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54 CHAP. I. QU'EST-CE QUE LA LIBERTÉ?

dernier progrès couronne la liberté; mais il n'est pas la liberté tout entière. Il rend, à mesure qu'il s'accomplit, les autres progrès plus faciles; mais il n'est sûrement pas la condition de tout progrès. Un peuple peut jouir d'une immense liberté avant de s'être élevé au gouvernement de lui-même, et surtout avant d'avoir appris à se gouverner raisonnablement. Il peut y avoir chez lui beaucoup de savoir, d'industrie, de capitaux, de bonnes habitudes personnelles et relatives. Or il est visible qu'il ne peut avoir acquis tout cela sans s'être procuré, par cela même, une grande puissance, sans s'être donné beaucoup de facilité et de latitude pour agir. Il ne faut pas sans doute exclure la plus haute des capacités, la capacité politique de l'idée de la liberté; mais il ne faut pas l'y comprendre seule. Pour la définir avec exactitude, il faudrait faire l'inventaire de tout ce que l'humanité possède de connaissances réelles et de véritables vertus. Elle est égale pour chaque peuple à ce qu'il a fait de progrès dans toutes les branches de la civilisation; elle se compose

de

tout ce qu'il a de savoir-faire et de savoir-vivre : voilà sa véritable définition.

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Que les races les plus susceptibles de culture sont les plus susceptibles de liberté.

1. Les hommes, ai-je dit, sont d'autant plus libres qu'ils ont plus développé leurs facultés et mieux appris à en régler l'usage. Mais d'abord les facultés de toutes les races d'hommes sontelles susceptibles du même degré de rectitude et de développement?

2. Il n'est peut-être pas d'espèce vivante qui offre des variétés plus nombreuses que le genre humain. Ces variétés, par des causes qui ne nous sont qu'imparfaitement connues, se sont tellement multipliées, qu'il est devenu comme impossible d'en faire une énumération exacte. On peut cependant, en supprimant un nombre infini de nuances intermédiaires, et en ne tenant compte que des différences les plus saillantes, en noter un certain nombre de très distinctes. Les zoolo

gistes en comptent ordinairement cinq: la Caucasienne, qu'ils placent au centre et qu'ils regardent comme la souche du genre humain; la Mongole et l'Éthyopienne, qui sont aux deux extrémités opposées, et à une égale distance de la première; enfin, l'Américaine et la Malaise, qui se trouvent comme intermédiaires, la première entre la Caucasienne et la Mongole, et la seconde entre la Caucasienne et l'Ethyopienne'.

Les principaux traits caractéristiques de chacune de ces races sont assez connus.

Ce qui distingue surtout la caucasienne, c'est une peau blanche; un teint rosé ou tendant au brun; des joues douées de la faculté singulière de rougir, de pâlir, et de trahir ainsi les émotions

(1) Cette classification, qui appartient à Blumenbach (De gen. hum. variet. nativa ), a été adoptée par W. Lawrence (Lectures on physiology, zoology and the natural history of man, p. 549 à 572); et c'est à ce dernier naturaliste que je l'emprunte. Elle n'est sûrement pas à l'abri d'objection; elle a, comme toutes les classifications, le défaut d'être plus ou moins arbitraire: on ne passe en effet d'une race à une autre que par des nuances imperceptibles. Elle peut d'ailleurs paraître incomplète, et il n'est pas douteux que chacune des variétés notées par Blumenbach n'en renferme un grand nombre de très différentes. Mais outre que dans l'état actuel de nos connaissances il serait probablement impossible de faire une division exacte et complète du genre humain, celle que

de l'âme; une chevelure douce, épaisse et plus ou moins bouclée; une figure ovale et droite; le haut de la tête et surtout le front très développés; le devant du crâne s'abaissant perpendiculairement du côté de la face, etc.

La variété mongole est particulièrement caractérisée par un teint olive tirant sur le jaune; des cheveux noirs, droits, gros et clair-semés; peu ou point de barbe ; une tête carrée; une face large et plate avec un front étroit et bas; les pommettes des joues saillantes; les yeux bridés et obliquement fendus; de grandes oreilles; des lèvres épaisses; une taille en général plus courte et plus ramassée que celle des Européens.

Les principaux traits de la variété éthyopienne sont une peau d'ébène; des cheveux noirs et laineux; le crâne comprimé par les côtés, aplati sur le devant, et s'alongeant démesurément en arrière; un front bas, étroit et irrégulier; des yeux ronds et à fleur de tête ; les os des joues proéminens; les mâchoires étroites et saillantes ; les dents incisives supérieures inclinées en avant; le menton retiré en arrière; de grosses lèvres, un nez épaté

j'emploie est plus que suffisante pour l'objet que je me propose dans ce chapitre.

et se confondant en quelque sorte avec la mâchoire supérieure; les genoux ordinairement tournés en dedans.

Tels sont les traits des trois variétés les plus prononcées et les plus distantes l'une de l'autre. Ceux des deux variétés intermédiaires n'en sont que des nuances différentes, qui servent comme de transition de la race caucasienne à ses deux dérivations les plus opposées. Les traits de la race américaine sont un mélange de ceux de la race caucasienne et de la race mongole; les traits de la race malaise sont un mélange de ceux de la race caucasienne et de la race éthyopienne'.

On sent que des signalemens aussi généraux ne sauraient convenir également à toutes les nuances qu'embrasse chaque variété. Cependant il n'est pas douteux qu'ils ne s'appliquent plus ou moins à chacune d'elles, et l'on a pu dire avec une certaine exactitude quels sont les peuples dont chaque variété se compose.

On a compris dans la race blanche ou caucasienne tous les Européens anciens et modernes,

(1) W. Lawrence, p. 549 à 572.

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