nant embraffés étroitement, c'étoit. pour vous donner du pain. Alors, ces fix honnêtes infortunés s'inondent de leurs larmes; ils fe preffent réciproquement contre leurs cœurs... O hommes!.. Quel fpectacle! Voilà, Madame, l'action plus qu'héroïque que je vous prie de communiquer à votte fociété. Puiffe ce trait fi éclatant de fenfibilité aller chercher l'humanité affoupie au fond des cœurs! Puiffe-t-il être une voix qui crie aux oreilles endurcies de ces riches dénaturés qui, tandis qu'ils fe gorgent, je ne balance pas à me fervir de cette vieille expreffion, des mêts les plus abondans & les plus fuperflus, laiffent leurs femblables, des hommes, des familles entieres mourir de faim. Ah! Madame, on ne préfente point affez cette affrenfe vérité j'ai bien vu du monde, des cercles différens, des grands, des petits, depuis le premier jufqu'au dernier des états; j'ai tout examiné, tout parcouru. Croiriez-vous qu'il ne m'eft jamais arrivé d'entendre dire : j'ai tant de bien, j'en mettrai tant à fecourir des infortunés. J'ai vu beaucoup de ces êtres que l'on appelle des gens comme il faut, & auxquels on pourroit appliquer ce vers de Pope: e Unfinish'd things, one Knows not what to call. fe ruiner pour des filles deshonorées beaucoup de financiers fans pudeur s'avilir par un luxe infultant; beaucoup de beaux efprits fans génie, fonger à étendre la fphère de leur petite réputation; plus encore d'hommes foi difant occupés à établir leur fortune & à l'augmenter. Il faut efpérer qu'avant de mourir je connoîtrai des cœurs bienfaifans, des Jacques; c'est le dernier des fpectacles dont il me refte à jouir: je doute, quelque touchant qu'il foit, qu'il m'attendriffe autant qu'il m'étonnera. LA CIGALE & LE HIBOU. DU u matin jufqu'au foir chantoit une cigale, Bien que la voix déplût, elle s'imaginoit, Dans l'art du chant, n'avoir point fon égale. Sa mufique importunoit Un vieil hibou qui près delà dormoir Dans le trou d'une masure. Le Hibou, comme on fçait, des autres animaux Pendant le jour il goûte un plein repos, La nuit il erre à l'aventure, Ou bien il fond fur les oiseaux Qui lui fervent de pâture. Les grands fur les petits ont un droit affuré. On ne lui dit pas qu'elle ennuie ; Mais on le penfoit bien. Vraiment ; je me tairai! Dit-elle, moi qui me pique D'exceller dans la mufique, De par les dieux non ferai. Par fon caquet d'étourdir de plus belle. L'oifeau dormant fent naître fon couroux ; Mais pourtant il fe modére. Encor une fois, ma commere, Au nom de Dieu taifez vous. M'obliger en ce point eft-ce une grande affaire! Je vous promets pour falaire (N'eft-ce rien) l'amitié de meffieurs les Hibous. La Cigale n'en tient compte, Et va toujours fon train: le Hibou dit, ch quoi? Sera-t'il dit qu'à ma honte, Un fi vil animal triomphe ainfi de moi? Ecoutez, je vois, ma mignonne, Qu'on a tort d'exiger de vous D'interrompre un ramage & fi tendre & fi doux Qu'un roffignol en deviendroit jaloux. Mais quoi chanter toujours! vous devez être lafle Votre golier en doit être altéré, J'ai du vin, j'ai des fruits peut-être à votre gré, 11 Joint au plaifir de s'entendre exaltée L'OURS & SA FEMME. Fable. UN N Ours aimoit éperdûment sa femme, Or, un beau jour que cet époux chéri, 1 |