Page images
PDF
EPUB

tion dans tous les esprits, et repousser à jamais les reproches faits au parlement, c'est la conduite du gouvernement lui-même.

Le gouvernement, comme on l'a déjà dit, avait fait preuve de la plus grande modération; il avait essayé tous les moyens d'arriver à un résultat qui lui donnât des garanties, sans en venir à l'expulsion, et ses efforts ayant été inutiles, il laissa faire le parlement.

il

Après l'arrêt de 1762, le gouvernement examina de nouveau l'institut et les constitutions; pesa les motifs qui avaient décidé le parlement. Plus de deux ans furent employés à cet examen, et c'est après tant de précautions, après une si scrupuleuse temporisation, que le Roi, après en avoir délibéré avec les hommes d'état qui formaient son conseil, se décida à donner sa sanction à toutes les mesures prises par le parlement, et à prononcer, par l'acte le plus solennel de son autorité, l'expulsion générale et définitive de la Société des soi-disant Jésuites. En conséquence, au mois de novembre 1764, il fit promulguer l'édit dont voici la

teneur.

ÉDIT DU ROI,

CONCERNANT LA SOCIÉTÉ DES JÉSUITES.

LOUIS, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut. Nous nous sommes fait rendre un compte exact de tout ce qui concerne la Société des Jésuites; et nous avons résolu de faire usage du droit qui nous appartient essentiellement, en expliquant nos intentions à ce sujet. A ces causes, et autres à ce nous mouvant de l'avis de notre conseil, et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, nous avons dit, statué, ordonné, et par notre présent édit, perpétuel et irrévocable, disons, statuons, ordonnons, voulons et nous plaît que la Société des Jésuites n'ait plus lieu dans notre royaume, terres et seigneuries de notre obéissance; permettant néanmoins à ceux qui étaient dans ladite Société, de vivre en particulier dans nos états, sous l'autorité spirituelle des ordinaires de lieux, en se comportant en toutes choses comme nos bons et fidèles sujets; voulons, en outre, que toutes procédures criminelles qui auraient été commencées à l'occasion de l'institut et Société des Jésuites, soit relativement à

lers,

des ouvrages imprimés ou autrement contre quelques personnes que ce soit et de quelque état, qualité et condition qu'elles puissent être, circonstances et dépendances, soient et demeurent éteintes et assoupies, imposant, à cet effet, silence à notre procureur-général. Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseilles gens tenant notre cour du parlement, que le contenu en notre présent édit ils aient à faire exécuter, nonobstant tous édits, déclarations, arrêts, règlemens et autres choses à ce contraires, auxquels nous avons, en tant que de besoin, dérogé par le présent édit; car tel est notre plaisir; et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y avons fait mettre notre scel. Donné à Versailles, au mois de novembre 1764, et de notre règne le 50e.— Signé, LOUIS, et plus bas, PHELIPEAUX. Visa, `LOUIS. Et scellé du grand sceau de cire verte en lacs de soie rouge et verte.

Registré, ouï, et ce requérant le procureurgénéral du Roi, pour être exécuté selon sa forme et teneur, et copies collationnées envoyées aux bailliages et sénéchaussées du ressort, pour y être lu, publié et registré. Enjoint aux substituts du procureur-général du Roi d'y tenir la main, et d'en certifier la cour dans le mois. A Paris, en parlement, toutes les cham

bres assemblées, la cour suffisamment garnie de pairs, le 1 décembre 1764.

Signé, DUFRANC.

Le parlement, en enregistrant cet édit, voulut cependant prendre quelques précautions, relativement à la disposition de l'édit qui permettait aux ci-devant soi-disant Jésuites de résider dans le royaume; en conséquence, il rendit l'arrêt suivant dans la forme la plus solennelle, les princes et pairs y séant.

Extrait des registres du parlement, du 1" décembre 1764.

Ce jour, la cour, toutes les chambres assemblées, les princes et pairs y séant, délibérant sur les lettres-patentes en forme d'édit du mois de novembre dernier, registrées cejourd'hui,

Considérant qu'il importe à la tranquillité publique que ladite cour ne néglige rien pour prévenir toute occasion de trouble, au sujet de la permission accordée par ledit édit aux ci-devant soi-disant Jésuites de vivre dans le royaume.

A ordonné et ordonne que lesdits ci-devant soi-disant Jésuites qui seraient dans le cas de profiter de ladite permission, seront tenus de résider dans le diocèse de leur naissance, et

néanmoins ne pourront approcher de la ville de Paris plus près que dix lieues; comme aussi de se présenter tous les six mois devant le substitut du procureur-général du Roi aux bailliages et sénéchaussées dans l'étendue desquels ils feront leurs résidences, lequel en enverra certificat au procureur-général du Roi, le tout à peine d'être les contrevenans poursuivis extraordinairement. Enjoint aux substituts du procureur-général du Roi dans lesdits bailliages et sénéchaussées, de veiller chacun en droit soi, à ce que lesdits ci-devant soi-disant Jésuites se conforment aux lois du royaume, arrêts et règlemens de la cour, et se comportent comme bons et fidèles sujets du Roi, ainsi qu'il est prescrit par ledit édit, et d'en rendre compte au procureur-général du Roi. Ordonne que le présent arrêt sera imprimé, publié et affiché, et copies collationnées d'icelui, envoyées aux bailliages et sénéchaussées du ressort ensemble au conseil provincial d'Artois, pour y être lu, publié et registré. Enjoint aux substituts du procureur-général du Roi d'y tenir la main, et d'en certifier la cour dans le mois. Fait en parlement, toutes les chambres assemblées, les princes et pairs y séant, le 1er décembre 1764. Signé, DUFRANC.

« PreviousContinue »