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arrêta, par la fameuse triple alliance, le cours de ses prospérités. Ce traité entre la Grande-Bretagne, la Hollande et la Suède, obligea la France à consentir à la paix : elle fut signée en 1668, à Aix-la-Chapelle. Louis XIV y rendait la Franche-Comté qu'il venait de conquérir, mais il conservait Lille, Charleroi, Douai, Courtrai, etc., avec leurs dépendances. Quatre ans après, la guerre ayant éclaté de nouveau, elle fut terminée en 1778 par le traité de Nimègue, qui livra à la France, outre la Franche-Comté, plusieurs villes de Flandre et du Hainaut, telles que Valenciennes, Condé, Bouchain, etc. Enfin, la chambre dite des Réunions, instituée par Louis XIV, pour faire revenir à la couronne toutes les terres qu'on croirait avoir anciennement dépendu de l'Alsace, des trois évêchés, et des villes des Pays-Pas cédées, ayant donné lieu à de nouvelles hostilités, elles furent terminées en 1697 par la paix de Riswick, qui laissait les choses dans l'état où le traité de Nimègue les avait placées.

Le faible règne de Charles II avait été fatal aux Pays-Bas: il se termina en 1700, et le nouveau siècle s'ouvrit par cette guerre fameuse, dite de la Succession, qui causa un embràsement presque général. Les victoires d'Eugène et de Martborough chassèrent les Français des Pays-Bas, qu'ils avaient d'abord occupés au-nom du petit-fils de Louis XIV, nouveau souverain d'Espagne sous le nom de Philippe V. Ces contrées devinrent alors le théâtre d'une révolution qui y changea des formes constitutives. La Grande-Bretagne et la Hollande, réunies par le traité fameux appelé de la grandealliance, établirent dans ces provinces un nouveau gouvernement. Ces deux puissances créèrent un conseil compose de Flamands, et qui était investi de la souveraineté au nom de Charles III, compétiteur de Philippe V. Mais ce n'était qu'en apparence qu'il gouvernait, car il était dans le fait subordonné à une commission de députés anglais et hollandais qui portait le titre de la Conférence. Cette commission transmettait au conseil les désirs des puissances alliées, et

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ces désirs étaient changés en lois après un simulacre de délibération. Telle était la situation de ce conseil, qu'il ne put même pas se refuser à rapporter certaines ordonnances récentes favorables au commerce et à l'industrie des Pays-Bas. Ces contrées apprenaient alors combien est déplorable la domination de l'étranger, surtout quand cet étranger est un rival jaloux.

La paix d'Utrecht, en 1713, avec les traités qui la suivirent de près, termina la guerre de la Succession. La couronne d'Espagne fut conservée au prince français; mais les Pays-Bas en furent alors détachés et cédés à l'empereur, pour être possédés à titre héréditaire dans sa maison : cet empereur (Charles VI) était l'archiduc, qui avait long-temps disputé à la France l'héritage de Charles II. Il était déclaré par l'art. 7, que les Pays-Bas seraient livrés par le roi de France et ses alliés, avec les limites établies par le traité de Riswick. Ce fut ainsi que ces provinces se trouvèrent placées au nombre des états de la branche impériale d'Autriche. Par cet arrangement était conservée une barrière contre la France et l'Espagne, naturellement réunies par les liens du sang, et qui eussent menacé la Hollande et l'Empire, si l'une d'elles eût possédé les Pays-Bas. Comme ensuite l'esprit des anciens pactes formait, de ces provinces, un état particulier qu'on ne pouvait nullement considérer comme adhérent à la monarchie espagnole, et dont les princes de la maison d'Autriche étaient les souverains naturels et légitimes, on peut dire que la transaction était politique et juste à la fois, ce qui n'est pas sans doute indigne d'être remarqué.

L'état des Pays-Bas avait donc été transformé en une souveraineté placée sous la domination de l'Autriche. Il devint partie intégrante même de la monarchie autrichienne, héréditaire et indivisible, par la pragmatique-sanction de Charles VI, adoptée successivement comme loi fondamentale par les états des diverses provinces, et publiée à Bruxelles en 1725 dans une assemblée générale des députés de tous

les états. C'est l'existence qu'il a gardé jusqu'à la révolution. Pour peu qu'on ait réfléchi sur l'histoire des deux derniers siècles, on comprendra combien cet arrangement, quelle que fût sa convenance, devait déplaire à la politique française. Il est manifeste, en effet, qu'un agrandissement aux dépens des Pays-Bas fut toujours une des vues principales de cette puissance, et l'on peut faire à ce sujet une réflexion dont la justesse nous semble manifeste; c'est que si la France eût suivi les voies que Henri IV et Richelieu avaient ouvertes à sa politique, elle eût infailliblement recueilli une part considérable de cette portion de l'héritage de Charlesle-Téméraire, qui n'avait point embrassé l'hérésie. En indisposant la Hollande, au contraire, en rompant cette longue alliance qui avait été si utile aux deux états, la France créa dans les conseils de la république un intérêt qui devint chaque année plus pressant; celui d'établir et de maintenir une forte barrière entre le territoire français et son propre territoire. Tel fut aussi le principe de la politique, que les H. H. P. P. opposèrent avec un succès constant aux armes de Louis XIV, et qui fonda l'existence des Pays-Bas autrichiens.

Il nous semble que l'époque où nous sommes arrivés est celle où se manifesta d'une manière marquée entre les Belges et les Hollandais cet esprit de rivalité, que le temps n'a fait que rendre plus sensible. Déjà, comme nous l'avons vu, les derniers, gouvernant les Pays-Bas conjointement avec les Anglais, avaient montré l'intention formelle de sacrifier la prospérité industrielle et commerciale de ces contrées à leurs propres intérêts industriels et commerciaux. Ils avaient alors assez prouvé qu'ils ne regardaient plus comme sortis du même berceau ces peuples sur qui pesait encore le double joug de l'église et des rois. Il était évident qu'à leurs yeux les Pays-Bas devaient être simplement un intervalle que la France aurait à traverser pour arriver jusqu'à leurs frontières, et dont on travaillerait constamment à perpétuer

l'insignifiance sous tous les autres rapports. Ce but des étatsgénéraux fut obtenu par le célèbre traité de la Barrière, conclu en 1715 entre la Hollande et l'Empereur. « On doit regarder le traité de la Barrière, dit M. Ancillon (1), comme la garantie et le complément de tous les autres traités signés à Utrecht. L'objet de ce traité était d'assurer les Pays-Bas à la maison d'Autriche, de lui en faciliter la défense en accordant aux Hollandais le droit de mettre garnison dans un certain nombre de places, et de les défendre en cas de guerre. Les Etats-Unis y gagnaient une frontière plus sûre; l'Autriche épargnait des sommes considérables; l'Allemagne acquérait un nouveau boulevard contre la France. Ces vues sont justes, mais la politique hollandaise est loin d'y être embrassée complètement. L'inspection même des articles fait voir jusqu'à quel point le traité était dirigé contre l'existence florissante des Pays-Bas autrichiens. Aussi, dès qu'il fut connu dans ces contrées, les clameurs y furent-elles générales. Les Belges, en voyant les Hollandais conserver des troupes dans leur pays, jugèrent que la ruiné entière de leur commerce était inévitable. Les états de Brabant et de Flandre adressèrent à ce sujet de vives représentations à la cour impériale, ce qui donna heu à ouvrir de nouvelles conférences à La Haye, dont le résultat fut une convention qui adoucit un peu les conditions humiliantes et onéreuses du traité de la barrière.

Les dispositions hostiles de la Hollande ne tardèrent pas à avoir de nouvelles occasions de se manifester. Quelques habitans des Pays-Bas avaient tenté, dès le commencement du siècle, d'établir un commerce direct du port d'Ostende avec la côte de Guinée et les Indes orientales. Les Hollandais prirent bientôt de l'ombrage du succès de ces tentatives. Ils préténdirent que le traité de Munster défendait aux PaysBas le commerce des Indes. La cour impériale répondit que

(1) Tome IV.

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ces prohibitions n'avaient été manifestement stipulées que contre la navigation espagnole, et qu'elles ne regardaient nullement les provinces belgiques. Des négociations ouvertes à ce sujet devinrent très-vives quand l'empereur eut, en 1722, érigé par lettres-patentes la fameuse Compagnie. des Indes, connue sous le nom de Compagnie d'Ostende, pour naviguer et négocier aux Indes orientales et occidentales et sur les côtes d'Afrique, tant en-deçà qu'au-delà » du cap de Bonne-Espérance, dans tous les ports, hâvres, » lieux et rivières où les autres nations trafiquent librement. » Les Hollandais appelèrent facilement l'attention de toutes les puissances maritimes sur cet établissement. On redouta partout que l'Autriche ne devînt une puissance commerçante, et l'on vit alors le spectacle nouveau d'une ligue de l'Europe, dont le but apparent était la garantie de certains intérêts politiques, et la fin réelle, la ruine d'une association de marchands flamands.

Le résultat des alliances et des transactions entre les couronnes dut être la chute de la compagnie. L'empereur consentit d'abord, en 1727, à restreindre à sept ans l'octroi de trente années qu'il lui avait accordé. Et enfin, en 1731, tout commerce des Pays-Bas autrichiens avec les Indes orientales fut totalement aboli; et pour éluder de nouvelles discussions relativement à celui des Indes occidentales, on convint que l'on s'en rapporterait sur ce point aux règles établies dans le traité de Munster. Ainsi furent encore sacrifiés à la Holande les plus précieux intérêts des provinces belgiques.

Il faut passer maintenant au règne du fils de Marie-Thé rèse, car les événemens mémorables où la maison d'Autriche se trouva mêlée laissèrent les Pays-Bas dans la même situation politique. L'usage était à cette époque, comme au temps de Philippe H, de faire gouverner ces provinces par un prince ou par une princesse de la maison impériale. Ces souverains régissaient en général ces états avec équité ot

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