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tude du vice reprenoit prefque auffi-tôt fon empire fur lui, & il fe jettoit de nouveau dans le précipice qu'il avoit creufé fous fes pas. Son tempérament ne put pas réfifter long-tems à de pareils excès. Une fièvre maligne, accompagnée d'une autre maladie honteufe, fruit de la débauche, l'emporta en peu de jours.

Quelle plume affez éloquente pourroit peindre la douleur & l'affliction d'Adelaïde à la mort de fon pere! Quel torrent de larmes ne verfa-t-elle pas! Quels regrets touchans ne fit-elle pas paroître ! Tantôt elle arrachoit fes blonds cheveux; tantôt elle meurtriffoit fon fein d'albâtre; une autre fois elle fe précipitoit fur le cadavre de fon malheureux pere, elle ferroit ce corps inanimé entre fes bras; elle lui adreffoit la parole comme s'il eût encore été vivant; à peine pouvoit-elle fe perfuader qu'il fut mort: mais,lorfqu'elle reconnut que fon malheur étoit certain,une pâleur livide couvrit fes joues; elle tomba en défaillance; fon ame paroiffoit errer fur fes lévres & prête à s'échaper on arracha Adelaïde, prefque mourante, de l'objet qui la remuoit fi puiffamment. O image de la vraie piété filiale, vous êtes d'autant plus admirable que vous êtes plus

rare! Adelaïde eft inconfolable de la perte. d'un pere que fa mauvaife conduite rendoit fi peu digne de regrets, & combien d'enfans pouffent, à peine, quelques foupirs quand ils perdent de meilleurs pa

rens.

Voilà la premiere époque des malheurs de l'infortunée Adelaïde: dès qu'elle eut rendu les derniers devoirs à fon pere, une foule de créanciers fit des pourfuites: les meubles, les équipages, les biens fonds, tout fut faifi, & bientôt Adelaïde avec fa mere furent réduites à la mendicité, obligées de quitter la fuperbe maifon qu'elles occupoient & d'habiter un appartement conforme à la fituation de leurs affaires.. Parens & amis qui, dans le tems de la profpérité, s'étoient montrés fi zélés, leur tournerent le dos, comme c'eft l'ordinai. re; ceux mêmes qu'elles avoient comblés de bienfaits éviterent leur préfence.

Adelaïde, qui, du faîte des honneurs & du fein de l'opulence, tomboit rapidement dans une affreufe misère, étoit inconfolable. (Eh! quelle grandeur d'ame ne faut-il pas auffi pour lutter contre l'adverfité!) Mille fois elle fut tentée de ter miner fa vie par le poifon; mais fa religion & la vue d'une mere éplorée, acca

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blée d'infirmités, & à la subsistance de laquelle il falloit fonger, arrêtoient le progrès de fon désespoir : elle embrafsoit cette mere infortunée; elle l'arrofoit de fes larmes; l'une & l'autre faifoient les plus douloureuses réflexions. «Ma che» re fille, difoit la mere, ceffez de » vous attendrir fi vivement fur mon fort: » vos pleurs me déchirent l'ame; la mort, » hélas! va bientôt me délivrer de mes » maux; fongez à vous; vous êtes jeune; » travaillez, & fur-tout confervez votre » vertu: peut-être un jour le Ciel, touché » de vos peines, vous rendra-t-il les biens » que la fortune cruelle vient de vous ra"vir. A ces mots, les fanglots d'Adedelaïde recommençoient.

Ces fcènes attendriffantes durerent plufieurs jours. Le directeur de ces Dames, homme refpectable parfon grand âge & par la pureté de fes mœurs, inftruit de la fituation fâcheufe dans laquelle elle étoient, alla les trouver: fa vue fufpendit leur douleur i les confola par les exhortations les plus pathétiques, & il leur promit de parler à Mde la Marquife de P***, qui, tous les ans, remettoit entre fes mains une fomme considérable pour dif tribuer aux pauvres honteux. Ses follici

tations eurent l'effet qu'il en attendoit. Il obtint fix cents livres de penfion, & fat auffi-tôt en porter l'heureufe nouvelle à Adelaïde. Cette charité humiliante lui arracha des larmes de défefpoir : cependant il falloit prendre fon parti & fe réfoudre à travailler : les 600 liv. de penfion n'étoient pas fuffifans pour vivre. Adelaïde avoit appris à deffiner & à peindre en miniature; elle poffédoit ces talens avec fupériorité: elle en faifoit fon amufement dans fes jours de gloire & de profpérité, & ils lui furent d'une grande reffource dans fon infortune. Elle manioit le pinceau avec tant de graces & de délicateffe, fa beauté étoit fi touchante que quelques jeunes feigneurs en furent éblouis; ils s'imaginoient faire ailément cette conquête, & pour applanir toutes les difficultés, ils briguoient l'avantage de fe ruiner. (Mais que peut fur un cœur vertueux l'éclat des richeffes, quand il s'agit de les gagner aux dépens de l'honneur!) l'adAdelaide qui, quoique c verfité, confervoit toujours une noble fierté, étoit indignée des propofitions honteufes qu'on lui faifoit. Elle les rejettoit avec hauteur. « Il faut que les hom» mes foient bien méchans & bien cor

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» rompus, s'écrioit - elle en gémiflant! Lorfque j'étois riche, on me refpectoit; » maintenant que je fuis pauvre, on me méprife; on voudroit me deshonorer. » Ah! continuoit - elle, mourons plutôt » que de renoncer à la vertu.»

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Pendant que ces réflexions occupoient Adelaïde, le hafard conduifit chez elle un jeune homme qui étoit venu à Paris faire fes exercices & prendre le goût & le ton du grand monde: il pria d'excufer fa méprife: il fe félicita cependant de ce que la fortune l'avoit amené dans un endroit auffi charmant. Il dit mille chofes hon

nêtes avec beaucoup d'efprit & de graces: Vermeuil étoit d'une grande maifon,fils unique & héritier d'une fucceffion immenfe. Il avoit une figure très-agréable & une taille élégante; la bonté de fon cœur répondoit à fes charmes extérieurs: entraîné dans le tourbillon d'un mende frivole, les plaifirs qu'il y avoit goûtés lui avoient paru infipides; la facilité d'en jouir le rebutoit: il vivoit dans une parfaite fécurité & confervoit fa liberté: auffi indifférent que le fier Hyppolite, il trouva, dans la perfonne d'Adelaïde, une feconde Aricie qui triompha de fa réfiftance. Vermeuil, enchanté de fa beauté By

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