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dience aucune marque d'approbation ou d'improbation; et ici, où réside la volonté nationale, ici où des hommes font des lois, quelques personnes, peut-être soldées, osent applaudir.

Je demande, Monsieur le Président, qu'il soit rendu un décret pour qu'à la première marque d'approbation ou d'improbation les tribunes soient exclues de l'Assemblée. (Applaudissements.)

Plusieurs membres: Aux voix ! aux voix !

Un membre: La motion de M. d'André est trop véhémente. Il convient sans doute d'empêcher ces témoignages d'improbation qui, je le conçois, sont très gênants; il convient de ramener au silence la personne ou les personnes qui se permettent des écarts contraires au respect dû à l'Assemblée nationale; mais il ne faut pas porter le dépit et l'intolérance au point d'expulser les tribunes car, par un décret, vous avez ordonné que les discussions seraient publiques et qu'en excluant les tribunes, vous vous rendriez suspects.

M. d'André. Je demande que mon opinion soit connue de toute la France.

Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.

M. le Président. On fait la motion que la discussion soit fermée.

M. d'André. L'Assemblée ne peut pas fermer la discussion quand il s'agit de notre liberté.

Un membre: Le premier devoir de l'Assemblée est de se faire respecter.

M. Vieillard. Il y a un décret rendu; je demande qu'on passe à l'ordre du jour.

M. d'André. Rien n'est si facile que de s'entendre, lorsqu'on parle en silence. J'ai dit et je pense que les tribunes doivent être contenues par l'autorité et la dignité de l'Assemblée nationale; je dis que ceux qui manqueraient dans les tribunes doivent en être punis et exclus.

S'il est permis aux assistants à nos séances, non seulement d'applaudir, mais encore d'improuver, je conviens, quoique pour ma part je n'aie guère d'applaudissements des tribunes, je conviens que ce ne sont pas les applaudissements, qui gênent la liberté des opinions: car dans ce moment où je suis bien sûr de n'en pas recevoir, je ne crains cependant pas de m'énoncer. Mais ce qui gène l'Assemblée, ce sont ces huées indécentes qu'on se permet depuis quelques jours. Quel est celui d'entre nous qui ne se le rappelle pas? Et lorsque j'ai fait la proposition tout à T'heure, c'est lorsque les huées sont venues de cette tribune-là. (Il montre une tribune à droite.)

Oui, ce sont les huées qui contraignent la liberté; et certainement je prouve bieu dans ce moment-ci que les huées ne m'empêchent pas de parler; je prouve bien que je m'embarrasse fort peu de ce qu'on dit; mais le public qui saurait que l'on se permet de huer o d'applaudir pourrait croire que les délibérations ne sont pas libres.

Il faut donc pour l'Assemblée, pour la tranquillité publique, pour la confiance générale, que l'Assemblée soit tranquille. J'ai donc eu raison de m'élever contre les huées que j'avais

entendues; d'après cela, j'ai donc bien fait de dire qu'à la première marque d'improbation, il fallait que les personnes qui l'auraient donnée fussent exclues.

Ainsi, je demande que l'on passe à l'ordre du jour, la motion subsistante telle que je l'ai faite, et que M. le Président ait la bonté de transmettre cet ordre à l'officier de garde.

M. le Président. Je prie M. d'André de rédiger sa motion dans les termes où il l'a exprimée. M. Chabroud. Il faudra en faire lecture à l'Assemblée.

M. d'André. Je fais la motion expresse de défendre aux personnes qui sont ou qui seront admises dans les tribunes de donner aucune marque d'approbation ou d'improbation, et d'ordonner que celles qui s'écarteraient de cette règle par des clameurs ou des murmures indécents soient sur-le-champ contraintes d'en sortir. (Cette motion, mise aux voix, est décrétée.)

M. le Président. Monsieur l'officier de garde, Vous venez d'entendre le décret que l'Assemblée vient de rendre. Vous voudrez bien l'insérer dans la consigne et tenir la main à ce qu'il soit désormais exactement observé.

M. Defermon, au nom du comité d'imposition. Je reviens à la proposition de M. de Vismes il faut que l'Assemblée sache que ces administrateurs qu'on dit si intéressants pour la chose publique l'ont abandonnée quand ils ont cru qu'ils étaient nécessaires. Et ce sont ces hommes-là pour lesquels on vient dire qu'il est extrêmement utile à la chose publique qu'ils soient mis en place!

Moi, je dis qu'il est extrêmement intéressant pour la chose publique que lorsque vous payez les directeurs médiocrement, vous leur donniez l'assurance de l'exécution de votre décret, et que, lorsque votre décret est expressif, vous ne le rétractiez pas, sous prétexte de doute qui n'existe pas.

Je demande l'exécution de l'article 31 de votre décret du 18 mai et la radiation de celui d'hier de votre procès-verbal.

M. Pierre Dedelay (ci-devant Delley d'Agier). Je demande la priorité pour la première motion de M. Defermon.

M. de Vismes. Si on demande la priorité pour la motion de M. Defermon, qui consisterait dans le rapport pur et simple du décret d'hier, je demande alors qu'on passe à l'ordre du jour.

M. Pison du Galand. Je demande le renvoi de la question aux comités d'imposition et des domaines, réunis.

(Ce renvoi est décrété.)

M. Poncin, au nom du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, vous avez ordonné que le rapport que j'ai eu l'honneur de vous faire le 21 mai dernier, relativement au canal de Givors (1) serait imprimé et distribué, avant que le projet de décret ne fût mis en délibération. Cette impression est aujourd'hui terminée; il est

(1) Voy ci-dessus page 285.

très intéressant, d'autre part, que la question reçoive une prompte solution.

Je vous demande de vouloir bien fixer la discussion de cet objet à l'ordre du jour de la séance de samedi soir.

(Gette motion est décrétée.)

L'ordre du jour est un rapport du comité de judicature sur la liquidation des offices de la chambre des comptes de Paris.

M. Vieillard (de Coutances), au nom du comité de judicature. Messieurs, le principe qui doit servir de base à la liquidation des offices de la chambre des comptes de Paris a été par vous déterminé l'article 3 du décret des 2 et 6 septembre dernier porte «que les offices non soumis l'évaluation prescrite par l'édit de 1871, et qui ont été simplement fixés, seront liquidés sur le pied du dernier contrat authentique d'acquisition ». Les offices dont il s'agit n'étaient pas sujets à l'évaluation, ils ont éprouvé une fixation; ils doivent être remboursés d'après le prix porté au dernier contrat authentique de chaque titulaire.

Il ne peut y avoir aucune équivoque sur ce principe; mais il se présente une importante difficulté dans l'application. Une clause, insérée dans la presque totalité des traités d'offices de la chambre des comptes de Paris, donne lieu à une incertitude sur ce qui forme le véritable prix des contrats. Dans tous les actes où cette clause se rencontre, on forme la question de savoir si une partie du prix total n'est pas applicable au titre nu de l'office, et si l'autre partie n'a pas réellement pour objet une cession de droits détachés et distincts du corps de l'office.

Il semble d'abord que rien n'est plus facile que de constater ce fait, et cependant c'est la manière de l'éclaircir qui excite un genre d'embarras. Pour mettre l'Assemblée nationale en état de prendre un parti en grande connaissance de cause, il convient de lui donner quelques éclaircissements.

Quatre classes composaient cette compagnie, sans compter le parquet savoir, 13 présidents, 78 maîtres, 38 correcteurs et 82 auditeurs.

:

Il y a eu diverses créations de ces offices, mais toutes sont fort anciennes il a été impossible, à la plupart des divers titulaires, de représenter les quittances justificatives de la finance versée par leurs anciens prédécesseurs au Trésor royal. Cependant il en a été produit plusieurs dans les bureaux de la liquidation, qui constatent qu'il a été payé pour les offices de président 360,000 livres, et pour ceux de maîtres 150,000 livres. On voit encore qu'il a été créé une assez grande quantité de ces offices depuis 1631 jusqu'en 1650, et que dès lors la finance était portée au taux que nous venons d'indiquer.

Elle a été depuis augmentée par l'acquisition faite en commun de plusieurs parties de rentes sur l'Etat, et par la réunion au corps de plusieurs offices acquís des deniers de la compagnie et encore existants, de valeur de plus de 800,000 livres.

Ce qu'il y a de certain, c'est que de temps immémorial les offices de la chambre des comptes ont été vendus à un prix uniforme dans chacune des 4 classes qui la composaient.

En 1665, une loi ministérielle, dont les officiers indiquent un motif qu'il est inutile d'approfondir, fixa les offices sans le concours de la compagnie. L'édit porta la finance des présidents à 200,000 livres, celle des maîtres à 120,000 liv., celle des

correcteurs à 50,000 livres et celle des auditeurs à 45,000 livres. La chambre se refusa d'abord à l'enregistrement; mais elle y fut contrainte au mois de décembre de la mème année. Elle enregistra, de l'ordre et commandement du roi, cet édit qui fut porté à cette cour par M. le duc d'Orléans, frère du roi, venu exprès, assisté d'un maréchal de France et de deux conseillers d'Etat.

Cette loi prohibait, sous les peines les plus graves, de vendre au delà du prix de la fixation : si elle eût été exécutée purement et simplement, chaque officier aurait alors été constitué dans une perte considérable. Les présidents, qui avaient versé au Trésor royal 360,000 livres, auraient perdu 160,000 livres; les maîtres auraient perdu 30,000 lrvres; les correcteurs, 31,000 livres, et les auditeurs 27,000 livres.

Pour éviter cette perte, les officiers, à mesure qu'ils vendaient leurs offices, inséraient dans les contrats la clause que nous allons bientôt mettre sous vos yeux.

L'édit du mois de février 1771 autorisa une nouvelle fixation. La chambre des comptes de Paris profita aussitôt de la faculté qui lui était accordée à cet égard. Les présidents ordinaires fixèrent leurs offices à 300,000 livres; les maîtres fixèrent les leurs à 144,000 livres; les correcteurs à 81,000 livres, et les auditeurs à 72,000 livres, et c'est d'après cette nouvelle fixation que les droits de mutation et de marc d'or ont été perçus depuis 1771.

On voit que les officiers de la chambre des comptes ne portèrent pas encore tous la fixation de leurs charges au taux de la finance par eux payée, ni à celui des contrats d'acquisition qui n'a point varié; pour se mettre au pair et recouvrer, quand ils vendaient, le principal qu'ils avaient déboursé, ils étaient obligés de faire, après 1771, pour une somme à la vérité beaucoup moindre, ce qu'ils avaient fait avant 1771, pour une somme très considérable.

Pour ne point fatiguer l'attention de l'Assemblée par la multiplicité des calculs, je prendrai pour exemple les offices de maîtres; la difficulté est la même pour les autres officiers, et la même raison de décider s'applique à tous.

Lorsqu'avant 1771 un maître des comptes voulait vendre son office, il s'adressait au premier président, qui, par une police établie dans le corps, indiquait le sujet qui se proposait. Le vendeur, qui avait payé lui-même à son prédécesseur 150,000 livres pour l'office, voulait recevoir la même somme de son successeur : l'édit de 1665 donnait des entraves à la liberté : le prix était constamment de 150,000 livres ; tous les contrats en font foi : les notaires, obligés comme les parties de se conformer à l'édit, inséraient bien, à la vérité, dans les contrats un prix total effectif de 150,000 livres, mais ils y joignaient une explication d'après laquelle 120,000 livres seulement paraissaient le prix de l'office, et le surplus pour cession de droits échus et à échoir, de rôles d'épices, de comptes présentés ou à présenter, arrêtés ou non arrêtés »

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Votre comité s'est fait représenter les contrats produits au bureau de la liquidation, il s'est convaincu que, dans la presque totalité, les vendeurs se réservaient les épices des rôles arrêtés jusqu'au premier du mois dans lequel se faisait la vente; mais ils cédaient, sans garantie, les épices résultant des rôles non arrêtés, et tout ce qui serait employé dans ces rôles sous leur

nom.

Pour bien concevoir quel pouvait être l'objet

de la cession, il faut savoir que les différents comptes, sujets à l'examen de la chambre, devaient, aux termes des lois, être présentés à certaines époques par les comptables, qui quelquefois consignaient, entre les mains du receveur des épices, les sommes qui devaient être distribuées aux officiers; mais les retards successivement apportés dans les anciens comptes, et souvent l'insuffisance et l'illégalité de ceux présentés de nouveau, les délais d'ailleurs accordés aux comptables par les lois modernes qui avaient dérogé à l'édit de 1669, toutes ces considérations opéraient cet effet que les comptes ne s'examinaient qu'après 4 années, à dater de celle pour laquelle ils étaient rendus, sauf les comptes du Trésor royal, de la marine, des colonies et de la caisse des amortissements, qui, par le fait des comptables et des faveurs ministérielles, n'étaient présentés qu'à des époques encore plus reculées.

Ainsi, l'officier qui était nouvellement pourvu assurait le compte antérieur de 4 ans à sa réception, et celui qui quittait laissait à son succes. seur, par la même raison, les comptes de 4 années à régler, sauf ceux qui remontaient à un temps plus ancien.

A mesure que les comptes d'une année étaient réglés, ou plutót chaque mois après le jugement des comptes, il se faisait un rôle d'épices qui établissait la répartition à faire entre chacun des membres de la compagnie et sur le champ même la distribution se faisait. L'élit du mois de décembre 1511 ordonne que la répartition et le payement seront faits aux officiers par chacun mois dans les proportions indiquées. Cet édit a été scrupuleusement observé jusqu'à l'époque actuelle.

Mais d'après l'explication que nous avons donnée, le rôle d'épices qui s'arrêtaient tous les mois et la distribution qui en résultait, avaient pour cause l'examen de comptes anciens.

Il faut maintenant vous dire, Messieurs, que ce que cédaient les vendeurs par la clause bizarre qui contenait l'abandon à l'acquéreur de rôles d'épices anciens, échus et à échoir, arrêtés ou non arrêtés, s'appliquait aux épices consignées ou non consignées pour les comptes présentés ou non présentés, non examinés, non jugés, mais qui se reportaient à une comptabilité d'années pendant lesquelles le vendeur avait exercé son office.

Les maîtres des comptes disent aujourd'hui que la cession qui a fait l'objet apparent de ces clauses répétées dans presque tous les contrats; est une véritable fiction qui n'était employée que pour repousser une injustice ministerielle au moyen laquelle la finance, réellement versée au Tresor public, se trouvait arbitrairement et despotiquement diminuée.

Ils disent que l'édit de 1665 n'a rien changé au prix total et effectif des contrats, qu'il est vrai que gênés par cette loi tyrannique, les vendeurs comme les acquéreurs étaient obligés d'y exprimer que le corps de l'office était vendu 120,000 livres, et de donner aux autres 30,000 livres une cause supposée, pour que les conventions, d'ailleurs justes, restasseni telles qu'elles devaient être.

Ils regardent qu'il n'était pas juste en effet que ceux qui avaient acquis, moyennant 150,000 livres avant 1665, perdissent 30,000 livres par l'effet d'une loi oppressive, et qu'il ne l'était pas davantage que leurs successeurs éprouvassent euxmêmes cette perte.

Ils prétendent établir que les objets cédés en apparence, en outre le corps de l'office, sont une chimère, et que constamment les acquéreurs n'avaient rien à recevoir co me cessionnaires : et voici comme ils prouvent cette assertion. D'abord les officiers cèdent sans garantie les rôles d'épices des comptes échus ou à échoir, ce qui décèle déjà que l'objet cédé n'est pas envisagé comme certain; en second lieu ce qu'on cédait était chimérique.

Les épices n'étaient acquises qu'au profit de celui qui faisait le travail; ce n'était pas la dite de la présentation d'un compte ni l'énonue de l'année pour laquelle il était rendu qui déterminaient et acquéraient un droit aux officiers, ce n'était que celle où le compte étant réglé et le travail fait, chaque officier qui avait participé à ce travail devait avoir ses honoraires.

Ainsi, quoique on officier eût été en exercice pendant l'année 1780, il n'avait aucun droit acquis sur le compte qui serait rendu de cette même année, s'il vendait son office avant l'époque de la présentation du compte ou même avant celle du jugement de ce même compte.

L'édit de 1511, que nous avons cité, porte à cet égard une disposition essentielle: Voulons et nous plait, etc... « lesquels deniers qui provien« dront pour l'examen, clôture et expéditions « desdits comptes voulons être payés et distribués " par chacun mois; c'est à savoir à nosdits présidents, maîtres, et à chacun d'iceux pour icelle « part, quote et somme qui sera ci-après déclarée, et ceux d'iceux qui seront résidants et vacants journellement, et ordinairement ès ma« tinées et après-dînées, des jours non fériables « en icelle chambre, et qui auront entre, résidé « et vaqué à l'audition, examen, clôture et correc«tions de nosdits comptes,t aux autres frais et « affaires de ladite chambre et charges que ils «et chacun d'eux respective.nent sont tenus nous « servir en icelle et non autrement, selon le rôle qui, à la fin de chacun mois, en sera fait, ainsi « que les rôles des bourses que nos notaires et « secrétaires prendront en notre chancellerie, et par les rôles de la distribution desdits deniers, qui en seront faits et certifiés par chaa cun mois, quant à la vacation et résidence desa dites matinées et après-dinées, par celui ou ceux a qui seront à ce commis et ordonnés par nosdits présidents et maîtres des comptes, etc. »

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L'edit du mois d'août 1669, concernant la comptabilité, défend aux officiers des chambres des comptes de faire payer les épices des comptes avant que les états finaux aient été assis, les acquits remis au garde de livres et les comptes rendus aux parquets.

Ces lois, fondées sur la justice qui v ut qu'une rétribution soit le fruit du travail, et que cette rétribution appartienne à celui qui l'a fait, prouve évidemment que, soit que les épices des comptes à examiner fussent consignées d'avance par les comptables ou non, elles n'appartenaient aux officiers que du moment où ils avaient assisté et vaqué à l'audition, examen, clôture et correction des comptes pour raison desquels les épices se distribuaient. Celui qui n'avait pas rempli ces conditions, celui qui n'avait fait aucun travail ne devait avoir aucune part dans les émoluments qui étaient destinés à en être la récompense.

Comment concevoir, d'après cela, qu'un maître des comptes ou tout autre officier de cette cour pût vendre ou céder sérieusement ce qui ne lui appartenait pas? Quel droit était donc acquis à celui qui vendait, par exemple, son office en 1780,

sur les comptes non examinés, non clos, non jugés des années 1777, 1778 et 1779? A l'époque de celle vente, un des comptes de ces années n'avait pas même été lu.

Dira-t-on que les épices étaient quelquefois consignées d'avance? Mais, encore une fois, ce n'est pas le moment de la présentation du compte qui rend l'officier propriétaire des épices, c'est celui de l'examen et jugement de ce compte.

En vain la très majeure partie des contrats désigne la cession par ces mots insignifiants de rôles, d'épi es à échoir, de comptes à arrêter; il est évident qu'en ce cas le vendeur cédait ce qui ne lui appartenait pas, ou plutôt qu'on ne prenait un pareil parti que pour se soustraire à la rigueur d'une loi dont on est forcé de reconnaître l'injustice.

Les officiers de la chambre des comptes n'auraient certainement jamais osé ni voulu céder à un étranger de pareils droits, s'ils eussent vendu antérieurement leurs offices à d'autres ; cependant ils les cédaient mais sans garantie aux acquéreurs de leurs offices, et la raison ou le prétexte était affaire de convention entre eux. Les vendeurs cédaient ce qui ne leur apartenait pas, les acquéreurs achetaient ce qu'ils savaient bien aussi ne pas appartenir à leur vendeur, et tout cela se passait ainsi pour colorer le détour que les vendeurs étaient obligés de prendre pour sauver une partie du capital qu'ils avaient réellement payé, et qu'eux ou leurs prédécesseurs avaient exactement payé dans le Trésor public.

L'usage du retard constamment apporté dans le jugement des comptes a été reconnu par l'Assemblée nationale, qui a aussi consacré le principe que les épices n'appartenaient pas aux officiers, quoiqu'elles fussent consignées, lorsque les comptes n'avaient pas été réglés.

Elle a été décrétée le 22 décembre dernier. «Toute présentation de compte, aux cham«bres des comptes, cessera de ce jour.

"

« Il ne sera consigné, par les comptables, au« cunes épices pour raison des comptes de l'année 1787, dont la présentation devait être faite « au 31 décembre de l'année 1790, et pour ceux « des autres années qui n'auraient pas encore • été présentés.

Dans le cas où, avant la publication du présent décret, il y aurait eu des épices consiagnées pour raison desdits comptes, elles seront, « par les receveurs des épices, restituées aux comptables.

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Ce décret, suivant les officiers de la chambre des comptes, donne lieu à des conséquences en leur faveur.

S'il est constant, comme on n'en peut douter, d'après la raison et d'après les édits de 1511 et de 1669, et enfin d'après le décret de l'Assemblée nationale, que les épices qu'auraient pu Consigner les comptables pour l'anné: 1787, ou autres antérieures, n'appartenaient qu'à ceux qui feraient le travail; il est aussi vrai que la cession qui leur a été faite de pareils droits pour des comptes non examinés par les vendeurs, est illusoire et nulle.

S'il en était autrement, il faudrait supposer, ce qui est absurde et inique, que l'Assemblée, en suspendant l'examen des comptes de la part des cours, aurait été obligée de laisser aux officiers dont elle anéantissait les fonctions, des droits, des émoluments pour des travaux qu'elle fait faire par d'autres fonctionnaires qu'elle paye.

S'il en était autrement, il faudrait supposer qu'un

acquéreur quelconque d'un office à la chambre des comptes de Paris, en exerçant pendant quatre ans, aurait été fondé à percevoir le travail de huit années; mais cette hypothèse est ridicule. L'officier, qui traitait en 1780, examinait les comptes de quatre années, antérieurs à sa réception; était-ce alors au droit de son vendeur qu'il percevait les épices de ces comptes? Non, c'était à son propre droit, le vendeur qui n'avait fait aucun travail à cet égard, n'avait aucune rétribution à exiger. C'étaient cependant ses épices qu'il cédait. Si cet officier acquéreur en 1780 vendait lui-même en 1784, avait-il quelques droits sur les comptes de 1780, 1781, 1782 et 1783? Non, sans doute, dès qu'ils n'étaient pas examinés, il ne pouvait donc pas plus sérieusement les céder que son vendeur n'avait pu lui abandonner à lui-même les épices des quatre années antérieures à sa réception.

Ce qui peut prouver encore combien la cession dont il s'agit était chimérique, c'est que de temps immémorial les offices n'ont jamais changé de prix.

Savant 1771, la fixation de 1665 qui réduisait la finance à 120,000 livres, eût réellement été considérée comme déterminant la valeur de l'office nu, il y aurait eu en ce cas 30,000 livres de recouvrements cédés aux maîtres des comptes, et pareille somme aux correcteurs. Déjà une pareille quantité de recouvrements pour des offices dont le produit correspondant à peu près à la finance, était à peu près uniforme pour chaque classe, ne peut se supposer.

Mais, d'ailleurs, pourquoi depuis 1771, époque, à laquelle la nouvelle fixation des maîtres a été portée à 144,000 livres, le prix de ces prétendus recouvrements de rôles, au lieu d'être de 30,000 livres, s'est-il partout, dans tous les contrats faits depuis cette époque, uniformément réduit et soutenu à 6,000 livres? La raison en est sensible, disent les officiers de la chambre des comptes; c'est qu'au moyen de ce que la fixation était augmentée de 24,000 livres, il n'y avait plus de motifs de mettre cette somme en recouvrements apparents; le vendeur n'avait d'autre but que de toucher 150,000 livres qu'il avait déboursés, on en attribuait 144,000 livres à la finance, et la même fiction qui, pour les contrats antérieurs à 1771, portait les prétendus recouvrements à 30,000 livres ne les portait plus, après cette époque, qu'à 6,000 livres, mais la cession des rôles d'épices étant idéale dans un cas, l'était également dans l'autre.

Il ne faut pas laisser ignorer à l'Assemblée nationale qu'il s'élève encore une grande présomption en faveur des officiers qui reclament dans ce moment; elle se tire de ce que dans les contrats représentés des officiers qui ont acquis en famille à titre successif ou contractuel, le prix est énoncé en entier nuement de 150,000 livres, sans distinction, parce que ces officiers n'avaient à craindre ni inquiétude, ni recours, ni la prohibition de l'édit de 1665.

Les officiers qui ont été pourvus avant 1771, seront traités, disent-ils, d'une manière bien rigoureuse, si, parce que ceux de leurs confrères qui ont acquis depuis eux, ont pu mettre une expression dans leurs contrats qui était interdite aux premiers par une autorité despotique, ils éprouvaient comparativement une perte de 24,000 livres, tandis que les offices sont les mêmes, que le prix est réellement aussi le même, et que le Trésor public a également reçu de chacun d'eux la même somme. Ils regrette

raient alors que vous n'eussiez pas ordonné qu'ils seraient remboursés sur le pied ou de la finance, ou au moins de la fixation faite en vertu de l'édit de 1771.

Votre comité, Messieurs, à la première lecture de quelques contrats, avait conçu que les officiers de la chambre des comptes de Paris n'étaient fondés à réclamer que le prix qui, suivant ces mêmes contrats, était attribué au corps de l'office. Il avait comparé leur position relativement aux clauses de leurs contrats à celle d'officiers ministériels, cessionnaires de recouvrements; or, comme ces recouvrements, ne sont pas remboursables, parce que l'officier a dû ou pu les toucher, il avait tiré contre les officiers de la chambre des comptes les mêmes conséquences.

Mais ce premier aperçu de quelques membres du comité a cessé de fixer leur opinion, d'après l'examen approfondi qui a été fait de la question.

Des recouvrements ont pour objet des droits acquis au cédant, des sommes dues et payables; les épices à percevoir sur les comptes non présentés, ne sont ni dues, ni échues, elles ne peuvent donc être considérées comme des recouvrements.

Il en est de même des comptes présentés et non jugés. Ceci résulte évidemment de ce que j'ai eu l'honneur de vous exposer précédemment la comparaison ne peut donc avoir lieu.

Votre comité s'est convaincu que dès lors que Vous avez décrété que ce ne serait ni la finance ni la fixation qui serviraient de base au remboursement, mais le prix du contrat, il faut chercher avec scrupule en quoi consiste le véritable prix. Il a été frappé de l'invariabilité des contrats, quant aux prix dans toutes les classes, depuis un temps immémorial; il a considéré encore l'uniformité ou la quasi-uniformité qui existe dans tous les contrats, relativement au détour que nécessitaient l'édit de 1665 et surtout le défaut d'objet d'une cession qui n'existait même pas dans l'intention réelle des parties. La finance versée au Trésor public a également fixé son attention, et il a pensé que l'Assemblé nationale, sévère lorsqu'il s'agit de la disposition des fonds publics, serait jalouse de rendre une justice rigoureuse à des officiers qui, après avoir versé au Trésor public, des sommes qui ne sont pas inférieures au remboursement qu'ils sollicitent, font encore profiter la nation du fruit de leurs économies, puisque les réunions et acquisisions par eux faites excèdent 800,000 livres.

Nous ne vous avons pas, Messieurs, entretenus de quelques contrats dans lesquels on a abandonné aux acquéreurs quelques portions d'arrérages de gages, pour raison desquels il y a eu pot-de-vin stipulé ou payé; cette cession ne peut pas être envisagée comme celles dont nous vous avons parlé il paraît juste que ceux des officiers qui ont reçu de pareilles cessions en supportent la déduction. Le moyen de savoir en quoi consistent ces gages dans les contrats où la désignation de leur valeur n'a pas été faite, est simple; il consiste à ne leur payer l'excédent de la fixation qu'en obligeant ces officiers à représenter un extrait du registre desdits gages avec le certificat du payeur qui les acquittait.

Nous terminons, Messieurs, en vous rendant compte d'une réclamation que font plusieurs officiers qui, ayant été auditeurs des comptes à Paris, ont quitté ces offices pour occuper ceux de maîtres. Il était souvent d'usage qu'en pareil cas le roi fit remise du droit de survivance pour l'office de maître, et cette remise était fondée

et sur les services déjà rendus par l'officier, et sur ce qu'en se faisant originairement pourvoir d'un premier office dans la même compagnie, ils avaient déjà acquitté un droit de survivance.

Ces officiers, qui ont passé successivement à deux offices, demandent qu'il leur soit tenu compte, lors de la liquidation, du droit qu'ils ont acquitté comme auditeurs, puisque ce droit représente celui qu'ils auraient dû payer, en occupant les offices de maîtres. Ils disent que la nation ne leur remboursera que ce qu'elle leur eût remboursé, s'ils eussent conservé leurs premiers offices, et ils ajoutent que s'il leur eût fallu payer un nouveau droit de survivance, la plupart de ceux qui ont passé de la place d'auditeur à celle de maître, n'auraient pas abdiqué leurs premiers emplois. Ils se réservaient même ce retour lorsqu'ils vendaient ceux-ci, en obligeant les acquéreurs à ne se faire pourvoir, que lorsqu'eux-mêmes auraient été pourvus des offices de maîtres.

Votre comité a pensé, Messieurs, que la réclamation de cette portion d'officiers est fondée sur la justice et sur l'équité. Il ne s'agit pas de leur rembourser deux droits de survivance, il n'est question de leur rembourser que celui qu'ils ont payé. Ils ont payé le droit de survivance comme auditeurs; s'ils n'en ont pas payé un nouveau comme maîtres, c'est parce qu'ils avaient été auditeurs; le premier droit payé a été le motif de la dispense du payement du second, et il a paru à votre comité que le premier payement étant appliqué par le fait au second office, la justice exige que ce débours, dont le Trésor public a profité, soit restitué aux officiers qui le réclament. Cette restitution est déterminée par les mêmes raisons qui vous ont porté à ordonner que les titulaires qui étaient pourvus, lors de votre décret du mois de septembre dernier, seraient remboursés des droits de mutation, marc d'or et frais de provision.

Voici le projet de décret que votre comité m'a chargé de vous présenter:

"L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de judicature, relativement au remboursement à faire aux officiers de la chambre des comptes de Paris,

« Décrète que, sur le remboursement qui sera fait à ces officiers, de la somme totale stipulée en leurs contrats d'acquisitions, déduction leur sera faite du montant des gages arriérés à eux cédés par lesdits contrats, suivant le prix y énoncé, et à défaut de fixation desdits gages, d'après l'état qui sera certifié par le payeur de ces mêmes gages, avec mention de ce qui se trouvait échu au moment de la cession;

« Décrète également que ceux des auditeurs et correcteurs des comptes qui, en passant aux offices de maîtres, n'ont pas payé de nouveaux droits de survivance, seront remboursés de ceux desdits droits qu'ils avaient acquittés en se faisant pourvoir des premiers offices. »

M. Lanjuinais. Je demande la question préalable sur le projet de décret. Lorsqu'on vous a présenté un décret sur les substituts d'Aix, M. Camus vous a fait rejeter le décret par la raison que res exceptions pourraient changer le mode de votre remboursement. L'exception qu'on vous propose aujourd'hui est absolument de la mêine nature et doit subir le même sort. Je conclus donc à la question préalable sur l'avis du comité.

M. Briois-Beaumetz. Il est question de savoir

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