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Le 22 juillet, on proclame la patrie en danger. C'est la commune qui est chargée de la proclamation;la commune qui se révèle comme une cinquième puissance qui, un jour, dévorera les quatre autres. Les quatre autres, les voici dans leur ordre : Les Girondins,

Les Jacobins.
Les Cordeliers.

La cour.

C'est Sergent, le futur beau-frère de Marceau, qui donne le programme de ces fêtes; artiste médiocre, la situation le grandit. D'ailleurs, Danton, ce gigan→ tesque émouveur, est là derrière lui qui le souffle; Sergent est une des touches de ce grand clavier, où se réveillent, sous la main du véritable procureur de la commune, les bonnes et les mauvaises passions.

Le dimanche, 22 juillet, à six heures du matin, les canons commencent à tirer; d'heure en heure ils tonnent; un canon de l'Arsenal leur répond, ou plutôt fait écho.

Les six légions de la garde nationale se rassemblent autour de l'hôtel de ville.

Deux cortéges porteront dans Paris la proclamation.

Chacun aura en tête un régiment de cavalerie avec trompettes, tambours, musique et six pièces de ca

non.

Quatre huissiers marchant en tête porteront quatre enseignes, sur chacune desquelles sera écrit un mot sacré.

Ces quatre mots sont :

« Liberté, Egalité, Constitution, Patrie. »

Puis viendront douze officiers municipaux en écharpe.

Derrière ces municipaux, un garde national à cheval portera une grande bannière tricolore où seront écrits ces mots :

« Citoyens, la patrie est en danger ! »

Enfin, suivront six autres pièces de canon et un détachement de la garde nationale.

La marche sera fermée par la cavalerie.

Le génie de la Révolution lui-même aurait écrit ce programme, qu'il ne serait pas plus sombre et plus terrible.

Ce n'est pas le tout: sur chaque grande place, un amphithéâtre est élevé pour recevoir les enrôlements; des tentes sont dressées, livrant au vent leurs flammes tricolores; quatre planches couvertes d'un tapis sont posées sur des tambours, un cercle de factionnaires et deux pièces de canon protégent cette espèce d'autel du patriotisme; enfin, des municipaux et six notables siégent pour écrire et donner aux enrôlés leurs certificats.

Les enrôlements se font aux chants patriotiques; la musique joue le Ça ira et la Marseillaise; les enrôlés montent et descendent les gradins de l'amphithéâtre en criant :

a Vive la nation! »>

Chacun est ému, chacun trouve cela grand comme la nation elle-même.

Seulement, un journaliste se plaint de n'avoir pas vu plus de piques.

Voyez-vous par le grand chemin de l'esprit populaire, venir le 10 août?

Maintenant, je vais vous le montrer dans son chemin de traverse.

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- Dif

ficulté d'une attaque des Tuileries. Le faubourg Saint-Marceau au faubourg Saint-Antoine.-On délivre des cartouches. Nouveau projet de fuite. - Idée de Grangeneuve. · Chabot recule. La veille du 10 août.

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-

Lucile et madame Danton.

La nuit.

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La maison des tri

La défense. · La corna

Le premier coup de feu.

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Les 48 sections. Pétion aux Tuileries.

Vous rappelez-vous ce jeune homme que je vous ai fait remarquer, entrant par une porte de Paris, tandis que Dumouriez sort par l'autre ?

Ce jeune homme, c'est un poëte, un tribun, un orateur; c'est un homme de tête et d'exécution.

C'est Charles Barbaroux, cette douce et charmante figure qui fait pendant à Hérault de Séchelles; Barbaroux, dont madame Roland commencera par se défier, attendu qu'il est trop beau.

Ecoutez-la, la sévère patriote qui, comme elle le dit elle-même, a toujours commandé à ses sens, et qui moins que personne a connu la volupté.

« Barbaroux est léger, les adorations que les femmes sans mœurs lui prodiguent, nuisent au sérieux de ses sentiments. Quand je vois ces beaux jeunes

hommes trop enivrés de l'impression qu'ils produisent, comme Barbaroux et Hérault de Séchelles, je ne puis m'empêcher de penser qu'ils s'adorent trop euxmêmes pour adorer assez la patrie. »

Elle se trompait la sévère Pallas: ce fut la patrie, non pas l'unique, mais la première maîtresse de Barbaroux; ce fut celle qu'il aima le mieux, puisqu'il mourut pour elle.

Barbaroux avait vingt-six ans ; né à Marseille, d'une famille de ces hardis navigateurs qui ont fait du commerce une poésie, il semblait descendre, pour la grâce, l'idéalité, la forme, pour le profil grec surtout, de quelqu'un de ces navigateurs phocéens qui transportèrent leurs dieux des bords du Caïque aux rives du Rhône.

De bonne heure il s'était exercé à la parole, cet art dont les hommes du Midi savent se faire à la fois une arme et une parure; puis, à la poésie, cette fleur qu'ils cueillent en se baissant : dans ses loisirs, il s'était occupé de physique; il était en correspondance avec Saussure et Marat.

Au milieu des agitations qui suivirent l'élection de Mirabeau, il fut nommé secrétaire de la municipalité de Marseille.

Aux troubles d'Arles, il prit les armes.

Député à Paris pour y rendre compte à l'Assemblée nationale des massacres d'Avignon, il ne justifia ni les bourreaux ni les victimes; il dit la vérité, simple, terrible, cruelle comme elle était. Les Girondins le remarquèrent : c'étaient de véritables artistes que les Girondins; ils aimaient le beau et le grand; ils attirèrent Barbaroux à eux et le présentèrent à madame Roland : c'était présenter l'imagination à la sagesse.

Roland était encore au ministère, pauvre comme auparavant, plus pauvre, peut-être ; il demeurait rue Saint-Jacques, sous les toits. Roland était en correspondance avec Barbaroux, il le connaissait par lettres avant de le connaître personnellement.

Madame Roland le reçut, et elle n'en revenait point en comparant ce beau jeune homme, en apparence si léger, à ces lettres si pleines de sagesse.

« Il s'attacha à mon mari, dit-elle; nous le vimes davantage après notre sortie du ministère.

» Ce fut alors que, raisonnant du mauvais état des choses et de la crainte du triomphe du despotisme dans le Nord de la France, nous formions le projet d'une République dans le Midi : -« Ce sera notre pis-aller, me répondit en souriant Barbaroux. Mais les Marseillais arrivés ici me dispenseront d'y recourir. »

Il connaissait bien ses compatriotes, ce jeune envoyé de Marseille.

Ils étaient en route en effet, marchant sur Paris, ayant entrepris comme une simple étape cette route de deux cent vingt lieues.

N'avait-il pas écrit tout simplement de Paris avec un laconisme antique :

"

« — Envoyez-moi cinq cents hommes qui sachent mourir. >>

Rebecqui, son compatriote, les avait choisis luimême alors, et les lui avait envoyés.

C'étaient de vieux soldats que ces jeunes gens, ils étaient du parti français d'Avignon, et ils s'étaient battus à Toulouse, à Nîmes, à Arles, par conséquent faits déjà à la fatigue et au sang.

Rebecqui avait profité de la permission de les

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