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DORVAL pere. Tu peux en juger.. J'entends du bruit, c'eft mon fils fans doute, vas ouvrir, & fonge à la parole que je t'ai donnée.

Dorval le fils frappe plufieurs coups: fon pere fe cache dans le cabinet ; Dubois va ouvrir la porte.

SCENE I I I.

DORVAL fils, PRÉMESNIL, DUBOIS. DORVAL fils. Si tu voulois bien ne pas nous laiffer à la porte fi long-tems. DUBOIS. Monfieur... c'eft que j'étois

en affaire...

DORVAL fils. Avec qui ?
DUBOIS. Avec moi-même.

PREMESNIL. Cela doit être intéreffant..

& Rofe, viendra t'elle?

DUBOIS. Elle devroit être ici.

Prémefnil arrange fes cheveux devant la glace, en fredonnant un air.

DORVAL fils, à Dubois. Tu m'as dit qu'elle eft charmante, & je meurs d'envie de la voir.

DUBOIS. Et moi, Monfieur, je vou

drois qu'elle ne vînt pas; car ma confcience me reproche d'avoir fait ce que j'ai fait.

PRÉMESNIL à Dorval, La confcience de Mons Dubois ! Comment le trouves-tu? DORVAL fils à Dubois. Et qu'as-tu fait, que ta confcience te reproche?

DUBOIS. J'ai fait, Monfieur, que cette petite fille refufoit de venir, & qu'il a fallu engager ma parole d'honneur que c'étoit pour une Dame qui vouloit lui donner fa pratique.

DORVAL fils. Ta parole d'honneur! ta confcience! cette maladie - là te prend bien fubitement... Allons, allons, tu me fais pitié, mon pauvre garçon... Mais, dis moi, as tu été chez cet ufurier de ta connoiffance pour les cinquante louis dont j'ai befoin?

DUBOIS. Je vous parlerai de çà une autre fois.

DORVAL fils. Tu te moques de moi, Prémefnil n'est pas de trop.

DUBOIS. Monfieur...

DORVAL fils. Monfieur, Monfieur... Eh bien, que veux-tu dire avec tes coupsd'œil...

DUBOIS. Des coups d'œil, Monfieur !

je n'ai point donné de coups-d'œil. PRÉMESNIL. Mais je crois que Mons Dubois devient fou.

DUBOIS, fort haut. Encore une fois, Monfieur, ne parlez pas de coups-d'œil, parce que je ne vous en donne point. DORVAL fils, le fecouant pas le bras. Dors tu, maraut? As tu bu? Parle, ré

ponds.

DUBOIS. Monfieur, je ne dors point, je n'ai point bu, mais je ne vous donne pas de coups-d'œil, & c'eft fort mal à vous de dire que je vous en donne..

Prémefnil rit beaucoup pendant cette difpute.

DORVAL fils. Je ne le reconnois plus. PRÉMESNIL. On frappe... C'est Rose... DORVAL fils, à Dubois. Vîte, vîte, va ouvrir. (à Prémefnil.) Si elle veut jouer -la vertu !

PRÉMESNIL. Beau beau, tu me fais rire

avec ta vertu.

DORVAL fils, à Dubois. Eh bien, onvriras-tu?

DUBOIS allant ouvrir, mais lentement. Tout-à l'heure, Monfieur... Des coups d'œil! çà n'eft pas vrai.

DORVAL à Dubois. Eh ! bourreau, va

donc...

SCENE I V.

DORVAL fils, PRÉMESNIL, ROSE,
DUBOIS.

ROSE, à la porte. Je fuis venue justement à l'heure, M. Dubois... Où eft cette Dame ?

DUBOIS. Entrez, Mamfelle.
ROSE. Je ne la vois pas.

DORVAL fils, allant au-devant d'elle. Elle fera ici dans le moment... Venez vous affeoir.

ROSE. Je vous remercie, Monfieur,& puifque cette Dame eft fortie, je reviendrai une autre fois.

PRÉMESNIL. Non, mon enfant, vous refterez... Elle eft jolie... DORVAL fils. Très-jolie.

Dubois refte dans le fond, & ne perd pas de vue la porte du cabinet.

ROSE à Dorval, qui veut lui prendre la main. Finiffez, Monfieur, & laiffezmoi fortir.

PREMESNIL la retenant par l'autre main. Non pas, s'il vous plaît.

ROSE effraïée, à Dubois. Ah! M. Dubois, vous m'avez trompée, & cela eft indigne à vous.

PRÉMESNIL. Il ne vous a point trompée, ma petite: nous fommes jeunes, généreux, & vous ferez enchantée d'avoir fait notre connoiffance.

DORVAL fils. Pour vous mettre à votre aife, vous fouperez ici, nous vous remenerons enfuite chez vous, & vous ferez contente du préfent qui vous eft deftiné.

ROSE. Un fouper, un préfent,Monfieur! apprenez que je n'en accepterai ni de vous, ni de perfonne : Je fuis pauvre, mais hon. nête, & je mourrai plutôt que de changer. Ma vertu eft le feul héritage que ma mere m'a laiffé, je le conferverai jufqu'au tombeau.

PRÉMESNIL. Comment diable! de l'hé roïsme!

DORVAL fils. Tout pur en vérité... ROSE. Je n'entends rien à vos grands mots, mais fachez que je tenterai tout pour m'arracher de vos mains... Oui, je veux fortir.

PRÉMESNIL. Oh! parbleu, vous ne fortirez pas.

Rose pleurant. Ah! Meffieurs, ayez

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