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semblée, en nommant le roi, par un décret spécial, pour en être le chef, s'est montrée par là penser qu'elle aurait pu en nommer un autre. A cette même cérémonie, malgré la demande du roi, la famille royale a été placée、 dans un endroit séparé de celui qu'il occupait, chose inouie jusqu'à présent. (C'est pendant cette fédération que le roi a passé les momens les plus doux de son séjour à Paris. Il s'arrête avec complaisance sur le souvenir des témoignages d'attachement et d'amour que lui ont donnés les gardes nationaux de toute la France, rassemblés pour cette cérémonie.)

« Les ministres du roi, ces mêmes ministres que l'assemblée avait forcé le roi de rappeler, ou dont elle avait applaudi la nomination,. ont été contraints, à force d'insultes et de menaces, à quitter leurs places, excepté un.

« Mesdames, tantes du roi, et qui étaient restées constamment près de lui, déterminées par un motif de religion, ayant voulu se rendre à Rome, les factieux n'ont pas voulu leur laisser la liberté qui appartient à toute personne, et qui est établie par la déclaration des droits de l'homme. Une troupe poussée par eux s'est portée vers Bellevue pour arrêter Mesdames. Le coup ayant été manqué par

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leur prompt départ, les factieux ne se sont pas déconcertés, ils se sont portés chez Monsieur, sous prétexte qu'il voulait suivre l'exemple de Mesdames; et quoiqu'ils n'aient recueilli de cette démarche que le plaisir de lui faire une insulte, elle n'a pas été tout-à-fait perdue pour leur système. Cependant n'ayant pu faire arrêter Mesdames à Bellevue, ils ont trouvé le moyen de les faire arrêter à Arnai-le-Duc; et il a fallu des ordres de l'assemblée nationale pour leur laisser continuer leur route, ceux du roi ayant été méprisés.

<< A peine la nouvelle de cette arrestation fut-elle arrivée à Paris, qu'ils ont essayé de faire approuver par l'assemblée nationale cette violation de liberté; n'ayant pas réussi, ils ont excité un soulèvement pour contraindre le roi à faire revenir Mesdames; mais la bonne conduite de la garde nationale (dont elle s'est empressée de lui témoigner sa satisfaction) ayant dissipé l'attroupement, ils eurent recours à d'autres moyens. *Il ne leur avait pas

* On a souvent taxé Louis XVI de faiblesse, tandis que, dans mille circonstances de son règne, ce reproche n'était mérité que par les hommes en qui il devait se confier pour le maintien de l'ordre ou l'exécution des lois. Nous allons en fournir la preuve à l'occasion de ce voyage de ses tantes.

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été difficile d'observer qu'au moindre mouvement qui se faisait sentir une grande quantité de fidèles sujets se rendaient aux tribunes des Tuileries, et formaient une espèce de bataillon capable d'imposer aux malintentionnés; ils excitèrent une émeute à Vincennes, et firent courir, à dessein, le bruit qu'on se servirait de cette occasion pour se porter aux Tuileries, afin que les défenseurs du roi pussent se rassembler comme ils l'avaient déjà fait, et qu'on pât dénaturer leurs intentions Quoique l'assemblée reconnût à ces princesses le droit d'aller dans tel pays qu'il leur plaisait, le jour même où ce décret fut rendu, un ramas confus de populace remplit les cours et le jardin des Tuileries, demandant, avec d'épouvantables hurlemens, que le roi ordonnât à Mesdames de revenir auprès de sa personne. La garde nationale accourut; on ferma les grilles du château. Les premiers pelotons, peu nombreux, n'imposèrent point à la multitude: elle commanda aux soldats d'ôter leurs baïonnettes, et les soldats obéirent. On ne sait jusqu'où cette canaille, enhardie par le premier succès, eût poussé l'insolence; mais des compagnies entières de gardes nationales étant survenues, tous reprirent courage. La populace ayant commandé de nouveau d'ôter les baïonnettes, cette fois-ci on ne l'écouta point. Trois cents royalistes, avertis de ce mouvement, s'étaient rendus au château. M. de La Fayette fit ranger les gardes nationales en bataille, ayant en tête six canons, mèches allumées. Cet appareil étonna le rassemblement, sans pourtant le décider à se dis perser. Les officiers municipaux le haranguèrent, le som

aux yeux de la garde nationale, en leur prêtant les projets des forfaits mêmes contre lesquels ils s'armaient. Ils réussirent si bien à aigrir les esprits, que le roi eut la douleur de voir maltraiter sous ses yeux, sans pouvoir les défendre, ceux qui lui donnaient les plus touchantes preuves de leur attachement. Ce fut en vain que sa majesté leur demanda elle-même les armes qu'on leur avait rendues suspectes; ce fut en vain qu'ils lui donnèrent cette dernière marque de leur dévouement: rien ne put

mèrent au nom de la loi de se retirer. Les plus effrontés répondirent qu'ils voulaient parler au roi. Le maire, Bailly, toujours engoué de la souveraineté du peuple, ordonna d'ouvrir la grille pour admettre une vingtaine d'individus qu'il conduirait lui-même à sa majesté. Heureusement, un chef de division et quelques officiers de la garde nationale, choqués d'une telle inconvenance, et prévoyant les suites de cet ordre imprudent, s'opposèrent à son exécution. M. Bailly alla donc seul trouver le roi il l'assura : que ies moyens de douceur contiendraient le peuple. « La douceur, répondit « Louis XVI, à toujours été et est encore le vœu de mon << cœur ; mais il faut savoir l'allier avec la fermeté, et appren<< dre au peuple qu'il n'est pas fait pour dicter la loi, qu'il « est fait pour obéir. » Cette réponse ne souffrant point de réplique, M, de La Fayette eut ordre de dissiper l'attroupement. Au premier mouvement de la garde nationale, la multitude effrayée prit la fuite; le jardin, les cours et le Carrousel, se trouvèrent libres en un instant. (Note de l'éditeur.)

retenir ces esprits égarés, qui poussèrent l'audace jusqu'à se faire livrer... et briser même ces armes, dont le roi s'était rendu dépositaire *.

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Cependant le roi, après avoir été malade, se disposait à profiter des beaux jours du printemps pour aller à Saint-Cloud, comme il y avait été, l'année dernière, une partie de l'été et de l'automne. Comme ce voyage tombait dans la semaine sainte, on osa se servir de l'attachement connu du roi pour la religion de ses pères, pour animer les esprits contre lui; et, dès le dimanche au soir, le club des cor

* Parce que plusieurs de ces zélés défenseurs du roi, officiers de marine, étaient porteurs des courtes épées qui sont l'arme de ce corps, les révolutionnaires qui se trouvaient parmi la garde nationale, et il faut croire qu'ils étaient nombreux et bien acharnés ce jour-là; ces révolutionnaires, disons-nous, feignirent de prendre ces épées pour des poignards.De là vient le nom de chevaliers du poignard, que l'on donna aux royalistes qui étaient accourus aux Tuileries. On parla de les fouiller, et plusieurs se virent assaillis. M. de Pienne, fils de M. Villequier d'Aumont, et premier gentilhomme de la chambre, en survivance de son père, fut terrassé et foulé aux pieds. Un député, M. de Beauharnais, déclara qu'il ne serait fouillé que mort, et qu'on l'étendrait sur la place avant de porter la main sur lui. M. de Chabert, chef d'escadre et grand'croix de Saint-Louis, ainsi qu'une foule d'autres défenseurs du trône, tinrent le même langage et imposèrent du respect aux démagogues. (Note de l'édit.)

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