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mi les philosophes, parce qu'à l'époque de la guerre d'Amérique, dégoûté des promesses des ministres pour son avancement, il avait pris le parti de faire armer secrètement à Bordeaux un navire sur lequel il s'était embarqué pour aller soutenir la cause des indépendans. Ainsi, voilà une force armée créée, un commandant nommé par une autorité qui se constitue d'elle-même, à l'exemple de l'assemblée; ce n'est plus le roi qui gouverne, des factieux s'arrogent les droits de la couronne.

Dans leur effervescence homicide, les révolutionnaires ne déguisèrent point leurs intentions d'arriver aux têtes les plus augustes. Monseigneur le comte d'Artois ne pouvait donner à de misérables assassins la satisfaction de les combattre corps à corps; il n'y a ni gloire ni honneur à lutter contre d'aussi vils adversaires. Sa défense personnelle eût en outre exposé la personne sacrée du roi. L'homme, quel que soit son rang, que les lois ne protégent plus, qui ne peut lui-même leur prêter aucun appui, n'a qu'un seul parti à prendre c'est de fuir un pays tombé sous l'empire de la terreur et de la mort. Ce noble fils de France songea donc aussitôt à se mettre en état de secourir et son frère et sa patrie,

en se rendant auprès d'Amédée III, roi de Sardaigne, père de la princesse son épouse. Il fut accompagné par cet autre Bourbon si digne du nom de Condé. Les princes de Conti, de Lambesc et de Vaudremont, le maréchal de Broglie, le comte de Vaudreuil, et nombre. d'autres grands seigneurs marchèrent sur ses traces; bientôt il fut suivi par l'élite de la nation.

Il ne fallait pas moins que l'intime conviction de toute impossibilité d'arrêter les révolutionnaires dans leurs projets homicides, pour déterminer à fuir une patrie telle que la France. « On ne délaisse pas, a dit l'éloquent défenseur des émigrés (M. le marquis de LallyTolendal), on ne délaisse pas volontairement le soleil de son enfance, le berceau et la tombe de ses pères, le sanctuaire de sa famille et de ses amis, l'aliment de sa vie, les plaisirs de son cœur, enfin tout ce qui fait le soutien, l'orgueil et le charme de son existence, pour aller sous un ciel étranger, chercher quelques coins de terres hospitalières, où l'on est poursuivi par ses souvenirs, accablé de son isolement, et menacé par l'indigence.... Non, ce n'est pas volontairement qu'on peut échanger de douces et paisibles destinées contre

un exil amer et des combats déchirans. >>

Mais, quel homme ne chercherait à s'échapper de son habitation embrasée ? Quel voyageur ne fuirait à l'aspect d'une bande de voleurs de grands chemins? Or, c'est un fait que dans l'effervescence de cette révolution effrénée, la vie des hommes se trouvait à la merci du premier brigand que la soif de l'or ou du sang poussait à commettre un crime.

Le jour même du 14 juillet, les insurgés méprisant la cocarde blanche, comme étant celle de la monarchie, arborèrent la cocarde tricolore comme le signe de ralliement de la rebellion. C'est une chose inouïe, que quelques factieux se soient trouvés tout à coup assez forts de leur audace et de l'appui d'une populace avide de meurtre et de pillage, pour oser imposer à la nation les couleurs de leur parti; et que le souverain, petit-fils d'Henri IV, ait été contraint de rejeter le panache blanc de son illustre aïeul, pour arborer la bigarrure de la livrée d'une faction. Ces couleurs étaient celles de ce prince du sang royal, dont nous avons parlé dans notre introduction, qui, dès 1787, s'était montré le chef de l'opposition parlementaire. Des hommes avides de puissance poussaient vers le trône Philippe d'Or

léans, au nom duquel ils se flattaient de régner. C'est pourquoi son buste fut promené triomphalement par une populace soudoyée, ainsi que le buste du ministre Necker, dont la même faction faisait au peuple une autre idole, par la seule raison que Louis XVI ayant repoussé du ministère ce banquier genevois, on voulait le lui imposer tyranniquement; car la révolution nous a appris qu'il n'y a pas de gens plus tyranniques que ces hommes qui ont sans cesse à la bouche le mot de liberté *.

Louis XVI avait enduré patiemment d'aussi sanglans affronts. Ah! les révolutionnaires. connaissaient trop bien toute sa bonté et son invincible répugnance à faire couler le sang des pervers dans lesquels son cœur généreux ne voulait voir que des sujets égarés. Ce prince pouvait-il croire à la durée d'une révolution sanglante et criminelle, lorsque son peuple venait d'obtenir de son amour une si grande extension accordée au tiers-état dans la convo

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J'ai cru aux vertus républicaines, et n'ai point vu de républicains, à l'exception de ceux qui, sous ce nom, se << sont distribué les premières fonctions, et ont été des des« potes exécrables. » Ce sont les propres expressions d'un homme de la révolution (Prudhomme); on peut l'en croire sur parole.

cation des états-généraux? Devait-il s'attendre à des fureurs sanguinaires, au moment où il s'agissait de procéder avec ordre et sagesse aux améliorations que les Français pouvaient raisonnablement espérer, et qu'ils avaient droit d'attendre des hautes lumières comme des bontés paternelles de leur roi ? N'était-il donc pas démontré que cet excellent prince en montant sur le trône y avait apporté des mœurs pures, une économie sévère, l'amour de la justice, celui de son peuple, et la résolution toujours constante de le rendre heureux? En ressuscitant les états-généraux n'avait-il pas pour objet d'y trouver les secours nécessaires pour opérer quelques changemens devenus indispensables pour le bien de l'État et la prospérité de la nation?

Comment les révolutionnaires pouvaient-ils provoquer le fer des assassins contre monseigneur le comte d'Artois, en lui prêtant un caractère opposé à toutes sages réformes, lorsque ce prince avait exprimé de si nobles sentimens à l'assemblée des notables, dans le discours d'ouverture du bureau dont il était président? « Vous allez examiner avec détail, << avait-il dit, les importans projets sur lesquels le roi veut bien nous consulter. Je

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