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avoit au col un morceau de viande de bœuf cruë, parfaitement au naturel, parce que fa mère avoit défiré d'en manger. On trouve dans le même Traité une Lettre où quelqu'un raconte, qu'il fe fert avec fuccès fur des lapines du fécret que le Patriarche Jacob mit en œuvre pour bigarrer les petits de fes brebis. Voilà de ces fujets fur lesquels on ne fera jamais bien d'accord.

ARTICLE II.

DISCOURS fur l'origine & les changemens des Loix Ruffiennes, lu dans l'Affemblée publique de l'Académie Impériale des Sciences, le 6. Septembre 1756. à l'occafion du jour du Nom de Sa Maj. l'Impératrice de toutes les Ruffies, par Mr. STRUBE DE PIERMONT. A St. Petersbourg, de l'Imprimérie de l'Académie Impériale des Sciences. in quarto. En Ruffe, pp. 34. &en François, pp. 40.

L

e fujet eft intéreffant, & il est tombé en fort bonnes mains, l'Académicien qui a entrepris de le traiter, aïant donné depuis longtems des preuves diftinguées de fa capacité. Les Auteurs qui ont écrit de la Légiflation n'ont pas affez connu les Loix Ruffes, pour en pouvoir donner des idées exactes, & pour

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mériter par- là d'être fuivis. Il fuffira d'en donner un exemple qu'on ne fe feroit pas attendu à trouver dans un Ecrivain auffi eftimé que l'eft Mr. de Montesquieu.,, Les Sujets de l'Empi ,, re, dit-il, en parlant de la Ruffie (*), ne peuvent faire fortir leurs biens fans permisfion. Le change qui donne le moyen de transporter l'argent d'un Païs à l'autre, le commerce même, eft donc contraire à fes Loix." Rien n'eft moins conforme à la vérité, & on voit que ce Savant s'étoit donné bien peu de peine pour s'inftruire du Commerce & des Loix du Païs. Dans le vrai, chacun eft libre en Ruffie de faire transporter fon argent par tout où il lui plait, pourvû que ce ne foit pas en efpèces dont on a limité la fom. me, comme dans plufieurs autres Etat qu'on a pris pour modèle à cet égard. Et l'on trouve en Ruffie un auffi grand nombre de Loix fur le Commerce, qu'en aucun autre Païs du monde, parmi lesquelles le Réglement fur le Commerce. fait en 1667. & le Droit du Change, imprimé en 1729. font également connus & dignes d'attention. Il eft donc très- certain que les Loix de cet Empire, bien loin de s'opposer au Commerce, ne tendent qu'à le favorifer. Sans cela le négoce qui s'y fait depuis un tems immémorial avec tous les Etats de l'Europe & de l'Afie, & qui s'augmente d'année en année pourroit il fleurir au point qu'il le fait ?

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(*) Efprit des Loix, L. xxvI. c. 14.

Pour

Pour donner une idée plus nette de fon fujet, Mr. Strube jette un coup d'œil fur la naisfance de la Monarchie Ruffienne, qui eft effentiellement liée avec l'origine de fes Loix. On fait, à n'en pouvoir douter,par les Annales du Païs, qu'un Prince iffu d'une Nation connuë fous le nom de Ruffes, après avoir été appellé au Gouvernement de la Ville de Novogorod, habitée alors par des Peuples Esclavons, & y aïant amené deux de fes frères, accompagnés d'un bon nombre de fes Compatriotes, eut le bonheur d'en acquérir la Souveraineté, & de la transmettre à fes Succeffeurs. Il eft aifé de juger, que ces deux Nations avoient avant leur réünion, chacune fes propres Loix, ou des ufages qui en tenoient lieu. On trouve en effet que, non feulement les Peuples Esclavons disperfés dans les autres Païs, en ont eu, mais que les Citoyens de Novogorod n'en étoient pas non plus deftitués. Ces Loix n'ont pu refifter au tems, & ne paroiffent pas avoir beaucoup influé fur celles qui leur ont fuccédé.

Quant aux Ruffes, qui felon toutes les apparences étoient un Peuple Germanique habitant hors de l'Allemagne, on ne peut pas douter non plus qu'ils n'ayent eu des Loix particulières, d'autant que l'antiquité des Loix de ces Peuples, n'a pas été moins célebrée par les Hiftoriens, que la régularité de leurs mœurs, qui vraisemblablement n'en a été qu'un fimple effet. On en trouve des indices affez clairs dans les Traités de Paix que les Ruffes firent en 912. & en 942. avec les Empereurs Grecs, & qui fub

fubfiftent encore. Quelques Articles de ces Traités, en réglant la punition de certains crimes, font une mention expreffe des Loix Rusfiennes.

Cette Nation n'aura pas manqué d'introduire fes Loix dans l'Etat où elle commençoit à dominer; ainfi que l'ont fait toutes les autres Nations Germaniques qui ont paffé dans d'autres païs. Cela paroit encore plus manifeftement par les Loix que le Grand-Duc Farofaf donna par écrit en 1017. aux Citoyens de la Ville de Novogorod, de même que par les Additions qo'y firent fes fils Ifiaflaf, Wewolod & Swetoflaf. Ces Loix ont une conformité fi parfaite avec celles des anciens Germains, que par cela feul on découvre d'abord la fource d'où elles ont coulé. Deux Annalistes, le Prêtre Jean de Novogorod, qui a vêcu fous le règne de Farofaf II. & le Moine Abrabam de Roftof, on confervé les plus notables de ces Loix Ruffiennes; & l'Académicien en donne ici la fubftance, pour confirmer ce qu'il vient d'avancer.

Ces Loix n'ont presque d'autre objet que les peines impofées au crime, qui femblent avoir mérité préférablement l'attention du Legiflateur. Elles commencent par régler l'ordre des Parens qui avoient droir de venger les meurtres, en leur laiffant le choix, ou de tuër l'homicide, ou de s'en faire payer quarante grionas. En même tems ces Loix ordonnent de ne point mettre de différence à ce fujet entre un Ruffe & un Esclavon, ni entre un Marchand & quel

ques

ques autres perfonnes, dont elles expriment la qualité par des dénominations qui ne font plus

connuës.

Les Loix Ruffiennes reffembloient à celles des Germains par un grand nombre d'endroits, & en particulier par leur exactitude à taxer les differentes bleffures. Il eft incroyable jufqu'où les Loix Germaniques avoient pouffé les détails à cet égard. Après avoir diftingué. & taxé chaque efpèce de coups, ainfi que les Inftrumens avec quoi ils avoient été donnés, elles entroient dans le détail de tous les membres bleffés, & non feulement la tête, les yeux, le nez, les oreilles, les lèvres, les dents, les cheveux, la barbe, la mouftache, les mains & les piés, mais encore chaque doigt des mains & des piés, de même que chaque article de ces doigts, y avoit fa place & fon prix.

Les Loix Ruffiennes s'accordoient auffi de tout point, par raport aux vols, avec celles des Germains, qui n'y mettoient que des amendes proportionnées à la valeur des chofes volées. Les feules Loix des Saxons pupiffoient de mort le vol d'un cheval, d'un boeuf de la valeur de deux fous d'or, & de toute autre chofe, fi elle valoit trois pièces de cette monnoye. Nous ne fuivrons pas l'Auteur dans l'examen des autres convenances frappantes qu'il indique entre les Loix Germaniques & les plus anciennes Loix de l'Empire Ruffe: il pouffe cet article à une véritable démonftration.

Mais ces Loix fouffrirent plufieurs changemens à diverses reprises pendant l'efpace de

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