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M. l'abbé Breuvard. Messieurs, vos décrets relatifs aux religieux ont donné à ceux-ci la liberté de sortir du cloître ou d'y rester pour continuer la vie commune, à condition toutefois que, dans ce dernier cas, ils seront toujours en nombre suffisant pour célébrer l'office avec décence et majesté. Vous crûtes en conséquence ne pouvoir conserver que les maisons où il y aurait plus de 15 religieux et, lorsque les maisons seraient réduites à un nombre inférieur, vous avez décidé de les réunir à d'autres maisons du même ordre et de la nême règle, autant que possible.

Que vous propose-t-on aujourd'hui ? On veut vous faire décréter que des communautés composées, les unes de 20, d'autres de 30, de 40 et de 50 religieux seront réunies 5 ou 6 ensemble. On vient troubler la paix de ces maisons tranquilles, le repos dont elles jouissent depuis longtemps. Ces communautés qu'on vous propose de réunir sont, pour la plupart, à la campagne. Quel si grand parti la nation pourrait-elle tirer à présent de tant de grandes maisons abandonnées ?

Remarquez, Messieurs, qu'il n'en est pas de ces communautés religieuses de nos provinces belgiques comme d'une foule d'autres communautés du royaume où l'esprit de relâchement n'a fait que trop de progrès. Nos communautés religieuses sont encore aujourd'hui très régulières et très considérées; aussi n'y a-t-il que très peu de religieux qui aient profité de la liberté que vous leur avez offerte de quitter le cloître. Je ne sais même pas si de tous les religieux de l'abbaye de Saint-Vaast, composée d'environ 80 religieux, il y en a un seul qui ait abandonné son état. Pourquoi troubler aujourd'hui la paix dont jouissent ces communautés et les priver de la consolation de continuer d'y remplir tranquillement les saints devoirs auxquels elles se sont vouées ? Pourquoi leur faire abandonner, en quelque sorte, l'etat religieux? Car la vexation qu'on exerce aujourd'hui sur eux ne peut tendre à d'autre but.

En voici la raison, Messieurs; et votre comité ne la cache pas. Il n'y a dans les provinces belgiques que très peu de curés qui aient cru pouvoir prêter serment...

M. Bouche, Tant pis!

M. l'abbé Breuvard. Vous avez raison de dire que c'est tant pis, si ces curés troublent la paix, si ces curés portent à la révolte; mais si ces curés sont des gens fidèles à vos décrets d'ailleurs, pourquoi donc veut-on aujourd'hui troubler ces communautés, dont la plupart sont à la campagne? C'est parce qu'on espère avoir par là des gens pour remplacer les curés. Voilà la raison que donne votre comité ecclésiastique, et si le département du Pas-de-Calais n'envoie pas cette semaine la répartition des maisons

qu'on lui a demandées, votre comité le fera luimême d'office. Voilà la raison que l'on donne, et pourquoi? Pour exécuter un décret que beaucoup de personnes regardent comme vexatoire.

Je demande donc, Messieurs, que vous laissiez jouir les communautés du Nord de la faveur de votre décret. Je demande que ce communautés, étant la plupart très nombreuses, les religieux restent dans leurs maisons jusqu'à ce qu'ils soient réduits au nombre de 15, et qu'alors les religieux en soient réunis à la maison qui est leur chef-lieu. Vous sentez combien il est rigoureux pour des vieillards attachés depuis 50, 60 années à ces maisons, de les quitter; et soyez persuadés que cela va affliger les villages où ces communautés sont placées et qu'elles nourrissent encore aujourd'hui. Je demande donc l'exécution du décret.

M. Treilhard. Il ne s'agit nullement ici de savoir s'il y a eu plus ou moins de fonctionnaires publics ecclésiastiques qui aient prêté leur serment dans le département du Nord; ce projet de décret est la suite de l'exécution des décrets que vous avez rendus sur les ordres religieux. Vous avez voulu conserver, à ceux qui désireraient la vie commune, la faculté de vivre en commun; mais vous avez en même temps dit, et avec beaucoup de sagesse, que vous indiqueriez aux religieux, qui voudraient vivre en commun, la maison dans laquelle ils seraient tenus de se retirer, à la différence des religieuses, à qui vous avez permis de rester dans la maison où elles étaient. Vous avez eu égard à la faiblesse de leur sexe, à leurs habitudes et à beaucoup d'autres considérations; en conséquence, vous avez ordonné aux corps administratifs de vous représenter l'état des religieux de leur département, pour rendre le décret qui assignerait la maison où ils seront tenus de se retirer. Il n'y a pas de département où ce travail soit plus avancé que dans le département du Nord et dans le département du Pas-de-Calais ; et cela n'est pas étonnant: il y a dans ces départements beaucoup d'abbayes, à la tête desquelles se trouvent des abbés réguliers, c'est-àdire les plus despotes de tous les homm s. Or, il faut que vous sachiez que ces abbés ont trouvé le secret d'en imposer aux religieux qui sont encore sous leur joug, au point que plusieurs d'entre eux nous ont écrit qu'ils ne pouvaient pas jouir de la liberté que vous leur aviez donnée par vos décrets, parce qu'ils étaient retenus encore par l'autorité de l'abbé régulier, dont cependant vous avez détruit tout le pouvoir.

Il faut aussi que vous sachiez que vous avez décrété que dans toutes les maisons on nommerait un supérieur, et ce supérieur pouvait être un autre que l'abbé; et cependant dans aucune de ces maisons on n'a changé le régime qui existait; l'abbé exerce partout son despotisme. Les religieux attendentave la plus grande impatience le moment où vous pourrez briser le joug sous lequel ils ont vécu jusqu'à ce moment-ci.

Tout doit donc vous inviter, Messieurs, å adopter ce décret, qui est concerté avec les corps administratifs, qui n'est qu'une conséquence des décrets que vous avez rendus, qui accélérera la vente des biens nationaux. Je demande donc que vous mettiez le décret aux voix.

(L'Assemblée ferme la discussion et adopte, sans modification, le projet de décret du comité.)

M. de Montesquiou, au nom du comité des finances, fait un rapport sur les besoins du Trésor public et s'exprime ainsi :

Messieurs,

Vous avez décrété, le 17 avri), qu'à la fin de chaque trimestre le Trésor public rendrait compte des recettes qu'il aurait faites dans les trois mois précédents, et qu'au cas où elles auraient été inférieures à la somme décrétée pour être employée aux dépenses publiques, l'Assemblée pourvoirait à remplacer au Trésor le déficit qui se serait trouvé dans la recette. Cette disposition d'ordre vous a paru importante: 1° pour que le service public n'éprouve jamais de suspension; 2° pour que l'état effectif des recettes fut constaté souvent, et que les retards des contribuables, ou la négligence des administrateurs, bien connue, déterminassent aux mesures convenables pour les faire cesser.

Vous aviez jugé que le fonds de caisse de 36 millions qui existait au 1er janvier de cette année, et que ces dispositions conservaient dans son intégrité, devait suffire pour entretenir l'abondance au Trésor national et suppléer au vide momentané de quelques recettes. Nous n'insistâmes peut-être pas assez alors sur l'observation que nous fimes que les impôts indirects des douanes, des patentes, du timbre et de l'enregistrement ne faisaient que naître, qu'on s'était prémuni pour quelque temps contre ces deux derniers en pressant, dans le mois qui les a précédés, l'expédition d'une foule de transactions, et que le début de tous les établissements de ce genre éprouvait toujours une sorte de langueur. Nous avions pensé d'ailleurs que les impositions directes seraient beaucoup plus tôt réparties entre les départements, que les rôles seraient incessamment faits, mis en recouvrement et les recettes généralement établies. Vous savez à quel point nous sommes éloignés encore de cette heureuse position, et vous comprenez qu'avant tous les préliminaires dont je viens de parler, Vous ne pouvez compter sur les nouvelles perceptions; dès lors, le fonds de caisse du Trésor public ne peut pas, sans autre secours, fournir pendant trois mois aux dépenses que vous avez décrétées.

La recette d'avril qui aurait dû monter à 48,558,333 livres, somme des dépenses de chaque mois, suivant le décret du 19 février, si vos nouveaux revenus étaient en recette, ne s'est élevée qu'à 24,295,928 livres; ainsi le déficit d'avril est de 24,262,405 livres.

La recette de mai sera vraisemblablement inférieure encore à celle du mois précédent. Les deux premières semaines, dont le compte a passé sous nos yeux, nous le font présumer.

Dans cet état de choses, le comité des finances a pensé que vous ne pouviez assurer le service du Trésor public qu'en lui faisant rendre compte mois par mois, au lieu de quartier par quartier, de ses recettes, et en lui restituant mois par mois la somme de son déficit.

Le jour où, ayant établi des revenus égaux à vos dépenses, ces revenus rentreront régulièrement, où vous n'aurez plus à vous occuper de ces fâcheuses comparaisons, vous jouirez alors de la prospérité générale, fruit d'une juste confiance et du rétablissement entier de l'ordre dans les finances; votre comité ne peut trop fixer l'attention de l'Assemblée sur cet important objet.

Les détracteurs des opérations de l'Assemblée

nationale et des travaux de ses comités voudraient bien tirer avantage de ces avis répétés que le zèle nous commande. En faveur de nos alarmes, ils nous pardonnent notre vigilance; ils affectent de publier qu'exercés à vous présenter des tableaux flatteurs, il faut que tout soit désespéré, puisque nous vous avertissons de quelque danger. La manière dont nous avons rempli ce devoir n'est, disent-ils, qu'une rétractation forcée des comptes satisfaisants que plus d'une fois nous vous avons rendus.

Certes, nous sommes loin d'avoir à nous rétracter; nous le déclarons solennellement. Lorque, par l'effet d'une sage hardiesse et d'un courage soutenu, vous avez adopté et suivi un plan régénérateur, mais immense, que mille intérêts particuliers devaient combattre, nous n'avons jamais pensé, nous n'avons jamais dit que vous arriveriez au terme sans avoir, ou des pièges à éviter, ou des résistances à vaincre. Placés par vous en sentinelle, vous avertir est notre devoir et nous le remplirons toujours; votre sagesse fera le reste. Dojà vous venez de prendre un parti décisif, un parti qui vous assure le rétablissement prochain de la circulation. Quelques jours encore, et vous aurez mis la dernière main au grand travail des contributions publiques, à la consolidation des revenus de I'Etat.

De grands sacrifices auront marqué, sans doute, la transition de l'ordre ancien à un système neuf et complet d'impositions. Ils étaient inévitables, mais vous n'en remplirez pas moins l'engagement, que vous avez pris, d'acquitter toute la dette non constituée. Ainsi elles seront encore trompées, les espérances de ceux qui jouissent des moments d'embarras et d'inquiétudes inséparables de la plus étonnante révolution. Puissent-ils avoir bientôt à se consoler du bonheur public, à y participer eux-mêmes, et vous faire recueillir ce dernier prix de vos travaux !

Voici le décret que je suis chargé de vous présenter:

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit :

Art. 1°r.

Avant le 15 de chaque mois, l'ordonnateur du Trésor public rendra compte, à l'Assemblée, des recettes effectives du mois précédent; et ce qui pourrait manquer auxdites recettes pour compléter la somme de 48,558,333 livres, montant de la dépense de chaque mois, conformément au décret du 18 février dernier, sera versé au Trésor public par la caisse de l'extraordinaire. Art. 2.

La recette du mois d'avril n'ayant monté qu'à la somme de 24,295,928 livres, la caisse de l'extraordinaire versera au Trésor public celle de 24,262,405 livres. »

(Ce décret est adopté.)

M. Bonnegens, qui avait obtenu un congé d'un mois, en remet l'expédition sur le bureau et déclare qu'il n'en fera pas usage.

M. Defermon, au nom du comité des contributions publiques. Il y a déjà quelque temps, Messieurs, qu'on vous a proposé, au nom du comité des contributions publiques, un projet de décret tendant à abolir les procès pour fraudes et contraventions entre les anciennes compagnies des fermes la régie générale et les citoyens.

Ce projet de décret est une conséquence nécessaire de l'abolition des fermes et de la régie générale; le voici :

«L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des contributions publiques, décrète ce qui suit :

« Art. 1or. Les procès pour fraude ou contravention relative aux droits ci-devant perçus par la régie générale, la ferme générale et les fermes et régies particulières des ci-devant pays d'Etats et villes qui levaient les impôts à leur profit sont annulés, sans que les parties puissent rien répéter les unes envers les autres.

« Art. 2. Les soumissions faites auxdites fermes et régies par les négociants, marchands et autres, de rapporter des décharges d'acquits-àcaution et asseports relatifs aux droits supprimés sont annulées.

«Art. 3. Quant aux procès indécis entre les fermes et régies et les redevables, pour tout autre objet que fraude, contravention ou rapport des décharges et certificats d'acquits-à-caution, les demandeurs fourniront tous les moyens et piè ces, les déposeront au greffe avant le 1er juillet, et de même les défendeurs avant le 1" août prochains; les juges seront tenus, à peine de tous dommages et intérêts, de juger dans les deux mois suivants et ne pourront avoir égard à ce qui n'aura pas été produit dans les délais prescrits.

« Art. 4. A défaut par les deux parties de remplir les dispositions précédentes, les procès seront annulés de droit et sans qu'il soit besoin de jugement; à défaut par les demandeurs d'exécuter ce qui les concerne, ils seront de droit déchus de leurs demandes; et, à défaut d'exécution de la part des défendeurs, les juges prononceront sur les seules pièces des demandeurs.

Art. 5. Les promesses ou obligations de pension qui auraient été contractées pour cause de démission d'emploi des anciennes fermes et régies sont annulées, sauf à ceux au profit desquels elles auraient été faites, du consentement de leurs supérieurs et à titre de retraite, à présenter leur mémoire au comité des pensions, pour en être fait le rapport à l'Assemblée.

« Art. 6. Les baux à loyer fails au nom des anciennes formes et régies par les directeurs et employés supprimés pour les magasins et bureaux établis dans le royaume, demeureront résiliés à compter du 1er janvier 1792. »

M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Je demande que dans les articles 1 et 3, après le mot: procès, on ajoute ceux-ci pendants avec contestation en cause.

Un membre propose, par amendement, que non seulement les procès, mais encore les jugements rendus en dernier ressort sur fraude ou contravention relative aux droits ci-devant perçus par la régie générale soient anéantis.

Un membre demande que cette dernière proposition soit réduite aux jugements non rendus en dernier ressort, et qui n'ont pas acquis la force de la chose jugée.

Un membre propose, par amendement, que les amendes ou sommes consignées, ainsi que les marchandises saisies à raison de ces fraudes ou contraventions, depuis le 1er mai 1790, et dont la restitution serait demandée avant le 1" jan

vier 1792, ou le prix provenu de la vente desdites marchandises en justice soient remis entre les mains des parties.

M. Defermon, rapporteur, adopte le 1er, le 3e et le 4° amendement et propose, en conséquence, à la délibération, la rédaction suivante :

L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
Art. 1er.

« Les procès pendants avec contestation en cause, même les jugements sujets à l'appel, et non passés en force de chose jugée, pour fraude ou contravention relative aux droits ci-devant perçus par la régie générale, la ferme générale et les fermes et régies particulières des ci-devant pays d'Etats et villes qui levaient des impôts à leur profit, sont annulés, sans que les parties puissent rien répéter les unes envers les autres; seront seulement restituées les amendes consignées et les effets saisis ou le prix de la vente qui en aurait été faite, à compter seulement depuis le 1er mai 1790, pourvu que les réclamations en soient faites avant le 1er janvier 1792. » (Adopté.)

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« Quant aux procès pendants avec contestation en cause entre les fermes et régies et les redevables, pour tout autre objet que fraude, contravention ou rapports des décharges et certificats d'acquits-à-caution, les demandeurs fourniront tous les moyens et pièces, les déposeront au greffe avant le 1er juillet, et de même les défendeurs avant le 1er août prochains; les juges seront tenus, à peine de tous dommages et intérêts, de juger dans les trois mois suivants, et ne pourront avoir égard à ce qui n'aura pas été produit dans les délais prescrits. (Adopté.)

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M. Démeunier. Je demande l'ajournement des articles 5 et 6 et que M. le rapporteur nous donne demain les dispositions plus explicatives que celles qu'ils contiennent.

(L'ajournement des articles 5 et 6 est décrété.)

M. le Président. J'ai reçu une adresse des maire et officiers municipaux de la ville d'Avignon qui supplient l'Assemblée de porter le plus tôt possible une décision définitive sur le sort de cette ville.

L'assemblée veut-elle en entendre la lecture?... (Oui! oui !).

Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue:

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Avignon, le 16 mai 1791.

"Augustes représentants,

« L'état affreux où nous sommes réduits nous force de vous adresser de nouveau nos réclamations et nos vœux. Hélas! nous nous flattions qu'une main secourable allait nous être tendue; nous espérions que vous étiez sur le point de mettre fin à nos malheurs. Cependant la discussion de notre affaire est interrompue et renvoyée. Nous respectons, Messieurs, tout ce que votre sagesse pourra vous dicter à notre égard; nous ne prétendons pas pénétrer les motifs qui ont pu retarder l'émission du décret que tous les départements désirent et attendent avec impatience.

Mais il est de notre devoir, il nous est impérieusement commandé par l'intérêt de nos concitoyens qui nous est confié, de vous représenter que l'anarchie est à son comble, que nous sommes à la dernière période de nos forces, que toutes nos facultés sont usées, que tous nos moyens sont épuisés, que le tombeau est ouvert devant nous, et que nous y sommes tous entraînés, si votre justice, si votre protection, si votre humanité ne volent à notre secours, et ne nous arrachent au sort affreux qui nous menace.

Illustres défenseurs des droits des nations, amis vrais de l'humanité, le peuple avignonais attend au plus tôt la fixation de son sort, et vous conjure de ne plus la diférer. Le vœu de ce peuple pour être réuni à vous est bien réel, bien authentique, bien constaté: daignez au moins prononcer sans délai sur ce vou. Si vous craignez que celui des Comtadins ne soit pas aussi bien caractérisé, hâtez-vous de faire cesser les horreurs qui nous environnent et auxquelles nous déclarous solennement, devant l'auteur de notre existence et devant vous, que nous n'avons jamais pris aucune part.

Rien n'égale l'excès de nos maux!... Mais les grandes douleurs ne s'expriment pas longuement. Le tableau de nos calamités vous ferait frémir; et dans l'état affreux où nous sommes, nous ne pouvons que sentir et nous plaindre. Ne nous laissez pas mourir, au nom de la nation auguste que vous représentez, et de laquelle nous avons été cruellement séparés. Ne permettez pas qu'un bon peuple périsse, pour avoir voulu vivre sous vos lois,

« Nous avons l'honneur d'être, avec respect, augustes représentants, vos très humbles et très obéissants serviteurs.

Signé Les maire et officiers municipaux de la ville d'Avignon,

M. Rabaud - Saint-Etienne. Je ne demande la parole que pour annoncer à l'Assemblée que M. de Menou fera son rapport demain sur cette question.

M. Boissy-d'Anglas. J'ai vu hier entre les mains d'un de mes collègues une lettre du département de la Dôme, écrite d'un village voisin du Comtat; elle fait frémir. Des brigands de je ne sais quel parti sont sortis des terres du Comtat et se sont portés à main armée dans le département de la Drôme : ils ont attaqué plusieurs villages, incendié plusieurs maisons, pillé plusieurs hab tations. Rien n'est plus affreux que les nouvelles qui sont parvenues.

Je demande, Messieurs, que l'Assemblée veuille bien prendre un parti défiuitif sur cette affaire... (Tout de suite!)

123 mai 1791.]

M. Rewbell, Je ne sais pas comment l'Assemblée peut rester en stagnation sur des malheurs comme ceux-là, qui font frémir l'humanité; elle se déshonorerait, si elle le faisait. Le rapport d'Avignon est prêt; je demande que dès demain la question soit décidée sans désemparer. (Applaudissements dans les tribunes.)

(L'Assemblé décrète que le rapport sur l'affaire d'Avignon sera mis à l'ordre du jour de la séance de demain au matin.)

M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, au nom des comités de Constitution et de législation cri. minelle, donne lecture de la suite du rapport sur le projet du Code pénal, commencé dans la séance d'hier (1).

(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution de ce rapport.)

M. l'abbé Maury. Monsieur le Président, j'ai appris qu'au commencement de la séance, on a décidé, d'après une lettre dont on vous a donné connaissance, que l'affaire d'Avignon serait mise à l'ordre du jour de demain.

J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée, premièrement, que les membres des comités diplomatique et d'Avignon, qui se sont présentés pour prendre part à cette discussion préparatoire, n'ont trouvé qu'une seule personne au comité. J'observerai en second lieu que, puisque c'est la ville d'Avignon qui attaque Carpentras, il ne serait peut-être pas raisonnable de faire valoir, en faveur de la ville d'Avignon, des motifs de pitié, puisque tous les désordres sont volontairement causés par des Avignonais.

J'observerai ensuite, Messieurs, qu'il est bien extraordinaire que, lorsqu'une cause a été discutée trois fois dans cette Assemblée, lorsqu'on n'allègue aucun nouveau titre, aucune nouvelle mesure à prendre, on dérobe à la nation les séances les plus précieuses où les plus grands intérêts de la Constitution appellent toute notre attention.

Je ne sais ce qu'on se propose de nous apprendre demain. Si ce sont des horreurs nouvelles que l'on veut nous rappeler de la part des Avignonais, nous en sommes instruits; mais c'est un scandale qu'il faut épargner à cette Assemblée.

Sans mission, sans autorisation, sans aucun motif de ressentiment, cette ville exerce les vexations les plus execrables dans le Comtat. Ce n'est certainement pas lorsque Avignon nous donne un exemple inoui dans l'histoire des peuples policés, ce n'est pas lorsqu'il combat les citoyens à main armée; ce n'est pas, dis-je, dans une pareille circonstance que ceite ville doit renouveler, pour la quatrième fois, une pétition qui a été déjà si sagement repoussée par l'Assemblée. Elle ne peut demander aucun secours; c'est à elle à avoir pitié de la province qu'elle dévaste.

Je demande donc que nos moments soient consacrés aux intérêts de la nation et que l'ajournement déjà prononcé avec tant de prudence dans la cause d'Avignon, soit encore prononcé de nouveau; je supplie, en conséquence, l'Assemblée de vouloir bien retirer cette question de l'ordre du jour de demain.

M. Rewbell, Je dirai au préopinant que s'il

(1) Voyez ci-après ce document aux annexes de la seance, page 319.

avait été ici au commencement de la séance, il aurait appris que le mal s'est étendu jusque dans nos départements; que le meurtre et l'incendie y ont fait leur apparition. Il est donc inoui de prétendre que nous ne devons pas nous y opposer; il est inoui qu'on veuille ajourner la question de savoir si l'on mettra à l'ordre du jour de demain le rétablissement de l'ordre... (Applaudissements dans les tribunes.)

M. l'abbé Maury. Je demande si les assassins d'Avignon sont complices des applaudissements que j'entends.

M. Rewbell, Je pense donc, Messieurs, que vous deviez révoquer votre décret. Ceux qui prennent le parti de Carpentras, quand ils ont eu peur pour Carpentras, ont assez longtemps fatigué l'Assemblée nationale pour qu'on prît des mesures et qu'on lui accordât des secours. Pourquoi n'en veulent-ils plus maintenant? Aujour d'hui que nos départements sont en péril, ils réclament l'ajournement: je demande si c'est là Ia conduite que l'on doit tenir dans l'Assemblée.

Je vous demande donc, Messieurs, par ces motifs, que l'ordre du jour reste fixé comme vous l'avez décidé. (Applaudissements.)

M. l'abbé Maury. Je dois prévenir l'Assemblée que M. Rewbell vient d'avancer un fait faux, en disant que la guerre civile..... (Murmures et interruptions.)

Voix nombreuses : L'ordre du jour!

(L'Assemblée consultée rejette par l'ordre du jour la motion de M. l'abbé Maury.)

M. Riberolles de Martinanges, qui avait obtenu un congé d'un mois, annonce son retour à l'Assemblée.

M. Bureaux de Pusy, au nom du comité militaire. Messieurs, votre comité militaire m'a chargé de vous faire un rapport et de vous proposer un projet de décret sur les places de guerre et les postes militaires; ce rapport est très instant. Je demande à l'Assemblée la permission de le lui faire immédiatement.

(M. Démeunier demande la parole.)

M. Démeunier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, j'ai demandé la parole pour vous prier de continuer aujourd'hui même la discussion des articles sur l'organisation du Corps législatif et håter le moment où pourra se faire la convocation de la législature. (Applaudissements.) Le comité de Constitution peut, dans deux ou trois jours, faire son rapport définitif sur les bases qui restent à poser pour cette convocation et il est important de hâter ce moment; aussi y a-til intérêt à achever de décréter le complément du Corps législatif.

Nous avons examiné le projet de M. Buzot; et nous sommes tous d'accord que, quand le comité présentera le tableau des décrets constitutionnels, il faudra s'occuper de dispositions propres à arrêter l'impétuosité des délibérations. Mais nous avons pensé, et M. Buzot lui-même en est convenu, que son projet était insuffisant.

Nous avons donc pensé que le décret qu'il vous est présenté par votre comité devrait, sauf les amendements que vous pourrez y faire dans la discussion, être adopté à peu près tel qui'l vous a été proposé; si, à la fin de vos travaux, il paralt qu'il soit nécessaire d'ajouter de nouvelles

dispositions, nous vous les présenterons. Mais, dans ce moment-ci, ce qui est plus instant, c'est de continuer à discuter le plan du comité, et de poser ainsi les bases élémentaires de la Constitution; lorsque vous l'aurez décrété, votre serment se trouvera rempli dans toute son étendue.

Le comité de Constitution est, comme je vous l'ai dit, prêt à faire son rapport. Vous pourrez, aussitôt que vous l'aurez entendu, déterminer lé jour où la législature viendra vous remplacer. (Applaudissements.)

Je conclus donc à ce qu'on mette en discussion la suite des articles du comité tels qu'ils vous ont été présentés; le comité de Constitution attendra ensuite les ordres de l'Assemblée pour faire le rapport sur la convocation de la nouvelle législature (Applaudissements.)

(L'Assemblée ajourne à demain soir le rapport du comité militaire sur les places de guerre et postes militaires.)

L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur l'organisation du Corps législatif (1).

M. Thouret, rapporteur. Messieurs, vous aviez renvoyé à votre séance d'aujourd'hui la discussion du projet de décret de M. Buzot ayant pour objet de faire décréter que les législatures prochaines pourront se séparer en deux sections pour discuter les projets de loi soumis à leur délibération. D'après les observations qui viennent de vous être présentées par M. Démeunier, nous vous proposons de renvoyer cette discussion à l'instant où les comités de revision et de Constitution présenteraient leur travail sur la distinction des décrets constitutionnels et réglementaires.

(Cet ajournement est décrété.)

M. Thouret, rapporteur. Nous passons en conséquence à la suite des articles du projet du comité :

Art. 48.

« Aucun rapport d'un comité, et aucune motion proposée par un des membres de la législature, ne pourront être délibérés et décrétés que dans la forme suivante.» (Adopté.)

Art. 49. Après la première lecture qui aura été faite du rapport ou de la motion, le président sera tenu de mettre en délibération, et le Corps législatif devra décider si le projet de décret proposé doit être rejeté ou s'il doit être soumis à la discussion. »

M. Le Chapelier. Je demande que la lecture et la discussion ne puissent avoir lieu qu'après l'impression et la distribution de la motion et du rapport.

Un membre: Je propose, au lieu des mots : « le Corps législatif devra décider... » de mettre : «le Corps législatif devra délibérer... ».

M. Thouret, rapporteur. J'adopte ces amende ments; voici l'article modifié ;

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