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(V. n° 794.)

une indemnité les droits individuels.

Ce que l'administration doit considérer pour statuer sur la vicinalité, c'est l'usage public du chemin ; dès que ce fait est prouvé, la vicinalité peut être déclarée. L'effet de cette déclaration est d'opérer l'expropriation implicite des terrains compris dans les limites du chemin qui pourraient appartenir aux particuliers, terrains dont l'administration peut se mettre immédiatement en possession, sauf règlement postérieur de l'indemnité. Le propriétaire ne peut plus exercer l'action en revendication, il peut seulement faire reconnaître par les tribunaux l'existence de son droit au moment où la déclaration a eu lieu; il ne peut pas non plus intenter l'action possessoire afin d'être maintenu ou réintégré dans sa possession, il doit la restreindre à la reconnaissance de sa possession; si cette reconnaissance a lieu, c'est à la commune à prouver contre lui qu'elle était propriétaire (n° 794, et C. d'Etat, 13 déc. 1845, Leloup; C. C. civ., 13 janv. 1847, Pierrot). Cette action doit être intentée dans l'année de la publication ou de la notification individuelle de l'arrêté de classement; et s'il n'y a eu ni publication ni notification, dans l'année de la prise de possession. (Trib. des conflits, 24 juillet 1854, Bellonis. V., no 794, une jurisprudence différente de la Cour de cassation.)

L'on a prétendu que l'article 15 n'était pas applicable au cas où la propriété tout entière du chemin était contestée, mais seulement à celui où le préfet déterminait la largeur d'un chemin, et pour les parcelles qu'il déclarait en faire partie; c'est même ce qui a été décidé par la chambre des requêtes de la Cour de cassation le 9 mars 1847 (Renard). Mais la jurisprudence de l'administration est contraire; il suffit, d'après l'instruction

du 24 juin 1836, que le chemin soit fréquenté par le public, soit en vertu d'un droit positif, si le sol appartient à la commune, soit en vertu d'un long usage, si le sol est la propriété d'un particulier, pour qu'il soit déclaré vicinal. Le Conseil d'Etat s'est prononcé dans le même sens, notamment dans une affaire où le chemin avait été déclaré par l'autorité judiciaire appartenir au propriétaire réclamant : « Considérant, y est-il dit, qu'il » résulte de l'instruction que le chemin dont il s'agit est depuis un temps immémorial à l'usage du public; qu'ainsi c'est avec raison que le préfet des DeuxSèvres et le ministre de l'intérieur ont procédé con» formément aux règles prescrites par l'article 15 de » la loi sus-visée. » (C. d'Etat, 22 juillet 1848, GarnierSt-Aubin, et 1er juin 1849, Ve Remy Cabon.) Enfin la chambre criminelle de la Cour de cassation a reconnu le même principe et décidé que, «< quand la voie de * communication était ouverte au public et pratiquée par lui avant l'arrêté préfectoral, quand il ne s'agit plus que de la reconnaissance et de la fixation de largeur d'un chemin préexistant... l'article 15 est » applicable, et l'arrêté du préfet attribue alors définitivement au chemin le sol compris dans les limites » par lui déterminées, et le droit du propriétaire dépossédé se résout en une indemnité. » (C. C. crim. 10 février 1848, Peigné.) Il y a dans ce cas une possession de la commune, un usage public qu'il y aurait de l'inconvénient à interrompre.

1318. Mais si le chemin qu'il paraît utile de déclarer vicinal n'est pas public, c'est par la voie d'expropriation que l'administration doit opérer. La question de publicité est donc fort importante; elle peut donner lieu à un recours par la voie contentieuse, parce que si, en

fait, cette publicité n'existait pas, le préfet excéderait ses pouvoirs en déclarant la viabilité, et son arrêté devrait être annulé. (C. d'Etat, 11 avril 1848, Delpont.) C'est là une appréciation de fait très-délicate dans la pratique, parce qu'il arrive souvent que des propriétaires qui ont ouvert des chemins sur leur terrain, et uniquement dans leur intérêt, y laissent passer les habitants, et ne s'opposent pas à un usage dont ils ne voient pas les inconvénients. Il peut cependant résulter de cette tolérance prolongée pendant un long espace de temps que la véritable nature d'un chemin devienne fort douteuse, et que le fait le plus apparent soit la publicité, de telle sorte que le préfet, par une simple déclaration, puisse le rendre vicinal; mais l'administration ne doit pas user de tant de rigueur; son devoir est de consulter les titres, d'examiner l'état des lieux, et de ne déclarer l'existence de vicinalité qu'autant qu'elle lui parait bien prouvée. « Plus le pouvoir confié à l'administration est étendu, plus >> l'administration doit se montrer sage et réservée dans >> l'exercice de ce pouvoir, » dit l'instruction du 24 juin 1836.

1319. Une des conséquences du principe posé par l'article 15 de la loi de 1836 est que la commune devient propriétaire immédiatement, par l'effet de l'arrêté du préfet, du terrain désigné, qu'elle peut l'occuper même avant d'avoir payé l'indemnité, la loi faisant exception pour ce cas au principe de l'indemnité préalable. (C. C. crim., 2 février 1844, Louvrier.)

L'article 15 s'applique-t-il aux propriétés bàties? Une instruction du ministre de l'intérieur du 15 août 1845 se prononce pour l'affirmative; elle décide en conséquence que si l'autorité voulait, en cas d'urgence,

exiger l'incorporation immédiate du sol, ce qui entraînerait la démolition des constructions, le payement de l'indemnité pourraît n'être pas préalable. Nous ne pouvons adopter cette doctrine, qui est contraire aux principes généraux, et qui donnerait à l'autorité, en matière de vicinalité, un droit qu'elle n'a pas en matière de grande voirie. Le texte de l'article 15 repousse aussi cette interprétation, puisque cet article ne parle que d'incorporation du sol, ce qui limite son application aux terrains non construits, ou tout au moius aux terrains qui ne sont séparés de la route que par un mur de clôture. (C. d'Etat, 15 mai 1852, Pontavice.) Quant aux autres édifices, ils restent dans le droit commun, et nous croyons que l'administration ne pourrait en exiger la démolition immédiate qu'en employant les formalités d'expropriation de la loi du 3 mai 1844, et moyennant une préalable indemnité.

1320. Le règlement de l'indemnité se fait ou à l'amiable ou par la voie judiciaire. Le règlement à l'amiable a lieu entre la partie intéressée et le maire; il doit être autorisé par un arrêté du préfet, après délibération du conseil municipal, comme le veut l'art. 10 de la loi du 28 juillet 1824, qui est encore en vigueur sur ce point; mais l'enquête de commodo aut incommodo, qui devait avoir lieu lorsque la somme à payer excédait 3,000 francs, n'est plus nécessaire, le préfet ayant le droit, d'après la loi nouvelle, d'attribuer les terrains aux chemins, quelle que soit leur valeur, par un simple arrêté. (V. aussi décr. du 25 mars 1852, T. A, no 41.)

Le § 2 de l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836 porte qu'à défaut d'un traité à l'amiable, l'indemnité est réglée par le juge de paix du canton, sur le rapport d'experts, conformément à l'art. 17. Or l'art. 17, relatif

au règlement de l'indemnité due pour extraction de matériaux et occupation de terrain, dit que l'un des experts est nommé par le sous-préfet, l'autre par le propriétaire, et qu'en cas de discord, le tiers expert est nommé par le conseil de préfecture: ce qui est rationnel, puisque l'indemnité dont il est question dans l'art. 17 est réglée par le conseil de préfecture; mais ce qui, entendu à la lettre pour le cas de l'art. 15, où l'indemnité est réglée par le juge de paix, constituerait une exception que rien ne justifierait. Il faut donc remonter à l'esprit de la loi, qui est de faire nommer le tiers expert par le tribunal compétent pour régler l'indemnité, et dire avec le Conseil d'Etat que ce tiers expert sera nommé par le juge de paix. (C. d'Et., 26 avril 1844, Breton.) Mais le droit du juge du paix est seulement de régler l'indemnité pour les dommages résultant de la dépossession; s'il était dû en même temps une indemnité pour dommages causés au reste de la propriété par les travaux, le juge de paix devrait en renvoyer le règlement au conseil de préfecture. (C. d'Etat, 15 juillet 1844, Fatin.) C'est la théorie que nous avons déjà exposée en traitant de l'expropriation ordinaire (V. nos 691 et 701) (1).

1321. Les règles que nous venons de tracer ne s'appliquent qu'aux chemins qui ont le caractère de chemins publics, c'est-à-dire à ceux dont le public est en jouissance par droit ou par usage; la déclaration de vicinalité ne fait que reconnaître l'état de choses existant; elle constate la viabilité, fait disparaître les ob

(1) Il résulte d'un avis du comité de législation du 19 mars 1840 que la commune doit être autorisée par le conseil de préfecture pour plaider sur l'indemnité, et que les décisions des juges de paix sont susceptibles d'appel quand l'importance de l'indemnité excède la compétence qui leur est attribuée en dernier ressort.

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