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s'étoient présentés la veille avec le procureur de la com mune : on en fit la lecture, M. Minée encore président annonça qu'on alloit procéder à l'élection du premier député à l'assemblée nationale.

A cet instant quatre députés des électeurs de la ville de Nantes entrerent à l'assemblée et firent lecture d'un écrit par lequel les électeurs de Nantes, répondant aux propositions qui leur avoient été faites par les commissaires qne l'assemblée avoit autorisés à conférer avec eux, demandoient leur admission au nombre de 90 sans exception ni fédaction, et que tout ce qui avoit été fait par le corps clectoral fût regardé comme non-avenu. Le corps électoral ne pouvoit être considéré comme légalement constitué. Cet écrit fut signé des quatre députés et déposé sur le bureau.

On continua les opérations, on fit l'appel des districts, et pendant cet appel un électeur déposa sur le bureau un écrit qu'il dit avoir saisi dans le cloître des Jacobins et dans les mains d'un inconnu. Le bureau n'a pu vous caractériser cet écrit, il n'a rien trouvé dans les pieces produites qui pût appartenir à cette indication trop vague. Quoiqu'il en soit ce fut alors que M. Minée quitta le fauteuil et sortit de l'assemblée en disant qu'il donnoit sa démission.

La démission de M. Minée fut huée à l'assemblée, on ferma le scrutin et on le scella. Alors l'assemblée électorale rappella au fauteuil un président d'âge, on fit lecture d'une lettre anonyme trouvée sur le bureau du président, et on reprit la nomination du premier député à la premiere législature, que la retraite de M. Minée avoit interrompu. Telle est, messieurs, la marche du corps électoral du département de la Loire inférieure jusqu'au 31 août 1791. Il vous importeroit peu de connoître le surplus. Les faits le bureau vient de vous présenter n'ont déja que trop long-tems fixés votre attention.

que

Il est temps de vous rendre en substance les moyens employés par la municipalité de Nantes et par l'assemblée électorale du département de la Loire inférieure.

D'un côté, la ville de Nantes accuse l'assemblée électorale d'avoir usé envers elle de trop de violence et d'avoir tumultueusement pris un arrêté qu'on lui a arraché au mépris des formes. La municipalité lui reproche d'avoir porté un regard sévere sur la seule représentation électorale de la citée de Nantes, et de n'avoir point suivi les mêmes principes vis-àvis des campagnes qui n'avoient présenté aucun tableau de citoyen actif, et qui se trouvoient dans la même position que Nantes. Elle se plaint de ce que présentant un état de popu

lation qui s'éleve à 15,039 peres de famille masculins (ce sont leurs termes), le corps électoral refusa d'en faire la vérification; elle s'excuse du défaut de tableaux indicatifs des eitoyens actifs, sur les embarras de la révolution, sur les lenteurs des préposés de l'ancien régime, et sur l'inquiétude de beaucoup de citoyens qui se cachoient encore. Elle ajoute que ses travaux considérables, que la nécessité de pourvoir à la subsistance d'une grande ville, les agitations perpétuelles dans lesquelles les municipalités ont été tenues par les circonstances, ne lui ont pas permis de satisfaire aux décrets de l'assemblée nationale. Enfin, elle conteste à l'assemblée électorale le droit de réduire les électeurs; elle s'établit juge des opérations de l'assemblée primaire à leur égard.

Les députés de la Loire inférieure présentent des moyens succinctement établis par une analyse raisonnée des pieces qu'ils ont produites. Ils argumentent du défaut de tableau des citoyens actifs de la ville de Nantes pour 1791 : ils reprochent à la municipalité la fixation, par elle faite, du prix de la journée de travail à 13 sous, tandis que le département l'avoit évaluée à 20 sous. Ils articulent que les assemblées primaires ignoroient la fixation faite par le département. Ils produisent deux états de population arrêtés par la municipalité de Nantes qui présentent 11633 citoyens actifs, et ils s'appuient de ce que ces tableaux n'ont pas passés par l'intermédiaire du district qui devoit les vérifier, et que ces tableaux n'ont été déposés au secrétariat du département par le procureur de la commune de Nantes, qne le 15 septembre dernier, tandis que les électeurs ont été nommés dans des assemblées ouvertes le 19 juin précédent. Telles sont messieurs, les principaux moyens des deux partis qui divisent le département de la Loire inférieure.

Le bureau a pensé qu'en cet état des choses, il étoit de son devoir de discuter 3 questions principales.

10. A l'époque des assemblées primaires, quelle étoit la base qui devoit servir de guide, et déterminer le nombre des électeurs de la commune de Nantes?

20. La municipalité de Nantes avoit-elle le droit de déterminer le prix de la journée de travail à 13 sous, tandis que le département l'avoit fixé à 20 sous.

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· 3o. Enfin, la ville de Nantes ne présentant pas un tableau de sa population en 1791, conformément à la loi, le corps électoral a-til pu, a-t-il dû recevoir 90 électeurs de cette commune, et ne devoit-il pas se reporter à la seule base existante, qui n'accordoit à cette ville que cinquante six électeurs ?

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Avant d'entrer en matiere le bureau vous observera qu'il s'est fait un devoir d'écarter de la discussion qu'il offre à l'assemblée nationale, les faits avancés et qui après avoir été contestés ou désavoués sont demeurés sans preuves. Teiles sont les voies violentes imputées à l'assemblée électorale le tumulte et les bruits causés par dés gens intéressés à perpétuer le désordre.

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Le bureau vous observera également, messieurs, qu'il a été à même de juger combien il est important d'entendre toutes les parties intéressées, et de ne juger que d'après des pieces à l'appui de leur prétention; il ne craindra pas de vous dire que le rapport à l'assemblée nationale constituante contenoit des faits exposés par la commune de Nantes qui n'étoient point justifies; que M. Tronchet qui prévoyoit dès-lors que cet exposé, si il étoit inexact, pourroit entraîner des inconvéniens, demarida que l'assemblée nationale ne parût point reconnaitre par son décret qu'il y avoit des irrégularités. Il voulut seulement que le préambule de ce décret fat un verbal des nullités prétendues, mais non pas des nullités existantes; que cette motion fut adoptée par M. de Beaumetz, et ensuite par le décret du 7 septembre dernier, ensorte qu'il n'est pas exacte de dire, comme l'a fait la députation de la commune de Nantes dans son mémoire, que l'assemblée nationale constituante, en reconnoissant son incompétence, a cependant reconnu qu'il résultoit de la liste des citoyens actifs que la ville de Nantes avoit le droit de nommer go électeurs.

Le préambule du décret n'est qu'un exposé de fait, et non le résultat d'un examen des pieces et d'un point de fait vérifié.

Reprenons actuellement les trois questions dans l'ordre où elles ont été posées.

Il restoit au département de la Loire inférieure une liste des citoyens actifs de la ville de Nantes, qui avoit servi de base à sa représentation électorale de 1790. Le procureurgénéral syndic du département, par sa lettre du 23 juin, prescrit aux muuicipalités de former de nouvelles listes. Rien ne pouvoit dispenser la municipalité de Nantes de la formmation de ce tableau; et quelqnes grandes qu'aient été ses Occupations, personne ne peut douter que son premier de voir étoit de veiller attentivement à la conservation de la plénitude des droits de ses concitoyens.

Qmettre les formalités du tableau des citoyens actifs, n'estçe pas réduire à une représentation arbitraire, ou au moins renoncer à l'avantage du tableau des citoyens actifs? n'étoit-ce

pas se réduire à une représentation arbitraire, ou au moins renoncer aux avantages d'une population plus grande ?

Le bureau, sur cette premiere question, a donc pensé qu'il ne pouvoit y avoir de doute d'admettre pour base de la représentation de Nantes à l'assemblée électorale de 1791, le tableau de 1790. Il y auroit du danger de prendre pour guide un tableau des chefs de famille mâles, qui confond les citoyens actifs avec ceux que l'infortune ou la domesticité en séparent encore; peut-être même les tableaux tardivement formés et déposés le 15 septembre dernier. Ces tableaux se trouvent en grande opposition avec l'attestation du secrétaire du département de la Loire inférieure, qui fixe seulement à cinq mille et quelques le nombre des citoyens mâles de Nantes payant 3 liv. d'impositions directes. Ces tableaux paroissent calculés, sinon d'après la journée de 13 sols, au moins d'après le droit de patente, que la municipalité de Nantes considere mal à propos comme impôt direct.

La seconde question est très-simple, et ne mérite qu'une très-courte analyse des faits qui y sont relatifs,

Le 12 mai dernier, le département de la Loire inférieure avoit fixé les journées de travail à 20 sols pour la ville de Nantes. Son arrêté avoit été notifié.

Le 12 juin, un mois après, la municipalité, dans un réglement qu'elle fit afficher relativement à la police des assemblées primaire, crut pouvoir déterminer le taux de ces journées à 13 sols. Ce réglement, qu'on prétend n'avoir été affiché que le 18 juin, parvint à la connoissance du département, qui crut devoir prendre un délibéré rappellant la fixation qu'il avoit faite en mai, et chargea la commune de Nantes de prévenir les citoyens, de l'erreur qui s'étoit glissée dans l'affiche de la municipalité, datée du 12 juin, et de les instruire que pour êtrê citoyen actif, il falloit payer une contribution directe de 3 livres.

Le département ordonna que son arrêté seroit sur le champ notifié au greffier de la municipalité qui en donne

roit son reçu.

Le bureau a pensé à cet égard que la municipalité de Nantes n'avoit pas eu pour la hiérarchie des pouvoirs, le respect qui, seul peut maintenir la constitution. Le district de Nantes avoit proposé la fixation au département. Ce dernier l'avoit arrêtée, le voeu de la loi étoit rempli. La municipalité ne pouvoit ni ne devoit y porter atteinte.

Le bureau a vu avec peine que c'est de cette infraction de la loi que dérivent essentiellement les difficultés qui occu

pent actuellement l'assemblée nationale. En effet, messieurs, il lui a paru démontré que les arrêtés du département sur la fixation des journées de travail n'ont pas été motifiés aux assemblées primaires de Nantes, et que les citoyens chargés par la municipalité de les ouvrir, n'ont déposé sur le bureau que les arrêtés qui fixent les trois journées à 39 sols.

Il reste à vous présenter, messieurs, les réflexions du bureau sur la troisieme question. Les députés de la commune de Nantes ont distribué aux députés du sixieme bureau et aujourd'hui à l'assemblée nationale un mémoire imprimé dans lequel ils ont prétendu que les électeurs avoient éxcédé leurs pouvoirs en bornant la représentation de la commune de Nantes Ils ont qualifié de réduction les limitations volontaires des électeurs de cette ville. Ils ont cité les dispositions des décrets des 28 mai, 22 décembre 1789, et ils ont cru par-là avoir appuié les motifs de leur réclamation contre l'opération de l'assemblée électorale. Le bureau en a jugé autrement. Attaché aux principes constitutionnels, il a considéré que la ville de Nantes n'avoit pu nommer qu'un électeur sur cent citoyens actifs; que, pour déterminer d'une maniere fixe, invariable et arithmétiquement démontrée le nombre qu'elle avoit le droit d'élire, elle avoit dû justifier légalement la quotité des citoyens actifs; qu'un état des chefs de famille males n'avoit pú prouver cette quotité et qu'aucuns motifs de considération ne devoient détourner l'assemblée électorale des principes et des regles qui doivent maintenir, dans toute leur pureté, les loix de la représentation nationale. Il n'a donc pas considéré l'arrêté du corps électoral du dépariement de la Loire inférieure, comme une réduction ; il a pensé au contraire que les électeurs qui n'avoient pu connoître la population de Nantes que par la liste du 6 novembre 1790, n'avoient pas dû recevoir daus leur sein un nombre d'élec teurs excédant celui de la population légalement reconnue ; que cette sévérité de principes ne pouvoit être improuvée et que la municipalité de Nantes avoit à s'imputer la lenteur qu'elle avoit apportée à la formation de la liste des citoyens. actifs. Le bureau est donc d'avis que les électeurs du département de la Loire inférieure, en restreignant la ville de Nantes à une représentation justifiée, et en s'opposant à l'admission d'un nombre établi seulement sur des calculs présumés, n'ont point fait un acte d'administration ou de législation. Il a pensé au contraire que cette assemblée avoit jugé que trente des électeurs de la ville de Nantes n'avoient aucun titre valable pour se présenter à l'assemblée, et qu'ils ne devoient point être admis.

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