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RÉPONSE de M. de Voltaire à M. Uriot, bibliothécaire & lecteur de S. A. S. Mgr Le Duc de Wirtemberg, auteur d'un dif cours fur la richeffe & les avantages du duché de Wirtemberg, imprimé à Stouckard en Février 1770.

Au Château de Ferney, 7 Mai 1770.

Il y a deux ans, Monfieur, que je paffe ma vie dans mon lit. Si ma vieilleffe & mes maladies ne me retenoient pas dans cette trifte fituation, je viendrois remercier Mgr le Duc de Wittemberg de tout le bien qu'il fait à fes sujets. Vous en avez rendu un compte fi vrai & fi touchant que le voyage feroit aussi pour vous.

Je ne puis vous dire à quel point je vous fuis obligé de m'avoir gratifié d'un ouvrage fi intéreffant. Puifque c'eft la vérité qui l'a dicté, il fait autant d'honneur. au Panégirifte qu'au Prince.

Je vous prie de me mettre aux pieds de Son Alteffe Séréniffime.

J'ai l'honneur d'être, avec tous les fentimens que vous méritez, &c.

VOLTAIRE.

BOUQUET préfenté à Madame la Dauphine, par Adelaide Mignan, ágée de onze ans, & fille de l'inspecteur des pépinieres royales de la généralité de SoifJons; le

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le 13

Mai.

mon bouquet fimple & fans art Peut, de notre auguste Princeffe;

Fixer & flatter le regard;

Chaque François, en ce jour d'alégreffe,

Jaloux de fon fuccès vainqueur,

Voudroit avoir affez d'adrefle

Pour pouvoir fe changer en fleur,

Adieu.

De nos zélés Français tout confpire au bonheur ! Des graces vous êtes la reine :

Les vertus vous nomment leur fœur,

Et tous les cœurs leur fouveraine,

Par M. L. F. le Bret

I. Vol.

B

LA VERTU malheureufe eft tôt ou tard récompenfée. Conte moral.

ADELAIDE étoit née de parens distingués: ils n'avoient rien négligé pour feconder fes heureufes difpofitions, & pour lui donner une éducation convenable. A pei. ne touchoit-elle à fa quinziéme année que sa beauté attira fur fes pas une foule d'adorateurs. Une taille fine & déliée, un port majestueux, un vifage où brilloient mille agrémens, une converfation vive & enjouée, des graces ingenues, une mo. deftie charmante lui gagnoient tous les cœurs. Les petits maîtres afpiroient tous à l'honneur de faire fa conquête. L'un, comptant fur les avantages de fa figure, mettoit en ufage les piéges dont nos aimables corrupteurs ont coutume de se fervir pour féduire la timide innocence; l'autre connoiffant mieux l'honnêteté d'ame d'Adelaïde, fe préfentoit à elle fous des dehors vertueux. (Mais, quelques efforts que l'on faffe, le mauvais naturel fe montre toujours.) Auffi, Adelaïde qui avoit des yeux clairvoyans, ne fe

laiffoit jamais furprendre par ces apparences trompeufes. Bientôt elle faifoit tomber le mafque & le Protée difparoiffoit. Elle s'amufoit de l'extravagance de fes amans; les différens rôles qu'elle leur voyoit jouer occafionnoient en elle mille réflexions fur la perverfité du fiécle. Une mere tendre & fage avoit le foin d'éclai rer fes idées & de fortifier fon goût pour la vertu.

Adelaïde fe déroboit tous les jours au cercle brillant qui l'environnoit, pour s'enfoncer dans la folitude, y réfléchir à fon aife & cultiver fon efprit par de bonnes lectures. « Hélas! fe difoit- elle, ne » verrai - je jamais que des fpectres de » vertu? Quelle contradiction dans les » chofes de ce monde! Que de vanité! Que de politique! Que de fauffes ami»tiés! La bonne foi n'eft plus regardée » que comme un jeu. On convient,`en quelque forte, de fe tromper mutuelle»ment. Quelle indignité de voir ces » hommes perfides jurer, aux pieds de » leurs maîtrefles, une fidélité qu'en fe»cret leur cœur défavoue. Quelle hor

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reur & quel mépris ne doivent pas ex» citer ces femmes galantes par leurs pré» venances & leurs agaceries! Gardons

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»nous, ajoutoit- elle en foupirant, de » nous laiffer gagner par le poifon de l'a»mour. On me dit que je fuis belle; les » jeunes gens font des folies pour moi » que leur ardeur eft infenfée! leurs feux » ne font pas plus durables que ces mé» téores que l'on voit fouvent paroître » dans le ciel & fe' diffiper prefque dans » le même moment. Je fens bien qu'un jour je dois aimer: mais où eft le fage » mortel qui fixera mon cœur? Ah! je crains que ce que je defire ne foit une » belle chimere. »

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Telles étoient les réflexions que faifoit l'aimable Adelaïde : elle paffoit des jours tranquilles & heureux : fon cœur n'avoit point encore éprouvé le tumulte des paffions: elle goûtoit les charmes d'une pailible innocence: tendrement aimée de fes parens, adorée de tous ceux qui la connoiffoient, favorifée de la fortune, il ne lui manquoit qu'un meilleur pere. Ce pere étoit plongé dans la crapule & confommoit avec des femmes proftituées le riche patrimoine que lui avoient laiffé fes ancêtres. Souvent les fages représentations de fa femme, les pleurs d'Adelaïde le ramenoient pour un moment de fes égaremens; mais l'habi

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