Page images
PDF
EPUB

sa force; rien ne peut être opposé à l'action dévorante de la lave démagogique s'élançant avec impétuosité du milieu d'un jeu de paume devenu, par la réunion des révolutionnaires, le cratère fulminant de cette combustion politique. L'autorité royale est méconnue; le tiersétat se constitue Assemblée Nationale, déclarant qu'il est le pouvoir légitime. Le fougueux Mirabeau adresse aux officiers du roi qui transmettent à cette réunion illégale l'ordre de se séparer, ces paroles devenues fameuses : « Al<«<lez dire à ceux qui vous envoient que nous << sommes ici par la volonté du peuple, et que << nous ne quitterons nos places que par la puis«sance des baïonnettes. »

C'en est fait, la monarchie s'écroule; une direction infernale est donnée au peuple; la royauté n'est plus qu'un vain simulacre ; la force morale n'a point armé son bras lorsqu'il en était

ciales, frappe, étonne, enchante la multitude; et l'homme qui n'a pas rougi de descendre à un tel moyen est nommé député de cette ville. Chez les Romains un tel être eût été repoussé des fonctions auxquelles il aspirait; car ceux qui étaient convaincus parmi eux d'avoir employé d'indignes voies pour parvenir au commandement en étaient exclus pour toujours.

temps encore, la force des baionnettes lui échappe; privée de point d'appui, elle est entraînée par le torrent. La rébellion arbore les couleurs d'un parti, elle les impose à la couronne; le roi n'est plus libre de faire aucun bien en est-il, grand Dieu! qu'on puisse at: tendre de factieux qui ne s'occupent qu'à détruire! les réformes, pour être utiles, doivent être dirigées par la prudence et la modération, et opérées par l'autorité légitime.

Elle n'existe plus cette autorité légitime; des forcenés, se décorant du titre de patriotes, tiennent le roi de France sous le joug, d'une multitude qu'ils ont séduite en lui parlant de liberté, d'égalité, d'une souveraineté du peuple, qui est pour elle le droit de commettre impunément le pillage, le meurtre et l'incendie.

La noblesse française, défenseur-né du trône, ne reconnaissait d'autre souverain que le roi; elle ne devait point connaître d'autres couleurs que le drapeau des lis, que le panache blanc de Henri IV. Lorsqu'elle a vu des factieux arborer une autre cocarde et faire une révolution en haine de la royauté et de la religion, elle a dù chercher les moyens de se rassembler et de

s'armer pour les combattre; c'était là le patriotisme dans toute sa pureté comme dans la seule et véritable acception de ce terme. La secte impie des révolutionnaires n'armait-elle point tout ce qu'elle pouvait déchaîner contre le roi chef de la nation et père de la patrie? L'étrange patriotisme des députés convoqués pour les États-Généraux, anarchiquement constitués en assemblée nationale, consistait à encourager les pillards, les meurtriers, les incendiaires. Louis XVI avait voulu réformer quelques abus, et il voyait créer le crime. La démagogie prétendait qu'il n'y a point de crimes en révolution; elle proscrivait ceux qui avaient une opinion contraire à la sienne, et l'assassinat des proscrits devint une œuvre méri toire.

Dans d'aussi affreuses circonstances, quelle entreprise plus glorieuse que celle de se mettre entre les autels et de fanatiques athées, entre le trône et des factieux, entre le meilleur des rois et des hommes qui ont juré sa perte? Ce parti, sans doute, était périlleux pour ceux qui l'embrassaient; il présentait des dangers à courir, des infortunes à essuyer c'est précisément ce qui

rendait l'émigration plus honorable: nous disons l'émigration, puisque ce terme a été consacré par l'usage.

le

Monseigneur le comte d'Artois, voyant son zèle et ses moyens paralysés au-dedans, sentit que la délivrance d'un frère chéri, ainsi que salut de la royauté exigeaient qu'il donnât l'exemple à la noblesse française de se rallier au dehors pour combattre de forcenés ligueurs, de nouveaux Vandales qui ravageaient la nation. Ce n'est donc que par un bouleversement d'idées qu'on a pu imputer aux émigrés de s'être armés contre leur patrie : leur but était ou de parvenir à arrêter l'action des monstres qui couvraient la France de sang, de larmes et de cendres, ou de mourir, si telle était leur destinée, victimes de l'infortune, héros de l'honneur, et martyrs de la fidélité. Vit-on jamais rien de plus séduisant pour des Français qu'une telle alternative!

L'histoire des temps modernes leur offrait l'exemple des royalistes anglais qui ne sortirent point de leur pays et ne purent arracher à la mort l'infortuné Charles I, L'histoire ancienne leur traçait au contraire un exemple à suivre,

Lorsque trente mauvais citoyens d'Athènes, que la postérité a flétris du nom des trente tyrans, établirent dans leur patrie une domination cruelle, une foule d'Athéniens abandonnèrent cette ville livrée à l'oppression, au meurtre, aux forfaits de tout genre, et se réfugièrent dans les villes et les républiques voisines. Critias, le plus fougueux des Trente, et ses collègues, exigèrent de ces républiques et de ces villes qu'elles ne donnassent point asile aux émigrés athéniens: ceux-ci se rassemblent à la voix de Trasy bule leur compatriote, ils s'arment pour délivrer leurs concitoyens de la tyrannie qui les opprime, ils attaquent le Pirée, s'en emparent, battent les troupes des Trente, tuent Critias, et rétablissent l'ancien gouvernement d'Athènes.

L'émigration française n'avait pas moins d'ardeur et de courage que l'émigration athénienne; les Critias modernes pouvaient aussi bien être abattus que les trente tyrans, et la voix des Bourbons et des Condés avait de quoi électriser des chevaliers français tout autant que celle de Trasybule se faisant entendre aux émigrés d'Athènes.

« PreviousContinue »