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Sans appui, fans amis, pleurant, indéfendu, J'attends pour m'en venger que le monde finifle, L'orgueil eft mon premier bourreau,

Et ce monftre odieux, qu'avec tant d'éloquence Combat, dans fes écrits, le célèbre Rousseau, Principe de mon existence,

Le luxe m'affaffine & creufe mon tombeau.

La honte qui devroit, de celui qui m'outrage,

Couvrir le front injurieux,

Eft mon éternel appanage,

Et mon crime pourtant n'eft que celui des dieux. Pour une ame compatisfante

Je fuis un fpectacle touchant,

Mais du regard altier l'arrogance insultante
Ne voit en moi qu'un objet dégoûtant.

Toi-même, que mon nom maintenant intéreffe

De ta faufle délicateffe

Peut-être en ce moment offenfé-je les yeux.

Mais ne t'aveugle pas, un coup-d'œil en arriere, En te rappelant tes aïeux,

Pourra t'infinuer un avis falutaire,

Celui d'être fenfible, humain & généreux.

Vous, dont la tendre bienfaifance

D'un bifarre deftin corrige les horreurs,
Vous, qui du malheureux avec indifférence
Ne voyez point couler les pleurs,
Mon nom, pour vous, à trouver eft facile,
L'humanité l'a gravé dans vos cœurs;

Mais qu'il en eft à la cour, à la ville,
Qui ne me connoîtront jamais!

Hommes cruels, envain mon image importune
Se repéte à toute heure autour de leurs palais !
Infenfibles aux pleurs, aux cris de l'infortune,
Ils font pour moi fans oreilles, fans yeux :
Pour en être inconnu, le voile du mystere
Ne m'eft pas néceffaire,

Mon nom fera toujours un énigme pour eux.
Par M. de Lar.. fils, de Coutances.

AUTR E.

ENVAIN, dit un vieux nouvelliste,

Jelis & je relis maint & maint journaliste ;
Aucun ne m'inftruit du terrein

Qu'occupoit l'ennemi dans la derniere affaire,
L'aftronome fe leve, & dit : lunette en main,
J'irai fous un autre hémisphere,

Bravant l'inconftance des mers,

Epier les écarts du monde planetaire,

Et mes nobles travaux inftruiront l'Univers.
Pour moi je chercherai l'immédiate cause
Des effets de l'attraction,

Dit un efprit fuperbe, & qui, de toute chofe,
Prétend affigner la raison.

Quittons l'homme, lecteur, & paflons à la fem

me.

Qui pourroit expliquer les divers mouvemens
Que je fais naître dans son ame?
C'eft la naïve Agnès, à l'âge de treize ans,
Qui, du monde galant, ignorant le langage,
A fa maman qui fottement rougit,

Demande innocemment, qu'est-ce qu'un pucela

ge?

C'eft la frivole Eglé qui, de cœur & d'efprit,

Toute entiere à la bagatelle,

Au nom d'une mode nouvelle, S'intrigue & veut fçavoir où s'en fait le débit. C'eft la médifante Belife

Qui, pour égaïer fon loifir,

De l'hiftoire du jour exige qu'on l'inftruife.
Enfin... mais répondons, lecteur, à ton defir;
En deux mots voici ma devife.

Fille de la fcience ou de l'oifiveté,
Utile paffion, ridicule manie,
Imprudence, méchanceté,

Le mal en moi fe trouve ainsi que la bonté ;
Mais ne m'impute pas cette bifarrerie,

Elle a fa fource dans ton cœur:

Honnête ou vicieux, je fuis ce qu'il veut être, Et ce font les penchans qui reglent ma valeur. Apprends mon origine & tu vas me connoître: Aux perfides accens du ferpent féducteur, Oubliant de fon Dieu la terrible défense

ހ

Eve me conçut dans fon fein ;

Devois-je, helas! par ma

naiffance

Donner la mort au genre humain !

Par le même.

AUTRE.

Dx cinq pieds je fuis compofée,

Pour mon ufage il m'en faut deux;
Si par malheur j'en fuis privée,
Lors mon bonheur devient douteux.
Car courir eft mon premier vice,
Souvent auffi me trouve t-on,:
Quiconque veut entrer en lice
A beaucoup plus tort que raison..
Enfin, lecteur, pour tout te dire
On pourroit me prêter deux fens;
Dans l'un des deux il faut me fuir,
Dans le fecond... tu me comprends.
Je ne change jamais mon nom
Sans changer de condition.

LOGO GRYPH E.

Les plus fameux guerriers qu'on ait vus fur la

terre

Ne feroient pas connus fans moi.
Je me nourris de fang, je ne vis qu'à la guerre ;
Je répands en cent lieux l'épouvante & l'effroi.
Je réunis fouvent le fils avec le pere;

Je fais trembler les potentats;

On me maudit, on me révére;

Je caufe, quelquefois, la chûte des états.
Lecteur, fi tu me décomposes,

Tu trouveras en moi la couleur d'un cheval;
L'endroit où la nuit tu reposes;

Un plaifir dont le règne eft dans le carnaval ;
Le nom d'un dieu païen qu'on lit dans Athalic;
Ce qui le plus fouvent termine un opéra ;

Si tu mets à la loterie,

Ce que pour ton argent

on te diftribuera;

Ce qu'au jeu de billard à faire l'on s'applique,
Un fectateur Mahometan;

Un terme de marine; un terme de mufique ;
Un mot anglois qu'un milord duc entend.
Lorfqu'avec plus de foin, encore, on m'étudie,
J'offre ce qui nourrit quand on eft au berceau;
Pour traverser les airs ce qui fert à l'oiseau ;
Ce qui caufe fouvent plus d'une maladie ;

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