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EPUB

DES

RÉVOLUTIONS

DE

LEUROPE,

EN 1786 & 1790,

TOME PREMIER,

Contenant ce qui s'eft paffé à Paris depuis le 12
Juillet jufqu'au 8 Août 1789.

A NEUWIED fur le Rhin,

CHEZ LA SOCIÉTÉ TYPOGRAPHIQUE

&

STRASBOURG,

Chez J. G. TREUTEL, Libraire.

M. DCC. LXXXIX.

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Dès qu'on fut dans cette ville le départ de M. Necker, la confternation fut générale; le peuple déféfpéré cherchoit un terme à fes maux, incendia plufieurs barrieres, fe porta en divers lieux, forma des projets incertains, tandis que les citoyens, dans un morne filence, en fe confultant, laiffoient échapper des' larmes. Sur les cinq heures, le dimanche, 12 Juillet, les citoyens affemblés au Palais royal, envoyerent des ordres pour fermer tous les fpectacles; ce qui fut exécuté fans replique. Cette marque d'honneur, décernée à un grand homme, fit connoître, avec certitude, quel étoit le dégré de l'affliction publique.

L'on fut enfuite au cabinet ou fieur Curtius, pour prier cet artifte de fe défaifir des buftes ou portraits de Monfeigneur le Duc d'Orléans & de M. Necker. On a porté ces buftes en triomphe, quoique décorés de crêpes, fym-1 boles de la difgrace de ces hommes précieux (*), & le peuple crioit: chapeau bas, pour marquer fa profonde vénération! Le cortége étoit nombreux; il a fuivi le boulevard & la rue Saint

(*) On croyoit alors que Monfeigneur le Duc d'Orléans avoit reçu un ordre d'exil.

Martin; là les citoyens qui le compofoient ont engagé un détachement de la garde de Paris à les accompagner pour maintenir le bon ordre. On a fuivi la rue Saint-Martin, celle de Grenetat, de Saint-Denis, les rues de la Ferronnerie, Saint-Honoré, jufqu'à la place Vendôme. Alors un détachement de Royal-Allemand a voulu faire main-baffe fur le peuple; on a lancé des pierres, les foldats fe font jettés parmi la populace; le bufte de M. Necker a été brifé; celui de Monfeigneur le Duc d'Orléans n'a échappé que parce qu'un dragon d'un coup de fabre, n'a pu l'atteindre; mais ces lâches foldats, qu'inceffamment l'affemblée nationale peut licencier & déclarer infàmes, ont ofé tirer fur le peuple: un garde-françoife, fans arme, a été tué, & quelques perfonnes bleffées. Au même inftant le Prince Lambefc, leur chef, cet odieux ariftocrate, a paru au pont tournant des Tuileries; il a eu la baffe cruauté de fe préfenter à des citoyens qui fe promenoient, & qui n'avoient pour arme qu'une canne en main : là d'un coup de fabre, & fans motif, il a abattu à fes pieds un vieillard qui fe retiroit avec fon ami; de jeunes gens ont voulu s'avancer, mais les foldats ont fait feu. Dès-lors chacun,, faifi d'effroi, a pris la fuite; on a entendu un coup de canon, & l'alarme s'eft répandue: des citoyens défefpérés font entrés au Palais-royal, en criant: aux armes! aux armes! L'on avoit déjà fait des motions dans ce jardin, pour fe raffembler à l'Hôtel-de-ville, fous les ordres des électeurs de la capitale; effectivement on y a couru : un très grand nombre de citoyens de tout rang, de tout âge, fe font armés & ont été raflemblés vers les neuf heures du foir; ils fe font montrés en plufieurs endroits, les uns à pied,

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