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plutôt. En effet, la plupart de ceux qui font attaqués de fymptomes vénériens ne laiffent invéterer leur maladie, que parce qu'ils ne favent point diftinguer d'abord fes fymptomes, ou parce qu'étant fous la févére difcipline de fupérieurs auxquels ils veulent dérober la connoiffance de leur état, ils ont recours à un charlatan qui abuse de leur ignorance. Ces bateleurs font annoncer par-tout qu'avec leur firop mercuriel, leurs tifannes végétales, leurs remedes antivénériens, il n'y a ni régime à obferver, ni faignée à faire, ni purgatif à prendre. Ils cherchent à fe concilier la bienveillance des malades pour mieux attraper leur argent. Mais, fi ces malades veulent fuivre exactement les règles qui leurs font ici prefcrites, ils fe déroberont à l'avidité des charlatans. Ils obtiendront une guérifon fûre, prompte & facile, puifque, fous l'apparence d'une légere incommodité, ils pourront fe procurer les remedes néceffaires, fans qu'on puiffe même foupçonner la caufe de leur maladie réelle. Cet ouvrage leur préfente encore l'avantage de pouvoir fe traiter dès que le plus léger fymptôme de la maladie fe manifefte, ce qui la rendra moins opiniâtre, puifqu'il eft certain que la plu

part des fymptomes vénériens ne font rebelles que parce qu'on ne s'eft pas oppofé affez tôt à leurs cours par des remèdes convenables.

Cet ouvrage utile eft divifé en deux parties; dans la premiere l'auteur donne une nouvelle théorie des maladies vénériennes, & il explique d'une maniere également neuve l'opération des remedes qui conviennent à ces maladies. La feconde partie eft deftinée à décrire tous les fymptomes vénériens locaux, & les remedes qui y conviennent. Comme ils font toujours des préludes d'une vérole générale, il n'a rien négligé pour mettre le malade en état d'y bien remédier & les empêcher de dégénérer en vice habituel, fur tout lorfqu'il eft de fon intérêt de s'y prendre de cette maniere, & qu'il eft poffible de le faire. L'habile médecin fait mention des cas où, faute des remedes néceffaires, le malade peut fe trouver hors d'état de fe traiter lui-même, & obligé d'avoir recours, foit au médecin, foit au chirurgien. Alors il ne fait qu'indiquer les opérations néceffaires dans ces circonftances. Cette feconde partie est terminée par un appendix qui traite du régime à obferver pendant le cours des

remedes antivénériens. L'auteur y a joint les recettes de quelques médicamens dont il n'avoit point parlé dans le corps de l'ouvrage, & qui néanmoins peuvent quelquefois être employés avec fuccès.

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Voyage de France, d'Espagne, de Portugal & d'Italie; par M. S*** > vol. in-12. A Paris, chez Merlin, rue de la Harpe, à l'image St Jofeph.

Ce voyage, que l'on attribue à M. Silhouette, eft daté du 22 Avril 1729 jufqu'au 6 Fév. 1730. Ce n'eft proprement qu'une relation affez fuccinte de ce qui a pu fixer l'attention de l'auteur de cette relation. La plupart des voyageurs fe peignent dans le recit qu'ils nous font de ce qu'ils ont le plus remarqué; le favant ne parle que d'infcriptions & de médailles; le géographe, de pofitions de lieux & d'étimologies de noms de villes; le moine n'oublie pas de citer toutes les reliques. qu'il a vues; le politique s'applique particulierement à nous faire connoître le gouvernement, les mœurs & les ufages des peuples qu'il a eu le tems d'étudier. M. Silhouette s'étoit occupé pendant une partie de fon féjour dans les différentes villes d'Efpagne, à traduire en françois

les réflexions de Balthazar Gracian fur les plus grands princes, & cette étude devoit le porter naturellement à fixer principalement fon attention fur les mœurs des peuples avec qui il fe trouvoit. C'eft auffi la partie la plus intéressante de fon voyage. Il faut voir dans cette relation même la peinture qu'il nous fait du caractere des Efpagnols. Il nous les peint, quant à l'extérieur, froids, réfervés, peu communicatifs : foit naturel, foit affectation, foit l'un & Fau tre enfemble, ils ont un grand air de gra vité qui en impofe à ceux qui ne les connoiffent pas: ce n'eft pas leur ufage de fe donner à manger, mais ils fe regalent de chocolat: ils aiment les épiceries, le fucre & le fafran. Ils mangent peu chez eux, & avec modération ; mais s'ils font en fête chez quelqu'un qui les invite, ils mangent avec excès : doit - on les louer dans leur fobriété? Si on peut les engager à quitter leur gravité pour quelques momens, on les trouve fort enjoués & même fort vifs. Ils aiment avec paffion la mufique, quoiqu'ils n'aient pas de bons muficiens, & ils ont beaucoup de goût pour la guittare. Notre voyageur rapporte à ce fujet un trait qui paroîtra toujours

fingulier. Environ vingt-cinq après la révolution du Portugal, dans le tems que les deux couronnes voisines étoient en guerre, les Portugais firent une course dans l'Andaloufie & pillerent le bourg de Taineros paffant plus avant, ils laifferent un cavalier en fentinelle à la porte de ce bourg; & ce cavalier fe mit à jouer tranquillement de fa guittare qui n'étoit pas d'accord; un bourgeois du lieu qui venoit d'être pillé, entendant la mufique de ce foldat, & choqué de la diffonance de cet inftrument, le pria civilement de lui donner fa guittare; il la mit d'accord, & la rendit au Portugais en lui difant: Agora fta templada à présent elle eft d'accord; après quoi il continua froidement de fe promener comme auparavant.

Les Espagnols confervent dans leur danfe un air de gravité & d'uniformité; leurs pas ni leurs geftes ne font pas variés. Ils danfent ordinairement avec des castagnettes; mais leur plus grand plaifir, & qu'ils préférent à celui de la comédie, quoiqu'ils en foient extraordinairement & ridiculement jaloux, c'eft la fête des taureaux: elle fe célèbre dans la place Mayor. Cette place eft au milieu de Madrid; elle a quatre cens trente-quatre toi

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