Des doux pavots bientôt abandonné, Ne fe mêloient dans une jouiffance La flûte aigue & la douce mufette Au fond des bois foupiroient tendrement : Mêloient leur voix à ce concert charmant. བྱ Des paffions l'impérieux délire Ne troubloit point l'heureufe paix du cœur : La vertu feule exerçoit fon empire. Siecle de fer. Ainfi vécut l'homme encore innocent Mais auffi-tôt que la préfence impure Du crime altier eut fouillé la nature, Tout a femblé rentrer dans le néant. Du vrai bonheur l'homme épuifant la lie, Vit l'âge d'or fe perdre fans retour: Les paffions, implacable vautour, Ont de fes fens dérangé l'harmonie. Les noirs foupçons, la basse calomnic Ont concerté leurs perfides projets La douleur morne & laffe de la vie A triomphé de fon ame engourdie, Et la frayeur s'eft peint d'affreux objets. L'Amour lui-même eft devenu fordide: Dans l'amertume il aiguife fes traits; La foif de l'or eft l'appas qui le guide. De l'intérêt, monftre ennemi des mœurs La feule loi gouverne tous les cœurs: L'homme par lui devient impitoyable, Il s'endurcit & voit avec douleur Les biens divers qu'éprouve fon femblable: Il en frémit, & la rage implacable, Rompant les fers, lui fouffle fa fureur. Four l'aflouvir il court de crime en crime, Et fous les pas s'il rencontre l'abyme, Par les chagrins qui confument les jours; Venge fes droits en arrêtant fon cours. Punition de la Terre, Le Ciel jadis, dans fa jufte colere, Divifion des Saifons. A ce fignal les faifons irritées Ont tour-à-tour maîtrisé l'Univers: Les noirs frimats, miniftres des hivers, Ont défolé les plaines attristées, Et les chaleurs ont corrompu les airs. Zéphir jadis régnoit toute l'année, Et des bienfaits d'un éternel printems La même branche en même-tems ornée, Offroit des fleurs, des fruits mûrs & naiflans, Les ouragans, les éclairs, le tonnerre, De leurs fureurs n'accabloient point la terre : Unis entr'eux, jamais les élémens Ne le faifoient une funeste guerre. Des maux jamais l'inépuisable cours Ne corrompoient les fources de la vie : Surprenant l'homme, accablé, fans fecours, Et tranche enfin fes tourmens & les jours. Réflexions. Mais, au milieu de ce déluge immenfe De maux divers, de peines & d'erreurs, Ce qui pourroit alléger nos douleurs Semble échapper à notre connoiflance. Combien eft-il de fimples inconnus, Quoique doués d'un pouvoir falutaire, Qui, dans les champs, languiffent confondus! O vains regrets! l'homme eft trop fanguinaire Pour mériter leurs précieux bienfaits: Le cœur brûlé d'une ardeur meurtriere, Il s'eft rendu le tyran des forêts, Et pire encor. Dans fa faim dévorante Le loup, qui vient égorger les troupeaux, Céde au besoin dont l'accès le tourmente; Recueille-t-il le fruit de leurs travaux ? Et l'homme, hélas ! qui reçut en partage Une ame tendre & fenfible aux malheurs, L'homme, dont l'œil peut répandre des pleurs, Qui, de Dieu même, eft la vivante image, Plus inhumain que les loups ravifleurs, Dans le fang l'homme ofe aflouvir fa rage. Les loups cruels ont mérité là mort ; Nous vous donnons quelques regrets ftériles,. Nous n'ofons point remédier à nos maux. Plaifirs de la Péche. Mais éloignons ces affligean's tableaux: Dans leurs baffins les fleuves plus tranquilles Vont inviter à des plaifirs nouveaux. De ces plaifirs fi ton ame eft avidė, Cours fur la rive; apprête tes réseaux Et féme autour une amorce perfide: Bientôt féduits, les habitans des eaux Déferteront leurs paifibles rofeaux. Vole à ta ligne, & redouble d'adreffe:: Vois s'élancer le tyran des ruilleaux; L'appas trompeur le met dans la détreffe: * Pythagore. |