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jamais on ne levait de tribut fixe, mais quelquefois seulement une taxe extraordinaire pour subvenir à quelques frais imprévus, comme à l'entretien d'une guerre. Le roi vivait de ses propres revenus.

Nous arrivons au règne de Marguerite, surnommée la Sémiramis du Nord.

S II.

Règne de Marguerite';-Union de Calmar (1387-1412).

Ce n'est guère que sous ce règne, c'est-à-dire, vers la fin du quatorzième siècle, que le Danemarck commença réellement à prendre un rang stable, parmi les états européens; nous avons vu ses premiers rois sans cesse occupés à faire des conquêtes, presque aussitôt perdues que formées. Marguerite s'occupa d'étendre et de consolider la puissance de ses successeurs: les Danois ne furent plus un peuple d'aventuriers; mais une nation digne de figurer parini les principaux états européens. C'est une remarque à faire, que tous les 'états du nord n'ont pris que très-tard ce caractère de stabilité, qui distinguait depuis long-temps ceux du midi de l'Europe; sans doute il faut pour en trouver la cause, remonter à l'origine des peuples qui s'établirent dans le nord, et avoir égard aux mœurs et aux inclinations qu'ils y apportèrent.

Elüe reine des Danois, Marguerite acquit la Norvége par mariage, et la Suède par le succès de ses armes. C'est ainsi qu'après avoir été long-temps en proie à d'affreuses dissensions, les trois royaumes du nord, tous trois électifs, tous trois gouvernés par un roi, par un sénat et par des étatsgénéraux, se virent réunis en un même corps politique.

La force, autant que le vœu des peuples, avait secondé les projets de Marguerite, elle voulut que sa puissance fût encore fondée sur un droit incontestable : les états des trois royaumes furent convoqués en conséquence et portèrent cette loi fameuse dans le nord sous le nom d'Union-dc

Calmar, loi qui avait pour but de réunir à jamais les intérêts des trois pays, et d'en confier, après la mort de la reine, le gouvernement à son petit-neveu Eric, fils d'un due de Poméranie.

Cette loi se composait de trois articles principaux.

1o Les états-unis n'auront à perpétuité qu'un seul et même roi, élu d'un commun accord par les sénateurs et les députés des trois royaumes. Dans le cas où le roi Eric, héritier présomptif, laisserait une descendance, le roi sera choisi dans sa famille.

2o Le souverain partagera sa résidence entre les trois états, et consommera dans chacun le revenu de chaque couronne. La diète générale composée des états des trois royaumes, se tiendra à Helmstadt.

3o Enfin chaque état conservera sa constitution, son sénat et ses lois particulières; les gouverneurs, les magistrats seront pris de chaque pays, sans que le roi puisse jamais employer d'étrangers dans aucun des trois états.

Ce règlement est de 1397.

On voit que les peuples du nord se départaient déjà de cette liberté absolue qui présidait à l'élection de leurs souverains, en déclarant que le roi ne pourrait désormais être choisi que dans la famille d'Eric; mais ce n'est pas le seu fait de ce genre que nous avons à remarquer ici, car plus tard les magistrats du royaume voyant les progrès que fesait le gouvernement absolu, sous l'administration de Marguerite, et voulant un jour lui rappeler les sermens qu'elle avait prêtés à son avènement au trône, elle leur demanda s'ils en avaient les chartes? « Oui, répondirent-ils, et nous les conservons avec le plus grand soin.-Je vous conseille en effet de les bien garder, reprend Marguerite, pendant que je garderai moi les châteaux et les villes de mon royaume, et les droits de ma dignité. » On a eu raison de dire qu'un grand monarque coûte toujours cher aux peuples: le despatisme d'une femme affaiblissait déjà chez ceux-ci toute idée

de liberté, et préparait peu-à-peu la révolution étonnante opérée sous Frédéric III.

S III.

Successeurs de Marguerite jusqu'à la grande révolution de 1660. (1412-1660.)

Ce n'est pas le lieu d'examiner ici, si l'union de Calmar pouvait ou non remplir le but qui l'avait dictée; si ne fédération de trois monarchies divisées par des intérêts et des rivalités réciproques, par la diversité de lois, de mœurs et d'usages, pouvait être un lien durable. Un fait certain, c'est qu'au lieu de réunir les différentes parties soumises au sceptre de Marguerite, l'union de Calmar ne fit que mettre les rivaux en présence, susciter les haines et les discordes: la Suède fut la première à s'indigner de la préférence trop souvent accordée au Danemarck, sur les deux autres états; et bientôt après la mort de la reine, elle brisa les liens qui l'enchaînaient. On courut aux armes de part et d'autre: de-là ces guerres désastreuses, et, pour ainsi dire, continuelles, qui désolèrent ces malheureux pays, et remplissent seules pendant long-temps, presque toutes les pages de l'histoire de Danemarck: tout le reste disparaît au milieu de ces scènes de carnage; ou du moins est-ce au travers de ce voile sanglant, qu'il faut saisir les faits d'une autre nature?

Quatre points principaux doivent toutefois fixer ici notre attention: 1° L'avènement au trône de Christian d'Oldenbourg, en 1448, sous le nom de Christien Ir. 2° L'acquisition qu'il fit des provinces de Slesvic et de Holstein, qui lui furent adjugées par les états de ces pays, à la mort du dernier duc de Holstein, oncle maternel de Christian. 5° La réunion définitive de la Norvège, et l'émancipation de la Suède. 4° L'accroissement excessif de la puissance des nobles. Quelques détails sur tout ceci.

Ce sont les princes de la maison de Christian [e, qui ont

occupé jusqu'à nos jours le trône de Danemarck; bien qu'on puisse remarquer quelques interruptions dans l'ordre de succession directe entre ces princes; car les Danois n'avaient pas encore entièrement abjuré leur droit de veiller sur le trône; l'une de ces interruptions mérite surtout de trouver place ici; elle donne une idée de leur ancienne liberté.

Christian ou Christien II, s'était par toutes sortesde vexations, rendu aussi odieux aux Danois, qu'il étaitexécrable à la Suède. Il avait mérité par ses cruautés, le surnom de Nérondu-Nord. Nous avons vu que les Danois, en possession d'élire leurs rois, avaient aussi le droit de déposer un tyran; ils en usèrent dans cette circonstance; les habitans du Jutland, et des duchés de Slesvic et de Holstein, furent les premiers à se déclarer, et firent signifier à Christien sa déposition authentique, par le premier magistrat de Jutland. » Ce chef de justice intrépide, dit Voltaire (1), ose porter à Christien sa sentence dans Copenhague même. Le tyran voyant tout le reste de l'état ébranlé, haï de ses propres officiers, n'osant se fier à personne, reçut dans son palais, comme un criminel, son arrêt, qu'un seul homme désarmé lui signifiait : le Danemarck ratifia l'arrêt, et la révolution fut accomplie.

C'est à la suite de cette déposition, que la Norvège, qui avait pris le parti de Christien, fut enfin, après avoir longtemps été en butte aux mêmes fluctuations que la Suède, déclarée province du royaume de Danemarck; le sénat de Norvège fut supprimé, et ses états ne participèrent plus à l'élection des rois; la Suède, au contraire, acquérait chaque jour de l'autorité aux dépens du Danemarck; et conclut enfin, avec cette puissance, en 1570, la paix de Stettin, qui déclara son entière indépendance.

Le Danemarck qui se trouvait considérablement affaibli, tant par cette émancipation, que par les longues guerres

(1) Essai sur les Meurs, chap. 119

qui l'avaient précédée, perdit alors l'ascendant qu'il avait en long-temps dans le nord. C'est dans ces circonstances, que le gouvernement de ce royaume fut encore altéré dans ses bases. Une aristocratie vieieuse, dit Koch (1), s'éleva sur les débris de la liberté nationale; le sénat composé uniquement de nobles, envahit toute l'autorité; il se rendit maître de l'élection des rois et ne convoquant plus les étatsgénéraux depuis 1536, il en usurpa tous les pouvoirs, empiétant de même sur l'autorité royale, qui fut resserrée de plus en plus, tandis que les prérogatives de la noblesse furent étendues par les capitulations que le sénat prescrivait aux rois, à leur avénement à la couronne. » Voilà le second pas vers l'asservissement de la nation.

L'introduction de la réforme en Danemarck, amena aussi des résultats assez importans; mais, qu'il n'entre pas dans notre sujet de développer ici; le luthéranisme fut alors introduit et devint la religion de l'état.

S IV.

Frédéric III;- Révolution de 1660.

Les premiers temps de l'histoire de Danemarck nous montrent, comme les annales des premiers temps chez presque tous les peuples, une nation, jouissant de tous les droits de la liberté, nous avons vu Marguerite porter impunément atteinte à ses institutions. Aujourd'hui nous sommes arrivés au moment où le mot de liberté n'est plus qu'un vain nom pour le peuple, l'aristocratie et le trône l'ont envahie à l'envi et s'en arrachent les tristes lambeaux. La dispute doit maintenant éclater entre les deux puissances rivales, le peuple est en dehors et ne peut avoir, dans la

(1) Tabl. des Révol, de l'Eur.

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