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des curieux, pour l'arrivée de l'instant désiré, a coutume de se placer dans un endroit spécial du sommet; et là, au moment de la pompeuse apparition du soleil sur l'horison, les voyageurs, tout radieux, ne manquent jamais de saluer son lever brillant, d'une décharge d'armes à feu, et la détonnation, ainsi que les cris de joie qui l'accompagnent, est répétée par sept échos consécutifs. Ce salut est un effet de l'admiration qu'inspire la magnificence du spectacle qui frappe alors les regards. En effet, vous voyez sortir de sa couche magnifique, placée derrière l'un des sommets élevés des Alpes, le soleil, ce brillant roi de la nature, d'abord, il est vrai, dépouillé de son auréole de rayons lumineux, mais dont il ne tarde pas à être pompeusement paré; et', à l'instant, les Alpes couvertes de neiges étincellent comme si la baguette puissante d'une fée les avait changées en un métal précieux ; les lacs de la Suisse semblent promener entre leurs bords, au lieu d'eau, du diamant en fusion; toute chose, en un mot, prend alors, dans cet immense tableau de la nature, une physionomie plus riante et plus ani

mée.

Endroit marécageux près de la cime.

,

La montagne présente encore une particularité fort remarquable, c'est l'existence d'un endroit marécageux, tout près de son sommet.

Chalets.

Le Noirmont, dont le climat n'est pas tellement froid, qn'on ne puisse cultiver l'orge et l'avoine même à une petite distance de la crête du Montd'Or, est parsemé de chalets, dans lesquels on fabrique, pendant les 4 mois de la belle saison, une grande quantité d'excellents fromages, dits de gruyères, dont le produit est très-considérable.

On en dirige des convois jusque dans les villes maritimes de France, où ils sont embarqués pour les pays d'outre-mer. Cette marchandise serait une source encore plus abondante de richesses, si les propriétaires ou les fermiers des chalets n'étaient pas obligés de louer une grande partie de leur bétail chez l'étranger.

Particularités sur les vaches du Mont-d'Or.

Les vaches qui composent les diverses fromageries du Noirmont, se divisent donc en deux classes: celles qui appartiennent au propriétaire ou au fermier, et celles qui sont amodiées, principalement en Suisse, pour compléter la fromagerie. On remarque dans toutes un instinct merveilleux. En effet, à l'approche de leur départ de la montagne, on peut à peine les retenir, et le jour même de la saint Denis, 9 octobre, époque précise de la descente elles en prendraient certainem.eat l'initiative, si on

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les abandonnait à elles-mêmes. On a vu des vaches suisses partir seules, et se rendre, directement et sans guide, dans l'endroit de leur demeure, situé à une grande distance de la frontière, après avoir cependant passé quatre mois et demi sur la montagne.

Pour conduire les vaches au Noirmont, et les en ramener, il est d'usage de leur attacher au cou de grosses clochettes, qu'elles ne conservent pas pendant l'été; eh bien! on a remarqué qu'agiter involontairement ces sonnettes, dans l'intervalle de leur séjour à la montagne, suffisait pour mettre tout le troupeau en mouvement et en effervescence.

Hospitalité des Chalets.

L'heureux séjour de ces chalets est une image fidèle du genre de vie des temps antiques. L'hospi talité, cette belle vertu si rare aujourd'hui, s'y exerce comme dans les anciens jours. A peine l'é tranger est-il venu prendre place au banc du vaste foyer que, sans aucune demande préalable de sa part, on s'empresse autour de lui, pour lui faire accepter les alimens ou les rafraichissemens dont il a besoin et que fournit le chalet. S'il est arrivé le soir, on lui offre cordialement de partager, pour la nuit, l'humble couche de la ferme; et s'il craint de s'égarer à travers ces lieux alpestres, on ne l'aban donne que quand il ne peut plus faire fausse route.

Aussi, dans ces lieux enchanteurs, jouit-on d'un bonheur véritable, à l'ombre d'une douce liberté E et d'une paix profonde.

Rochejean renferme, dans la partie du Noirmont attachée à son territoire, un grand nombre de ces chalets (1), habitations si délicieuses dans la belle saison.

la

Origine de Rochejean.

L'origine de Rochejean se perd, dit-on, dans les ténèbres du passé. S'il faut en croire la tradition, ce respectable écho des âges, un hermite appelé Jean, habita long-temps le creux de la Roche qui est sous l'église, près du pont de pierres. A côté de grotte jaillissait du rocher une fontaine, appeléc la fontaine de saint-Jean l'hermite. Elle a disparu, ainsi que la grotte, sous les scories du haut-fourneau. Je me rappelle l'avoir vue encore dans mon jeune âge. Les voyageurs disaient qu'ils passaient vers la Roche à Jean; delà le nom de Rochejean donné à l'endroit. Du reste, aucun document, aucune date pour venir à l'appui de cette tradition populaire; en sorte qu'il n'est pas possible de s'y arrêter.

Mais l'opinion étymologique la plus certaine, puisqu'elle repose sur des documens qu'on peut dire irréfragables, est celle qui attribue la fondation

(1) Voyez-en la nomenclature à la fin de ces Souvenirs historiques.

de Rochejean à Jean de Châlons, sire de Salins, surnommé le sage et l'antique, fils d'Etienne II de Bourgogne, Comte d'Auxonne, et de Béatrix de Châlons, lequel jeta les fondemens d'un châteausur la Roche-de-Alpe, qui dès lors devint Rochejean.

Cette fondation n'a pu avoir lieu que postérieurement à l'année 1266, époque de l'inféodation, faite à Jean de Châlons par Guy IV, abbe de SaintClaude, des Hautes-Joux du Noirmont encore inhabitées; en sorte que l'existence de Rochejean n'est point antérieure à 1266. Ce fait est appuyé sur plusieurs preuves que je vais rapporter.

Première preuve.

Rochejean n'existait pas en 792, époque du diplôme de l'empereur Charlemagne, qui accorda à l'abbaye de Condat (Saint-Claude), lés hautes montagnes, alors couvertes de bois, qui touchent cette abbaye du côté du levant, et qui s'étendent jusqu'à la voie passant par la Ferrière et jusqu'aux Alpes, maintenant le Mont-d'Or et Rochejean dont le territoire fit dès-lors partie des vastes possessions de l'abbaye de Saint-Claude. Cette mention de la Ferrière de préférence à Jougne, prouve aussi que ce dernier lieu n'existait point encore à cette époque.

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Voici un extrait du diplôme de l'empereur Charlemagne, relatif au territoire où fut dans la suite

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