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un autre abbé; quant au monastère de la Trappe, il sera visité par les quatre abbés de Melleraie, du Port-du-Salut, de Belle-Fontaine et du Gard.

«6 Toute la congrégation observera la règle de saint Benoit et les constitutions de l'abbé de Rancé, sauf les prescriptions renfermées dans ce décret.

« 7° Les trappistes se conformeront au décret de la congrégation des Rites, du 20 avril 1822, sur le Rituel, le Missel, le Bréviaire et le Martyrologe dont ils devront se servir.

« 8° Le travail ordinaire des mains ne se prolongera pas en été au delà de six heures, et dans le reste du temps au delà de quatre heures et demie; quant à ce qui regarde les jeûnes, les prières et le chant du chœur, chaque monastère suivra, selon son usage, ou la règle de saint Benoît, ou les constitutions de l'abbé de Rancé.

« 9 Ce qui est prescrit par l'art. 8 pourra être modéré ou mitigé par les supérieurs des monastères pour les religieux qu'ils jugeront mériter quelque adoucissement, à raison de leur âge, de leur mauvaise santé, ou pour quelque autre cause juste.

« 10 Quoique les monastères des trappistes soient exempts de la juridiction des evêques, cependant, pour des raisons particulières et jusqu'à ce qu'il soit statué autrement, ils seront soumis à la juridiction des mêmes évêques, qui procéderont comme délégués du saint-siége.

« 11° Les religieuses trappistines, en France, appartiendront à cette congrégation, et leurs monastères ne seront point exempts de la juridiction des évêques : cependant le soin spirituel de chaque monastère de religieuses sera confié à l'un ou à l'autre des religieux du monastère le plus voisin. Les évêques choisiront et approuveront les religieux qu'ils trouveront propres à cet emploi, et pourront nommer des confesseurs extraordinaires, choisis même dans le clergé séculier.

« 12° Les constitutions que les religieuses devront observer à l'avenir seront soumises au jugement du saint-siége. »>

Ce décret ayant été soumis à Sa Sainteté (Grégoire XVI), par le secrétaire de la congrégation des réguliers, dans l'audience qu'il a cue le 3 octobre 1834, Sa Sainteté l'a approuvé en tout, l'a confirmé, et a ordonné qu'il fût observé.

Signé CHARLES ODESCALCHI, préfet.
JEAN, archevêque d'Ephèse,

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secrétaire. »

§ 3. Annés, universels et locaux, perpétuels et

triennaux.

Autrefois chaque monastère avait son abbé indépendant de tout autre; les religieux ne reconnaissaient point d'autres supérieurs, et l'abbé lui-même n'etait soumis qu à l'évêque. C. Abbates; e. Monasteria, 18, q. 2.

Environ vers le dixième siècle, les abbés de Cluny réunirent plusieurs monastères

sous la dépendance d'un seul abbé; chaque monastère avait bien son supérieur; mais son autorité était fort limitée, et de plus subordonnée à l'autorité de l'abbé, supérieur général de tout l'ordre. (V. MOINE.)

Les congrégations de camaldules, de Vallombreuse, de Citeaux, et, dans la suite. tous les ordres suivirent cet exemple: d'où est venue la distinction des abbés locaux et particuliers d'avec les abbés universels et généraux on nomme ces derniers pèresabbés, comme on nomme encore en plusieurs endroits père-abbé l'abbé d'une maison qui en a enfanté une autre; ce qui s'appelle, chez les Cisterciens, abbé de la grande Eglise, comme il paraît, par la Carte de Charité, ch. 5, où il est dit que l'abbé d'un chef - maison a droit de supériorité et de visite dans les maisons qui en dépendent: Qui quidem abbas jus superioritatis et visitationis habebat in monasteriis quæ genuerat, ut habent institutiones capituli generalis ejusdem ordinis. C'est de là que viennent les grands pouvoirs des chefs d'ordre sur leur filiation. (Voy. FILIATION.)

C'était encore l'usage autrefois de n'élire les abbés qu'à perpétuité; cet usage subsista jusqu'au temps des réformes, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'on eût reconnu l'abus que faisaient les abbés de la perpétuité de leurs pouvoirs; mais si nous en croyons VanEspen, les papes n'avaient pas tant attendu pour y remédier: ils saisirent l'occasion de ces abus pour donner en commende les abbayes. La congrégation du Mont-Cassin et, à son imitation, plusieurs autres, demandèrent l'abolition de ces commendes et l'élection de leurs abbés, avec promesse de ne les élire qu'à temps, et tout au plus triennaux. Les papes, dit le même auteur, ne purent se refuser à cette condition, proposée par des congrégations la plupart réformées, savantes et fort utiles à l'Eglise ; ils leur accordèrent donc la permission d'élire leurs supérieurs à temps, et leur laissèrent tous les revenus de leurs monastères, qu'ils ne paraissaient plus indignes de posséder.

En France, on ne voyait dans aucun ordre, réformé ou non, les abbés ou supérieurs particuliers de monastères, dans l'indépendance dont nous avons parlé ; dans tous les ordres et congrégations, il y avait des supérieurs généraux, parmi lesquels on pouvait comprendre les abbes même commenda-taires, comme représentant ces anciens abbés réguliers et généraux d'ordre. (Voy. GENÉRAUX D'ORDRE, MOINE.)

§ 4. ABBÉS RÉGULIERS, autorité, gouverne

ment.

L'autorité des abbés, dans l'origine de leur établissement, était toute fondée sur la charité. Les règles écrites de saint Pacôme et de saint Basile, et surtout celle de saint Benoit, donuèrent dans la suite aux abbés un caractère de juridiction coercitive, qui s'étendait sur tout le gouvernement monastique. Par la règle de saint Benoit, que nous prendrons

ici pour exemple général de l'autorité des abbés réguliers, parce qu'indépendamment de ce que, dès le septième siècle, on n'en suivait pas d'autre dans presque tous les monastères d'Occident (Voy. RÈGLE), elle a servi de fondement à toutes celles qui ont été faites depuis; par cette règle, disons-nous, c'est à l'abbé seul qu'il appartient de conduire les religieux, de les instruire, de les corriger, de les punir et de faire à ce sujet tout ce qui lui paraît le plus convenable; mais son gouvernement doit être doux, charitable et prudent. Saint Benoît ne croit pas à cet effet pouvoir lui donner une meilleure règle à suivre que celle que prescrivait saint Paul à Timothée par ces paroles: Argue, obsecra, increpa; ce qui signifie qu'il doit user plus ou moins de sévérité, de douceur et de force, suivant les circonstances.

Saint Benoît veut que l'abbé fasse tout avec conseil Qui agunt omnia cum consilio, reguntur sapientia (Prov., ch. XIII). Dans les moindres choses, dit-il, il consultera les anciens; dans les importantes, il assemblera toute la communauté, proposera le sujet, et demandera l'avis de chacun, sans qu'il soit toutefois restreint à en suivre d'autre que le sien, s'il lui paraît meilleur : Quoties aliqua præcipua agenda sunt in monasterio, convocet abbas omnem congregationem, ut dicat ipse unde agatur, et audiens consilium frairum tractet apud se, et quod judicaverit utilius faciat. Il n'est pas aisé de déterminer quelles étaient ces choses qui demandaient ou ne demandaient pas, suivant la règle de saint Benoît, la convocation de toute la congrégation; les instituts des nouveaux ordres Soul à cet égard plus précis, parce qu'ils donnent plus de détail, et ne donnent pas aux supérieurs des pouvoirs si illimités.

Toujours dans le même esprit de sagesse, saint Benoît permet à l'abbé d'établir un prévôl, præpositum, pour l'aider et le soulager dans son gouvernement, sans pourtant rien perdre de son autorité : car, comme en ce temps-là il y avait de ces prévôts dans certains monastères, qui, ayant été ordonnés, comme les abbés, par des évêques ou des abbes mêmes, s'estimaient autant que ces derniers, et causaient ainsi du scandale par leur vanité, saint Benoît veut que ces prévôts soient tout à fait soumis aux abbés, et s'explique en ces termes : Dum sunt maligno spiritu superbiæ inflati, existimantes se secundos abbates, sibi tyrannidem scandalo nutriunt, discussiones fovent, nos providemus expedire propter pacis caritatisque custodiam, in`abbatis pendere arbitrio ordinationem monasterii sui, ita ut alii omnes quocumque etiam officio fungantur, illi subditi non æquales sunt, nec parum cum eo magistratum gerentes.

Ces derniers mots s'adressent aux autres officiers du monastère après le prévôt; ces officiers étaient le doyen, le portier, le cellerier, l'infirmier, l'hospitalier, que l'abbé, par la même règle, établissait ou révoquait, selon qu'il jugeait à propos. (Voy. OFFICES CLAUSTRAUX, PRÉVÔT, DOYEN; Thomassin, Discip., part. II, liv. 11, ch. 22, n. 17, 18.)

On voit donc, sur ce que nous venons de dire, que, suivant la règle de saint Benoit, l'abbé avait, et quant au spirituel et quant au temporel, toutes sortes de pouvoirs; il était obligé de prendre conseil, mais il était le maître de ne le pas suivre : ce qui rendait son gouvernement proprement monarchique, modéré seulement par la Règle même.

Dans la suite des temps, cette grande autorité que saint Benoît avait donnée aux abbés, par sa règle, s'affaiblit plus ou moins, selon les différents pays et les différentes circonstances des siècles. Les nouvelles congrégations, les nouveaux ordres introduisirent, à l'égard des abbés ou supérieurs, chacun des usages différents et analogues à la forme de leurs constitutions particulières. Les fondateurs de Citeaux, par exemple, voyant que le relâchement de Cluny venait en partie de l'autorité absolue de leur abbé perpétuel, donnèrent des abbés à tous les nouveaux monastères, et voulurent qu'ils s'assemblassent tous les ans en chapitre général, pour voir s'ils étaient uniformes et fidèles à observer la règle. Ils conservèrent une grande autorité à Citeaux sur ses quatre premières filles (on donnait ce nom aux quatre plus anciennes abbayes dépendant de Citeaux : c'étaient La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond), et à chacune d'elles sur les monastères de sa filiation. Les chanoines réguliers suivirent à peu près le gouvernement des moines; ils eurent des abbés dans les principales maisons, des prieurs dans les moindres, et autrefois des prévôts et des doyens, qui sont demeurés dans les chapitres séculiers. (Fleury, Institution au droit eccl., part. 1, ch. 27. Voy. DOYEN, DIGNITÉS, MOINE.)

Parmi les mendiants, chaque ordre est gouverné par un général, nommé ministre chez les franciscains, et prieur chez les autres. A mesure que les maisons étaient fondées, on mettait en chacune un prieur, dans l'ordre de saint François un gardien; mais comme elles multiplièrent extrêmement en peu de temps, on les divisa par provinces, et on établit des ministres ou prieurs provinciaux. Tous ces officiers sont électifs. Le provincial peut transférer, dans sa province, les religieux d'une maison à l'autre à son gré, s'il n'y a affiliation ou conventualité duement autorisée (Voy. cONVENTUALITÉ, TRANSLATION). Le général a le même pouvoir sur tout l'ordre, et ne dépend que du pape. Voyez GÉNÉRAL, MOINE, RELIGIEUX. Fleury, loc. cit.)

Tous ces différents gouvernements dans les différents ordres n'empêchent pas qu'en général, par les canons, il n'appartienne touJours à l'abbé et à tout supérieur de religieux, de gouverner leurs inférieurs pour le spirituel, de les corriger et de les punir: Monachi autem abbatibus omni obedientia et devotione subjaceant. Can.,c. 3, 4, caus. 18, q. 2, cap. Ea quæ, de stat, monach. Le concile de Trente, sess. VI, ch. 4, sess. XXV, ch. ↳ et 14, apporte quelques limitations à l'exercice de cette autorité, par rapport à celle de l'évêque. (Voy. OBÉISSANCE, VISITE.)

Le ch. Nam, 18, q. 2, et le chap. Edoceri, de Arscriptis, donnent aux abbés la même auLorite pour le temporel; ils peuvent l'administrer à leur gre, sans consulter les moines: Præterquam in arduis; c'est-à-dire que, conformement à la règle de saint Benoit, les abbes doivent prendre l'avis de leurs religieux dans les affaires importantes.

C'est sur tous ces differents droits que les canonistes ont distingue, dans un abbé, supérieur de religieux, trois sortes de puissances: d'economie, d ordre et de juridiction.

La puissance d'économie a pour objet la conservation des biens temporels, ce qui a lieu mème pour l'intérêt commun dans l'état des abbayes dont les menses sont divisées; c'est-à-dire que les aliénations ne peuvent se faire sans qu'il en soit traité entre l'abbé et les religieux. Clem., Morasteria, de Reb. eccles. admin. (Voy. ALIENATION.)

La puissance d'ordre ou de dignité s'exerce sur les matières du service divin; et c'est à ce titre que les abbés donnent les ordres mineurs, la bénédiction, etc.

La puissance de juridiction regarde les personnes, el comprend les droits de correction, d'excommunication, et généralement tout ce qui est nécessaire pour l'exacte observation de la règle dans l'intérieur du monastère (Concile de Trente, sess. XXV, ch. 14. C. Hoc tantum 18, q. 1; c. Si quis. dist. 54; c. de Persona 11, q. 1; c. Reprehensibilis de Appell.; c. Monachi, cap. universitatis de sent. Excom.).

§ 5. ABBÉS RÉGULIERS. Droits, préro-
gulives.

La plupart des droits que nous allons rapporter ont la même cause que les exemptions et les priviléges des religieux. On en peut donc voir l'origine en ces deux derniers mots : EXEMPTIONS, PRIVILÉGES.

Les abbés sont placés par les canonistes immédiatement après les évêques : c'est le rang qu'ils leur donnent dans les conciles. Ils sont compris, comme les évéques, sous le nom de prélats. Le chap. Decernimus de judic. leur donne expressément cette qualité en ces termes: Sed episcopi, abbates, archiepiscopi et alii ecclesiarum prælati. (Voy. PRÉLATS.)

La dignité abbatiale n'est pas comprise, non plus que la dignité épiscopale, sous le emple nom de dignité ou de bénéfice dans les choses odieuses, In odiosis, archid. in 2 de probend, in prine.

La abbé est estimé l'époux de son Eglise, ermine un kvêque: il la rend veuve par sa mont, Innoc., in e. Qui propter in princ. Bara, voluntis de elect, (Voy, ÉPOUX.)

Viusieurs abbés, par privilége da saintkiky“, uhl, datume les évêques, le droit de prier la mitre et le bâton pastoral, le droit 4. Manir solennellement, mais seulement Auma ieurs propres églises, après les vêpres, je mkase et les matines, à moins que le saint*han we bour út spécialement permis de devianɛ kaise benediction, de porter la mitre ed la probe milieurs et dans un autre temps,

the en des processions hors l'enceinte de

leurs églises; ce qui fut accordé par le pape Urbain III à l'abbé de l'église de Latran, à Rome. C. Abbates de privilegiis in 6o. Abbates quos apostolica sede in exhibitione benedicsigniori in ecclesiis quæ ad eos pertinent pleno tionis super populum, speciali privilegio injure, quando in eis divina officia celebrant, possunt post mysteriorum solemnia in vespertinas ac matutinas laudes solemnem benedictionem super populum elargiri. Les abbés ne peuvent encore donner celle bénédiction en supérieur, s'ils n'en ont une permission parprésence de quelque évêque ou autre prélat ticulière du pape; ils ne peuvent non plus, en aucun cas, donner cette bénédiction en particulier, dans les rues et hors de leurs églises, comme les évêques ; cela leur est défendu par un décret de la sacrée congrégation, du 24 août 1609.

Comme il y a plusieurs sortes de mitres, suivant les distinctions qu'on en fait à Rome (Voy. MITRE), les abbés ne doivent se servir que de l'espèce de mitre qui leur a été désignée par le privilége du saint-siége, et ils sont censés plus ou moins élevés en dignité, selon qu'ils portent une de ces mîtres plus ou moins riche. Il y a seulement cela à observer par rapport à l'usage que peuvent faire les abbés de ces différentes mitres, qu'aux conciles synodaux ou provinciaux, où ils assistent, quoique exempts, ils ne peuvent jamais porter la mitre précieuse, par respect pour les évêques, sauf, en tout autre endroit, de jouir de leur privilége dans toute son étendue. Il y a toutefois des abbés, en Italie et en Espagne, qui ont le droit d'user évêques. de ce privilége, en présence même des

le privilége de porter les habits distinctifs
Il y a des abbés à qui les papes ont accordé
de l'évêque, comme le rochet, le camail, en
conservant la couleur des habits de leur
ordre.

priviléges ont la préséance sur ceux qui n'en
Les abbés qui jouissent de ces différents
jouissent pas; mais, régulièrement, ils n'en
peuvent user hors de leurs monastères qu'a-
comme nous avons déjà dit, qu'ils n'eussent
vec la permission des évêques, à moins,
saint-siége.
à ce sujet une permission particulière du

cial, user du baldaquin ; ils ne peuvent avoir,
Les abbés ne peuvent, sans privilége spé-
comme les évêques, un siége dressé et élevé
qu'aux trois ou quatre fêtes de l'année où ils
proche de l'autel; cela ne leur est permis
officient solennellement.

Certains abbés ont le droit, comme les évêques, de bénir les ornements de leurs églises, de consacrer même les autels et leurs vases; mais pour cela, plus que pour tout le reste, (Voy. BÉNÉDICTION.) il faut que leur privilége soit bien spécial.

cordé par le pape d'user des droits que nous Les abbés exempts, à qui il avait été acvenons de voir, conféraient communément les ordres mineurs, non-seulement à leurs religieux, mais encore à ceux sur qui ils avaient le droit de juridiction ecclésiastique.

Cela a été défendu ou restreint par le concile de Trente. (Voy. au mot ORDRE.)

Ils peuvent accorder des dispenses (Voy. en quel cas, au mot DISPENSE), excommunier leurs religieux (Voy. EXCOMMUNICATION) et absoudre (Voy. ABSOLUTION, CAS RÉSERVÉS).

Les abbés ont droit de visite dans les monastères qui leur sont soumis (Voy. VISITE). Ils ont voix prépondérante dans les chapitres (Voy. VOIX, SUFFRAGES).

A l'égard des abbés à qui les papes ont accordé le droit de juridiction, comme épiscopale, sur un certain territoire, voy. EXEMPTION, JURIDICTION comme épiscopale.

§ 6. Abbés régulIERS. Charges, obligations.

Abbatis nomen potius est sollicitudinis quam ordinis vel honoris. C. Tuam J. G. de Etat. el qual. Saint Benoît, après avoir donné à l'abbé une autorité fort étendue, lui recom mande expressément de pratiquer le premier la règle, et d'édifier ses inférieurs autant par de pieux entretiens, que par l'exemple de ses bonnes œuvres: Omnia bona et sancta factis amplius quam verbis ostendat, ut capacibus discipulis mandata Domini verbis proponat, duris vero corde et simplicioribus factis suis divina præcepta demonstret. (Cap. 2, 64 regul. Bened.)

Saint Augustin, parlant des devoirs des prélats en général, s'exprime en ces termes : Seipsum scilicet prælatus bonorum operum præbeat exemplum, corripiat inquietos, consoletur pusillanimes, suscipiat infirmos, patiens sit ad omnes, disciplinam libens habeat, metuendus imponat, et tamen magis amari a subditis appetat quam timeri.

Le fameux canon Abbates 18, q. 2, tiré du concile d'Orléans, de l'année 511, soumit les abbés à la correction des évêques : Abbates pro humilitate religionis in episcoporum potestate consistant, et si quid extra regulam fecerint, ab episcopis corrigantur. Le concile d'Epaone, tenu l'an 517, dit la même chose; il ajoute, can. 19, que l'évêque peut même les déposer. Enfin, le concile de Trente, confirmant implicitement la disposition de la Règle de saint Benoît en ce qu'elle charge l'abbé du salut de ses moines, dit : «Etant commandé de précepte divin à tous ceux qui sont chargés du soin des âmes, de connaître leurs brebis, d'offrir pour elles les sacrifices et de les repaître par la prédication de la parole de Dieu, par l'administration des sacrements et par l'exemple de toutes sortes de bonnes œuvres.» Session 23, ch. 1, de Reform.

Puisque les abbés sont tenus d'observer eux-mêmes exactement la règle, ils doivent veiller à ce que tous les religieux l'observent; ils doivent à cet effet visiter les monastères de leur dépendance (voyez VISITE). Ils doivent faire lire et étudier les saintes Ecritures à leurs religieux (voyez PRÉCEPTEUR). Ils doivent encore, suivant le concile de Trente, assister aux synodes diocésains, quand ils ont des églises paroissiales ou séculières en leur administration, et qu'ils ne sont pas soumis à des chapitres généraux; mais ils ne

sont pas tenus d'assister aux conciles provinciaux.

Les abbés ne doivent lever personne des fonts baptismaux (voyez PARRAINS).

Dans l'administration des biens temporels, l'abbé doit être prudent, et ne rien faire d'im. portant sans consulter les religieux, comme nous l'avons déjà dit.

Enfin l'abbé doit faire tout ce à quoi la règle l'oblige; s'il agit en despote, en licencieux, les moines peuvent l'accuser et poursuivre sa destitution: Si fuerint (abbates) dilapidatores, incontinenter vixerint, aut tale quid egerint pro quo amovendi merito videan. tur, aut si etiam pro necessitate majoris officit de consilio fratrum fuerint transferendi. C. Monachi, 2, § Priores, de Stat. monach.

Le canon Si quis, 18, q. 2, fait par le concile de Triburce, en Allemagne, sur la règle de saint Benoît, donne plus d'étendue aux causes de destitution d'un abbé. Si quis abbas, dit ce canon, cautus in regimine, humilis, castus, misericors, discretus, sobriusque non fuerit ac divina præcepta verbis et exemplis non ostenderit, ab episcopo in cujus territorio consistit, et a vicinis abbatibus et cæteris Deum timentibus a suo arceatur honore, etiamsi omnis congregatio vitiis suis consentiens eum abbatem habere voluit.

Toutefois pour empêcher que les moines n'abusassent du droit de destituer leurs abbés, le pape Pélage leur défendit d'en user sans juste cause: Non licet autem monachis abbates pro suo arbitrio et sine causa expellere, et alios ordinare. C. Nullam potestatem, 18, q. 2.

Les abbés réguliers sont obligés à la résidence (Voyez RÉSIDENCE), et de plus à la vigilance des plus charitables pasteurs.

§ 7. ABBES COMMENDATAIRES.

On appelle abbé commendataire le séculier à qui on a donné une abbaye en commende. L'on peut appliquer aux abbés commendataires ce que nous disons au mot COMMENDE, touchant l'origine, les qualités, les droits et les obligations des commendataires en général; et par une conséquence nécessaire de cette application, il faut aussi rappeler ici ce que nous avons dit ci-dessus, des droits honorifiques et utiles des abbés réguliers.

Les abbés commendataires étaient regardés dans l'Eglise, comme constitués en dignités ecclésiastiques et comme prélats et vrais titulaires; ils prenaient possession de leurs églises abbatiales, comme on fait des autres églises; ils baisaient l'autel, ils touchaient les livres et les ornements, prenaient séance au chœur en la première place, et par leur mort les églises étaient appelées vacantes, viduata. Ils pouvaient en cette qualité être juges délégués, et avoir séance dans les conciles; dans les abbayes qui avaient territoire et juridiction, ils exerçaient les fonctions de la juridiction spirituelle, et les peuples les reconnaissaient pour leurs supérieurs légiti→ mes; ils étaient enfin égaux aux abbés titulaires.

Les abbes commendataires n'étaient point

crdinairement benits et ne portaient la crosse et a mitre qu'en peinture dans leurs armes.

Dans les guerres civiles on a vu souvent les atbés y prendre parti comme les autres seigneurs. Ils étaient même obliges de le faire, soit pour le service du roi, soit pour le service de leur seigneur dominant, suivant la loi des fiefs. Les Capitulaires les dispensaient de rendre en personne le service inilitaire; cependant is le continuèrent encore longtemps, parce qu'ils croyaient qu'une telle dispense degradait leurs fiefs. Ils servaient encore à la tête de leurs vassaux en 1077; et ils n'avaient souvent pas d'autre moyen de se garantir du pillage. D'ailleurs, il y avait des seigneurs laïques, qui, sous prétexte de protection, se mettaient en possession des abbayes, ou par concession des rois, ou de leur propre autorité, et prenaient le titre d'abbés. Cet abus dura depuis le huitième siècle jusqu'au dixième. Ces abbés laissaient le soin du spirituel à des abbes titulaires ou à des prieurs ou prévôts; et pour distinguer ces abbés laïques des autres, on les appelait abbates milites. Hugues le Grand, père de Hugues Capet, prenait le titre d'abbé. Philippe I, et Louis VI, et ensuite les ducs d'Orléans furent appelés abbés du monastère de Saint-Aignan d'Orléans. Plusieurs ducs et comtes prenaient également le titre d'abbés. ABBESSE.

L'Abbesse est la supérieure d'une communauté de religieuses, sur lesquelles elle exerce une autorité à peu près semblable à l'autorité d'un abbé sur ses religieux. (Voyez RELIGIEUSE, MONASTERE.)

Le nom d'abbesse a été donné à la supérieure d'une communauté de filles, dans le même esprit qu'on donne le nom d'abbé aux supérieurs d'une communauté de religieux (Voyez ci-dessus Anné). C'est la mère spirituelle des religieuses; aussi dans bien des convents de filles qui n'ont pas le titre d'ab

yes, appelle-t-on la supérieure du nom de mera. En Orient les abbesses étaient appelées amma, c'est à dire mère en langue syriaque, comme en la même langue abbé signifie

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de nouvelles vocales qu'il en faut pour former les deux tiers, pourvu que cela se fasse avant qu'on ait passe à des actes étrangers ou affaires qui ne regardent pas l'election: de plus, suivant le même chapitre, lorsque la moitié des religieuses n'a point donné sa voix à une même personne, les autres religieuses peuvent s'unir au plus grand nombre même après le scrutin; et s'il s'y en unit assez pour surpasser la moitié des voix, celle qui est élue peut être confirmée par le supérieur, à la charge de faire juger l'appel, si les opposantes à l'élection et à la confirmalion veulent le poursuivre.

Que si les autres religieuses ne veulent pas s'unir en faveur de celle qui a le plus de voix, ou s'il ne s'y en unit point un assez grand nombre pour faire plus de la moitié des capitulantes, le supérieur, avant de confirmer et de bénir celle qui a été nommée par le plus grand nombre, doit examiner les raisons de celles qui ne veulent pas s'unir; et pendant cet examen, qui doit se faire sommairement sine strepitu nec figura judicii, la religieuse nommée gouverne le temporel et le spirituel du monastère; mais elle ne peut ni aliéner ni recevoir des religieuses à la profession. (Voy. ACCESSION.)

Le concile de Trente, sans rien changer à la forme que prescrit le chapitre Indemnitatibus, par rapport aux suffrages dans l'élection d'une abbesse, veut qu'elle soit âgée au moins de quarante ans, qu'elle ait huit ans de profession expresse, et qu'elle soit irréprochable dans sa conduite; que s'il ne s'en trouve pas dans le monastère qui aient toutes ces qualités, le concile veut qu'on en choisisse dans un monastère du même ordre, et enfin que si cela paraît trop incommode au supérieur qui préside à l'élection, on choisisse pour abbesse dans le même monastère une religieuse âgée de trente ans accomplis, et qui depuis cinq ans ait fait preuve de vertus. Le concile ordonne de suivre pour tout le reste, les usages et constitutions de chaque monastère. Sess. 25 de Regul., cap. 7.

Le même concile veut qu'on n'établisse pas l'abbesse supérieure de deux monastères; et que si elle en a déjà deux sous son gouvernement, elle se démette de l'un des deux dans l'espace de six mois, sous peine, après ce temps, d'être privée de plein droit de l'un et de l'autre (loc. citato). Le concile de Vernon, de l'an 755, can. 6, prescrivait la même chose.

C'est à l'évêque à présider à l'élection des abbesses qui ne sont pas exemptes ou soumises, par privilége ou par leur règle, à d'autres supérieurs. (Voy. RELIGIEUSE.)

Par la constitution Inscrutabilis du pape Grégoire XV, de l'an 1622, il est décidé que l'évêque peut employer un simple prêtre pour présider à l'élection d'une abbesse, mais sans préjudice au monastère, c'est-à-dire sans frais, comme s'il y présidait lui-même. Cette bulle a été suivie d'une déclaration des cardinaux, qui soumet à la punition des évêques ceux qui sans leur participation procèdent à l'élection d'une abbesse.

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