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Gaule. Là se trouvaient les Belges, dont Jules-César a dit: horum omnium fortissimi sunt Belgae (1), et qu'il eut tant de peine à soumettre au joug de sa république ou de son empire. Au-dessus étaient les Bataves, que ce grand capitaine aima mieux dès-lors avoir pour alliés que pour ennemis, Ils habitaient une portion de ce qu'on nomme aujourd'hui Hollande.

Ainsi donc, au berceau même de ces peuples, on trouve établie cette distinction que la nature avait marquée quand elle avait donné aux uns, un des plus beaux sols de l'Europe, aux autres, quelques lambeaux de terre qu'il faudrait sans cesse disputer à l'Océan. La nature semblait ainsi avoir décidé que, de ces deux portions, l'une serait natu→ rellement riche et soumise, l'autre essentiellement industrieuse et libre.

Les Bataves devinrent donc alliés des Romains, et il né paraît pas, quoiqu'en dise l'historien Florus, que César ait dépassé leurs frontières. Braves et fidèles, ils méritèrent d'être introduits par Auguste dans les cohortes romaines. Les écrivains de cette époque ont donné à quelques-uns de leurs chefs le titre de rois. Dès-lors sans doute ils parcorraient dans des barques, ces canaux naturels qui coupaient leur territoire, et l'on peut croire que cette navigation intérieure leur donnait déjà quelque importance.

Les Romains fortifièrent plusieurs points sur leurs frontières du côté de la Gaule, pour contenir l'ardeur naturelle des Bataves. Caligula bâtit une tour près de Catwik, pour rester maître des embouchures du Rhin. Britten et d'autres places furent élevées dans le même but: les Bataves n'en corcevaient point d'ombrages; ils faisaient un commerce actif avec ces places.

Les troubles violents qui agitèrent les Gaules à la mort de Néron ne laissèrent point les Bataves inactifs. Un chef

(1) Commentaire, liv. I.

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nommé Civilis, voulut profiter de la situation où se trouvait l'empire, pour affranchir le pays d'un tribut d'hommes auquel il s'était précédemment soumis. On prend les armes à sa voix; les frontières romaines sont franchies, et les Gaulois du Nord invités à lever l'étendard de la révolte. Les chefs se rangent en foule auprès du guerrier batave, plusieurs postes romains sont enlevés ; et l'on croit voir renaître les temps des Vercingetorix et des Sacrovir.

La fortune favorisa d'abord les confédérés: ils firent des progrès dans la Gaule; mais la plupart des nouveaux compagnons de Civilis, ne tardèrent pas à se dégoûter de la guerre et à rentrer dans les bornes de la soumission. Après avoir lutté quelque temps encore, avec des succès balancés, contre un général de Vespasien, il se détermina lui-même à la paix, et la conclut. Les Bataves reconnurent donc l'empereur et rentrèrent dans leur île; Civilis déposant le glaive, vécut dès-lors et mourut inaperçu entre ses compatriotes. Trois siècles plus tard, il eût été sans doute le fondateur de quelque puissant état.

L'histoire des Pays-Bas est maintenant pendant un long intervalle, couverte de voiles qu'il serait non moins inutile que fatiguant de vouloir soulever. Les noms des principaux peuples qui y habitaient, ne sont plus prononcés par les historiens que de temps à autre, et seulement comme fournissant de bons soldats aux milices romaines (1). On les voit aussi soutenir diverses luttes contre ces tribus franciques, dont l'inquiète audace fatiguait la tactique romaine: ils les repoussaient et en étaient repoussés tour-à-tour. Peu de détails, au reste, sur l'état de civilisation. Le christianisme s'introduisait lentement; les institutions romaines n'avait pu s'établir que sur quelques points, et l'industrie venait d'être anéantie à son aurore, par ces légions de brigands qui infestaient les rivages des fleuves.

(1) Tableau de l'Histoire générale des Provinces-Unies.

On voit les Bataves et les Frisons confondus vers le quatrième siècle; quelques historiens ont nommé rois les chefs qui les gouvernaient alors, mais c'étaient des rois dont le sceptre se courbait devant l'épée d'un lieutenant du prétoire; et ceux de leurs noms barbares qui nous sont parvenus, ne méritent pas d'être rappellés. Il faut croire que la plus grande partie des provinces belgiques se trouvèrent soumises aux Francs, lors de l'établissement solide de ceux-ci dans la Gaule, et c'est ce que divers passages des plus anciennes annales semblent confirmer; mais ces peuples cherchèrent à s'affranchir pendant les guerres qui suivirent les partages de la monarchie. Charles-Martel et ses successeurs les battirent plusieurs fois. Charlemagne les soumit enfin définitivement à son vaste empire. Il divisa le pays en un certain nombre de cantons, à chacnn desquels il préposa un Comte (1); ces comtes étaient subordonnés à un duc, et amovibles comme lui. Ce duché de Frise, ducatum Frisia, ainsi le nomment les anciens annalistes, s'étendait jusqu'à la Meuse. L'autre partie des provinces belgiques avait été comprise, dès les premiers temps dans le royaume d'Austrasie. Toutes deux subirent après Charlemagne la destinée commune d'amovibles, les délégués de la couronne devinrent partout inamovibles et héréditaires. Dans la Frise, le duc disparut entre les troubles où la faiblesse des monarques et l'ambition de leurs officiers jettèrent alors l'empire. Les comtes devinrent des souverains dont le nombre fut successivement réduit par des guerres ou par des alliances. Il n'y en eut enfin qu'un seul, et cela eut lieu, suivant les auteurs les plus accrédités, vers la fin du neuvième siècle, époque marquée aussi par une grande révolution physique dans ces contrées; au reste le titre de comte de Hollande paraît pour la première fois dans un diplôme donné par l'empereur Henri IV, en 1064; et c'est par anticipation que quelques écrivains ont ainsi désigné ces seigneurs de la

(1) D. Bouquet, tom. V.

:

Frise institués deux siècles avant; le mot Hollande signifiait terre-basse ou marécageuse, et il ne fut d'abord que celui d'un petit canton.

Mais ce pays s'offrait dès-lors sous un aspect fort remar quable la féodalité n'y avait pas pris les caractères qu'elle présentait partout ailleurs; dès les premiers temps les comtes avaient reconnu qu'on ne pouvait gouverner ce peuple qu'avec justice et modération, Son humeur indépendante menaçait trop souvent leur faible puissance pour qu'ils osassent en abuser. Il arriva delà que les premières chartes et concessions du pouvoir, furent fécondes en résultats pour la masse de la nation. Elle prit rang dans la communauté, ses vœux durent-être entendus; ses droits durent-être représentés; c'est-à-dire que le parlement féodal (1) du souverain, composé primitivement de la noblesse et du clergé, se trouva changé dès les premiers temps en assemblée d'états par la présence de députés du peuple. L'origine de ces assemblées est, en effet, fort ancienne dans la Frise comme dans les autres provinces, et leur influence sur les affaires publiques est signalée par un grand nombre de pièces. On voit en 1203, pour ne citer que de seul trait, une comtesse de Frise ou de Hollande, douzième souveraine de ce pays, détrônée pour s'être mariée sans le consentement des états.

2.

Les princes célébraient ordinairement leur avènement par des priviléges qu'ils accordaient aux villes, et la moindre atteinte qu'ils y portaient ensuite, devenait la source de longues dissentions, Chaque année en ajoutant aux développemens du commerce et de l'industrie, surtout dans les provinces méridionales, ajoutait aussi à l'énergie nationale, car si, dans l'état social, les richesses avilissent quelquefois les hautes classes, il n'est certainement pas de plus sûr auxiliaire de la tyrannie, que les misères du peuple.

Il faut voir aussi que la noblesse intermédiaire était beau

(1) Voyez Précis historique de la France ( Parlement),

coup moins nombreuse, et n'avait jamais eu l'influence dont elle jouissait encore dans la plupart des contrées de l'Europe. Là, les barons étaient sous une foule de rapports assimilés aux autres sujets du suzerain, et les terres s'étaient presqu'en totalité maintenues en franc-alleux. On peut trouver dans l'histoire la raison de cet état politique.

Les habitans de ces provinces avaient en effet conservé long-temps, comme on l'a vu, leur antique existence; ils avaient fait une guerre opiniâtre aux tribus germaniques qui voulaient occuper leur sol. On peut donc penser qu'ils n'avaient subi que fort peu de mélange jusqu'à la grande révolution qui renversa l'empire romain. Quand cette révolution fut accomplie, quand la digue opposée aux Barbares fut franchie, tout fut soumis, les peuples des Pays-Bas comme ceux de la Gaule. Mais il arriva alors que le torrent dévastateur suivit les voies qui lui avaient été précédemment ouvertes, et se lança tout entier vers les parties australes et méridionales de la Gaule. C'était, en effet, dans ces contrées, si long-temps protégées contre leurs aggressions par les Romains, que les Barbares brûlaient d'assouvir leur soif de pillage et de destruction, donc se porta presque toute l'action de la conquête. Les contrées voisines de l'Océan, et dont l'accès, surtout vers le Nord, était plus difficile, se trouvèrent ainsi moins exposées; il s'y établit une quantité moins considérable des vainqueurs ; c'est-à-dire que les effets dé la victoire n'y furent pas tout-à-fait aussi sensibles, et par suite, que les antiques habitudes d'indépendance purent dès les premiers temps s'y manifester avec un peu plus d'énergie qu'ailleurs, et mettre quelques bornes à l'autorité exercée par les comtes au nom des rois ou des empereurs Francs,

Ainsi donc, tandis qu'en Angleterre les communes et la noblesse se réunissaient contre la couronne pour fonder la liberté, qu'en France, au contraire, la couronne et les com

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