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DES

ÉMIGRÉS FRANÇAIS.

PREMIÈRE ÉPOQUE.

Événemens survenus tant en France que dans l'étranger, depuis le 14 juillet 1789, jusqu'au commencement de la guerre, en 1792.

Nous avons vu la révolution française, semblable à un torrent débordé, apparaître au milieu du déchaînement de toutes les passions, brisant toutes les sauvegardes de la société, portant en tous lieux l'épouvante et la destruction. Dès le 14 juillet 1789, notre belle patrie n'offrit plus aux regards de ses habitans qu'un pays sans lois, une population sans société, un assemblage de meurtriers et de victimes. Les troupes sur lesquelles le roi devait le plus compter ayant cédé aux suggestions d'agens corrupteurs, et s'étant confondues dans cette journée avec les révoltés, Louis XVI se trouva

dans l'impossibilité d'arrêter le désordre. Les assassinats impunis de M. le marquis de Delaunay, gouverneur de la Bastille; de M. de Flesselles, conseiller-d'état et prévôt des marchands; de M. Foulon, ministre de la marine, et de M. Berthier, conseiller-d'état et intendant de Paris, prouvèrent aux hommes éclairés que la carrière du brigandage et de la férocité était ouverte aux malfaiteurs *.

de

* Les hommes qui s'étaient emparés de la personne M. Delaunay, l'amenèrent sur la place de l'Hôtel-de-Ville, et là ils imaginèrent de détacher le réverbère placé à l'angle qui conduit à la rue Jean-de-l'Épine, et d'y pendre leur victime. Ils lui tranchèrent la tête, et la placèrent au bout d'une pique pour la promener dans Paris.

M. de Flesselles fut atteint le même jour d'un coup de pistolet sur la place de l'Hôtel-de-Ville; il tomba et fut aussitôt percé de mille coups. On lui trancha la tête, et on la promena avec celle de M. le marquis Delaunay.

M. Foulon, vieillard septuagénaire, avait été intendant de l'armée française pendant la guerre de 1756. On alla le chercher à Viry, le 22 juillet, et on l'amena à Paris après avoir exercé sur sa personne des cruautés inouïes. Arrivé sur la place de l'Hôtel-de-Ville, on le pendit trois fois, parce que deux fois la corde cassa avant de l'avoir étranglé. Enfin, on lui coupa la tête, et on la promena au bout d'une pique, avec une poignée de foin dans la bouche, en lui attribuant ce propos absurde : « que du foin était assez bon « pour la nourriture du peuple.

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M. Berthier était gendre de M. Foulon il fut arrêté

:

En même temps que des monstres assassinaient publiquement, d'autres bandits, la

à Compiègne, et conduit à Paris, le soir même du massacre de son beau-père. Les massacreurs se portèrent en foule à sa rencontre à la barrière, et par un raffinement de cruauté, ils lui présentèrent la tête sanglante de son parent, qu'on voulut le forcer à baiser. Cet horrible trophée fut porté devant lui jusque sous le fatal réverbère où on l'amena pour achever son supplice. Là, il arracha le fusil d'un des hommes qui l'entouraient, et essaya de se défendre; mais cent assassins le frappèrent à la fois. Un monstre lui plongea la main jusqu'au fond des entrailles, en arracha son cœur palpitant, qu'il alla offrir aux regards des membres de la commune, et on le promena dans la ville à la pointe d'un coutelas avec la tête mise au bout d'une pique.

Pendant ces exécutions, et lorsqu'ils parcouraient ensuite les divers quartiers de Paris, les meurtriers poussaient les cris d'une joie féroce........ En les voyant, on eût dit que cette capitale d'un si beau royaume était devenue un pays d'antropophages!

Les révolutionnaires trouvèrent admirable de célébrer la lanterne par des chansons qui furent chantées dans les rues pendant un long espace de temps, et dont le refrain était une menace de mort contre les aristocrates, c'est-à-dire les honnêtes gens.

Un nommé Camille-Desmoulins, qui a joué un grand rôle parmi les turbulens, avait pris avec complaisance le titre de procureur-général de la lanterne.

Mirabeau a osé consacrer, dans le sanctuaire même des législateurs, ce principe des cannibales : «< Que les massacres exécutés par le peuple étaient un acte de sa souveraineté.>>

torche en main, se transportaient audacieusement aux barrières, et en incendiaient les bâtimens dans tout le rayon de la capitale. Ces horreurs se propageant comme l'étincelle électrique, la France entière fut bientôt en proie aux dévastations, aux incendies des châteaux, aux assassinats privés, aux massacres universels.... *

Les auteurs de cette journée du 14 juillet organisèrent aussitôt un conseil municipal qui gouverna la révolution, si l'on peut s'exprimer ainsi, sous l'influence du député Bailly, qui avait présidé la séance où le tiers-état se constitua en assemblée nationale, et que l'on choisit pour présider le conseil municipal, en le nommant maire de Paris. Ce même conseil créa de suite une garde nationale, dont il donna le commandement à M. le marquis de Lafayette, qui s'était fait une réputation par

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*Profondément affligé de la continuité de ces désordres, Louis XVI en fit l'objet d'un message spécial à l'assemblée constituante. Après la lecture, Robespierre prit la parole, et dit: « J'invite l'assemblée à traiter avec douceur le peuple qui brûle les châteaux. Ne profanez pas le nom du peuple, s'écria M. d'Espréménil, dites les brigands ! » Robespierre reprit froidement : « Je dirai, si l'on veut, « les citoyens qui brûlent les châteaux. » (Séance de fé ́vrier 1790.)

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