, ou d'un ouvrage d'art établi avec l'autorisation de l'administration, d'un pont qui a été construit par une commune sur un chemin vicinal transformé depuis en grande route, etc. Mais, comme nous l'avons dit plus haut, cette preuve ne pourrait résulter uniquement d'une possession postérieure à la confection de la route. Et, dans ces différents cas, les particuliers ou les communes, bien qu'étant propriétaires, ne peuvent disposer de ces choses sans le consentement de l'administration, qui a le droit de les garder moyennant une indemnité (v. n° 794).

1255. Les arbres plantés sur le sol des riverains sont

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