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déjouer les projets de la Russie et de la Prusse, se contenta d'abord de jouer le rôle d'observateur, incertaine si elle s'opposerait aux projets des cours de Berlin et de Pétersbourg, ou si elle deviendrait complice de la spoliation. A lạ fin, elle y fut admise, quoiqu'au grand regret de l'impératrice Marie-Thérèse, princesse très sage. Il paraît toutefois que, dans entrevue de Neustadt, du 5 de décembre 1770, entre Joseph 11 et Frédéric 11, il fut dès-lors question entre ces deux monarques, du partage de la Pologne.

Cependant la cour de Versailles était pénétrée de l'intérêt qu'elle avait à ne pas laisser périr une nation généreuse, dont les liaisons avec la France étaient naturelles ; et elle sentait que, quoique la Pologne eût été jusqu'à ce jour, assez inutile, elle pouvait, étant répartie entre d'autres états, augmenter beaucoup leurs forces, et nuire ainsi à ses anciens amis. Il fut présenté au duc de Choiseul plusieurs projets par le général Mokranowski, tendant à la conservation de la Pologne, et ils furent très bien accueillis, quoique sans exécution immédiate, parce que ce ministre voulait se concerter avec la cour de Vienne, qui affectant des délais, ne terminait rien à cet égard.

La cour de France se détermina enfin, en 1770, à donner aux Polonais confédérés contre les Russes, quelques secours, et elle leur assura

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en particulier, un subside réglé pour toute la durée de la guerre. On convint de six mille du cats par mois, qui étaient adressés au conseil général polonais résidant à Epériez; et M. Dumouriez, ainsi que plusieurs officiers français, furent, au mois de juillet 1770, envoyés en Pologne. Avant eux, MM. de Châteaufort et de Bouflers y'étaient passés secrètement. Mais les forces des confédérés n'étaient pas suffisantes pour balancer les Russes. D'après un premier état transmis par M. Dumouriez au ministère français, les troupes polonaises s'élevaient à seize mille hommes, et suivant un autre état dressé, presque à la même époque, elles étaient présen tées comme n'allant qu'a huit mille hommes.

La disgrace de M. de Choiseul, arrivée dans ces circonstances, fut un événement fâcheux pour la cause des confédérés; car alors M. Dumouriez ne recevant plus ni instructions, ni argent, ne suivit plus que sa tête, quelquefois trop vive. Ayant été battu le 22 de juillet 1771, à Landscron, par le général Suwarow, il se brouilla peu après cet événement, avec les confédérés, et revint en France. Il fut remplacé par M. de Vioménil, qui ranima le courage des confédérés, en débutant par la surprise du château de Cracovie, dans lequel ils soutinrent un siége glorieux; mais ayant été obligés d'évacuer cette place, ainsi que la plupart de celles qu'ils pos

sédaient, la Pologne resta dès-lors à la merci de la Russie et de la Prusse.

C'est dans ces circonstances, que le comte de Merci-Argenteau, qui était ambassadeur de l'empereur, en France, vint annoncer au duc d'Aiguillon, que le danger que les troupes autrichiennes couraient en s'opposant seules aux armées russes et prussiennes, avait déterminé son souverain à laisser consommer un démembrement qu'il ne pouvait empêcher. L'ambassadeur ajoutait que son maître en reconnaissait l'injustice, mais qu'il avait cru devoir y participer, pour en diminuer les effets, et y mettre de justes bornes. L'ambassadeur observait, au surplus, que la partie qui reviendrait à l'Autriche, était si disproportionnée avec les acquisitions des deux autres puissances, qu'elle ne pouvait voir qu'avec douleur, un événement qui faisait pencher la balance, de la manière la plus sensible.

Le comte de Merci chercha à excuser le silence qui avait été gardé par sa cour dans la négociation pour le partage, sur le silence observé par la France elle-même, depuis la disgrace de M. de Choiseul. Il reprocha au duc d'Aiguillon, ses liaisons mystérieuses avec les émissaires prussiens, et surtout la déclaration faite à M. de Sandoz, que la cour de Versailles verrait avec indifférence, tout ce qui se passerait en Pologne.

M. de Merci prétendit même que le roi de Prusse avait fait connaître à Vienne, l'envie que la France avait de se rapprocher de lui; d'où il concluait que sa cour ne pouvant compter sur le concours de la France, avait dû prendre ses précautions contre un orage auquel elle n'était point en état de résister seule.

Si la conduite du cabinet français, dans cette occasion, fut sans vigueur et sans habileté, celle des cours de Pétersbourg et de Berlin fut si ouvertement injuste et machiavélique, qu'il est inutile de la discuter.

Ces deux puissances avaient conclu, le 17 de février 1772, une convention au sujet du partage de la Pologne; convention qui fut approuvée par l'Autriche, le 4 de mars 1772, et suivie d'une autre convention conclue à Pétersbourg, le 5 d'août suivant, entre la Russie, l'Autriche et la Prusse, touchant le démembrement définitif de la Pologne.

Le 2 de septembre, le comte de Stackelberg ministre de Russie en Pologne, donna à Varsovie, une déclaration, en date du 2 de septembre 1772, au nom des trois puissances copartageantes, laquelle portait « que pour ramener >> la tranquillité et le bon ordre en Pologne, et » y établir, sur un fondement solide, l'ancienne >> constitution de cet état, et les libertés de la

nation;... empêcher la ruine et la décompo

»sition arbitraire du royaume, et satisfaire leurs >> justes prétentions sur plusieurs possessions de » la république, elles arrêtaient et détermi»> naient pour leurs droits et prétentions légi>> times (que chacune d'elles justifierait en temps » et lieu), de prendre un équivalent qui y fût » proportionné, et de se mettre en possession >> effective des parties de la Pologne les plus » propres à établir dorénavant entr'elles, une »> limite plus naturelle et plus sûre; leurs ma»jestés l'impératrice - reine, l'impératrice de >> Russie et le roi de Prusse, renonçant à tous » les droits, demandes, prétentions et répéti» tions de dommages et intérêts qu'elles pou>> vaient avoir à former sur les autres posses»>sions et sujets de la république, etc. »>

Les déclarations publiées en cette occasion entre les puissances copartageantes, furent présentées au roi Stanislas-Auguste, en septembre 1772, et converties en traités, qui furent approuvés, le 18 de septembre 1773, par une commission de sénateurs, et ratifiés depuis par la diête.

1772.

Considéra

tage de la Po

Ainsi fut consommé le premier partage de la Pologne, projet qui, plus de cent ans aupara- tions sur le vant, avait déjà occupé la Russie, la Prusse et premier parl'Autriche, ainsi qu'on a pu s'en convaincre par logne. la correspondance de M. de Pomponne en Suède. Cet événement caractérise une époque où le

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