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Les mêmes quartiers du globe ont été successivement habités par des peuples très différens, sans que les traits caractéristiques d'aucun de ces peuples aient subi la moindre altération. Il n'est pas au pouvoir de l'homme enfin de modifier sa postérité en agissant sur lui-même. Nulle mutilation, accidentelle ou volontaire, n'est transmissible par la génération les Caraïbes se déforment artistement le crâne; les femmes Chinoises réduisent leur pied au tiers de ses justes dimensions; certains sauvages s'allongent démesurément les oreilles, et nul d'eux ne réussit à transmettre ces difformités à ses descendans. Il trois ou quatre mille ans que les Juifs se coupent le prépuce, et leurs enfans naissent encore incirconcis, dit le docteur Prichard '.

3. Ce serait sortir du sujet que je traite que de rechercher ici d'où ont pu provenir ces différences entre les principales variétés de notre espèce. Sont-elles originaires ou adventices? A-t-il existé primitivement plusieurs races distinctes, comme le croient quelques auteurs, ou bien le genre (1) Cité par Law., p. 509.

(2) « Il n'est permis qu'à un aveugle, dit Voltaire, de douter

humain était-il identique dans son origine, et toutes les variétés de l'espèce humaine ne sontelles que des déviations plus ou moins sensibles de ce type original et primitif? S'il en est ainsi, comment se sont opérées ces déviations? Ontelles été le fruit du climat, du sol, des alimens, ou d'autres causes extérieures, comme on l'avait toujours prétendu; ou bien, comme on l'a récemment expliqué, ont-elles été produites par cette tendance des espèces à la variation, qui est, ditou, une loi du monde physique, qui agit éga

que les blancs, les nègres, les Albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois ne soient des races entièrement différentes » (Essai sur les mœurs, introduct.). Peu de naturalistes seraient, à cet égard, aussi affirmatifs que Voltaire. «Il n'est pas facile, dit M. Duméril, de déterminer si le genre homme doit être rapporté à une ou plusieurs races. Nous voyons chez les autres animaux, principalement parmi ceux qui vivent en domesticité, un très grand nombre de différences dans la taille, dans la forme du corps et de ses diverses parties, enfin dans la couleur de la peau et du poil; et cependant tous ces individus appartiennent au même genre » (Elém. des scienc. nat., § 1329). Beaucoup de savans naturalistes ont cru à l'unité originaire du genre humain, et ont donné des raisons qui semblent plausibles. A la vérité, íls n'ont pas été aussi heureux dans leur manière d'expliquer les différences survenues entre les hommes. Ils ont attribué ces différences à l'influence des causes externes et adventices. C'est une erreur que W. Lawrence paraît avoir complètement détruite. (Voy. son ouvrage, passim, et notamment p. 516 à 525.) Lawrence ne nie pas l'influence de

lement sur les plantes et sur les animaux, qui agit surtout dans l'état de domesticité, et avec une force d'autant plus grande qu'on est dans un état plus avancé de culture et de civilisation'?

ces causes, mais il prouve qu'elle s'arrête aux individus et n'affecte jamais les races. L'explication qu'il donne de la différence des races semble beaucoup plus vraie.

:

(1) W. Lawrence paraît être le premier zoologiste qui ait donné cette explication de la diversité des races humaines. On ne peut suivant lui assigner qu'une cause raisonnable à cette diversité la survenance occasionnelle, accidentelle d'enfans nés avec des caractères particuliers et jusqu'alors inconnus, qui en font une variété nouvelle, et la perpétuation de cette variété par la génération. (Voy. l'ouvrage cité, p. 300, 446, 510 et 515.) M. Lawrence avoue que, dans l'état actuel de la science, on n'a aucun moyen d'expliquer ces survenances inattendues de nouvelles races; mais l'expérience démontre, dit-il, qu'elles sont possibles, et il en cite de nombreux exemples. Il rapporte, entre autres, celui d'un homme appelé Edouard Lamberg, né dans le comté de Suffolk, à qui l'on avait donné le sobriquet de Porc-Épic, parce qu'il avait tout le corps, moins la face, la tête, la plante des pieds et l'intérieur des mains, tout couvert d'excroissances assez analogues à celles dont le porc-épic est revêtu. C'était comme une sorte de verrues noires, d'une substance cornée, longues d'environ un pouce, serrées les unes contre les autres, roides, élastiques et résonnantes. Cet homme fut présenté en 1731 à la société royale de Londres. Il se maria et eut six enfans, tous porcs-épics de naissance, comme lui. Un seul de ces enfans vécut. Il se maria à son tour, et transmit à ses descendans le trait caractéristique de sa race. On a vu, en Allemagne, les deux enfans qu'il eut, John et Edouard Lamberg: ils avaient l'un et l'autre la peau recou

Toutes ces questions, plus ou moins curieuses, plus ou moins importantes, sont du domaine de la zoologie, et je n'ai point à m'en occuper dans cet ouvrage. Mais ce dont je peux et dois m'occuper ici, c'est de savoir si des différences aussi sensibles, aussi permanentes entre les variétés, n'en doivent entraîner aucune dans le degré de culture, et par suite dans le degré de liberté dont / elles sont susceptibles.

4. Il n'est pas possible de douter qu'elles n'en entraînent de considérables. On sait à quel point l'âge, les infirmités, les passions influent sur l'usage que l'homme est capable de faire de ses forces: comment la différence de conformation

que

verte des mêmes excroissances que leur père et leur aïeul. Or, supposons maintenant, dit Lawrence, que, par l'effet de circonstances quelconques, cette famille se fût trouvée reléguée dans une île déserte, et s'y fût perpétuée par la génération : elle aurait formé dans l'espèce une variété bien plus différente de nous que ne le sont les nègres; et si, plus tard, cette île avait été découverte, on n'aurait pas manqué de dire c'étaient l'air, le sol, le climat qui en avaient ainsi défiguré les habitans; ou bien on aurait soutenu que c'était une espèce qui n'avait pu provenir d'aucune autre, une espèce originairement différente, et nul de nous sans doute n'aurait voulu reconnaître pour parente une race d'hommes porcs-épics. ( Ibid, 448 à 451.)

serait-elle à cet égard sans influence? On reconnaît que cette différence en peut mettre une grande entre la capacité de deux individus : comment n'en mettrait-elle aucune entre la capacité de deux races? On avoue que, hors du genre humain et dans les autres espèces d'animaux, toutes les variétés ne sont pas susceptibles d'une éducation uniforme; que, par exemple, il n'est pas possible de donner au cheval flamand la vitesse du cheval anglais ou limousin, de procurer au dogue l'agilité du lévrier, de donner au lévrier l'odorat du chien de chasse, de communiquer au mâtin l'intelligence du barbet et du chien de berger: comment donc serait-il plus facile de tirer un même parti de toutes les races d'hommes? Existe-t-il entre un Boschismen et un naturel d'Europe, entre un Caraïbe et un Caucasien moins de différence qu'entre un mâtin et un chien de chasse, qu'entre un coursier arabe et le cheval pesant que nous employ ons aux charrois?

Je suis loin de prétendre que certaines variétés dé notre espèce ne sont susceptibles d'aucune culture; je crois qu'une qualité commune à toutes c'est de pouvoir se perfectionner par

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