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de pitié au nom de Dieu; l'enfance même se fait un jeu du blasphème, et des athées de quinze ans rêvent la révolution du monde entier.

On cherche à se tranquilliser en disant que le peuple est désormais trop fatigué d'agitations pour provoquer des agitations nouvelles; mais, avec les doctrines dont on le nourrit, on est aussi bientôt fatigué de l'obéissance. Au reste, quand le peuple est trop apathique pour faire une révolution, il la laisse faire; et tout ce qu'on pourroit alors se promettre de sa lassitude, c'est qu'il resteroit oisif spectateur d'un changement de scène.

Mais quoi! le mal est-il sans remède? Devons-nous, dans une terreur muette, abandonner le combat, comme des guerriers qui s'asseyent les bras croisés sur des tombeaux? Faut-il ensevelir enfin, avec l'espérance, la voix même de la vérité ? Non, elle ne se taira jamais; et tant qu'elle se fera entendre, nous conserverons aussi l'espérance, sa compagne éternelle. La société possède encore dans son sein la parole de salut, qui la fit renaître autrefois, lorsqu'elle étoit prête à tomber en dissolution. Sans cette parole vivifiante, les gouvernements pourront tout au plus retarder de quelques instants la putréfaction qui commence déjà peut-être : avec cette parole, doués de sa toute-puissance, ils pourroient ranimer le cadavre. Qu'ils l'annoncent d'en haut à leurs peuples; qu'ils s'arment pour sa défense; surtout qu'ils ne tremblent pas devant ses ennemis, et la société est sauvée. En sera-t-il ainsi ? Peut-être.

X.

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Harmonie der morgentændischen und abendlændischen Kirche. Ein Entwurf zur Vereinigung beider Kirchen, von Herrmann Joseph Schmitt; mit einer Vorrede von Friedrich von SCHLEGEL. Wien, 1824. Conformité de foi entre l'église d'Orient et celle d'Occident; essai sur la réunion des deux églises, par Herrmann Joseph SCHMITT, avec un avant-propos de Frédéric de SCHLEGEL, Vienne, 1824.

«Tout annonce que nous marchons vers une grande unité, » que nous devons saluer de loin, » disoit, il y a quelques années, un écrivain célèbre, dont la religion et les lettres regrettent également la perte. « Nous sommes douloureusement et bien jus>>tement broyés; mais si de misérables yeux tels que les miens » sont dignes d'entrevoir les secrets divins, nous ne sommes »broyés que pour être mêlés (1). » Paroles singulièrement remarquables, et que justifie chaque jour la marche des événements qui se pressent autour de nous avec une incroyable rapidité. M. de Maistre avoit été témoin de notre révolution, et de cette longue guerre qui embrasa l'Europe d'une extrémité à l'autre ; il avoit vu le clergé français réfugié chez les nations voisines pour échapper aux fureurs de l'impiété et de l'anarchie; et les desseins profonds de la Providence, qui permettoit ces grands bouleversements, n'échappèrent point à son génie observatcur ur. Il sut prévoir que des intérêts communs s'établiroient bientôt entre des peuples oppressés par de communes infortunes, et que les biens comme les maux politiques cesseroient, pour ainsi parler, d'être personnels à chacun des différents états de l'Europe. Il vit surtout se développer dans l'avenir ce germe de foi catholique déposé par ses généreux confesseurs dans les contrées du schisme et de l'hérésie, et

(1) M. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg.

avant de descendre dans le tombeau, il salua l'aurore du jour où s'accomplira dans toute son étendue cette parole de la vérité même: Il n'y aura qu'un pasteur et qu'un troupeau.

Depuis lors, quelle foule d'autres motifs n'avons-nous pas d'espérer que nous touchons au terme si désiré de cette réunion de la grande famille chrétienne! De nouveaux liens politiques viennent de resserrer l'alliance des souverains et des peuples fidèles; les efforts du génie malfaisant des révolutions ont été comprimés; un grand principe demeure consacré ; il a été fait un pas immense vers l'unité. Les derniers événements ont montré au monde l'Europe comme un seul corps de nation dont toutes les parties se soutiennent et se protègent mutuellement. Tandis qu'une vaillante armée voloit en Espagne au secours de la monarchie captive, jusque sur les bords de la Néva on faisoit des vœux pour le succès de nos armes; partout on applaudissoit aux victoires de nos guerriers, qui n'étoient allés conquérir que la paix et la gloire. Pourquoi cette restauration derneureroit-elle imparfaite ? pourquoi ce concert unanime des rois aboutiroit-il seulement à fournir des garanties extérieures au maintien de l'ordre et de la prospérité des états ? Après les grandes et terribles leçons que la Providence a données à ces maîtres de la terre, qui les empêche désormais de comprendre que toute leur puissance défendroit en vain ce que Dieu ne protégeroit pas, et que la société ébranlée ne peut être raffermie que sur les bases éternelles de la foi et de la religion ? S'ils le comprennent efficacement, notre siècle est à la veille de voir encore des prodiges dont ceux que nous avons admirés ne furent que l'annonce; l'église catholique n'aura tant souffert à cette dernière époque que pour enfanter un peuple nouveau, et le sang de ses martyrs sera une semence de, chrétiens ramenés à son inviolable unité.

Sans ce retour à l'antique foi, qui a déjà sauvé le monde de la corruption du paganisme et de l'invasion des barbares, nous

marcherions long-temps encore sur des feux mal éteints ; l'incendie se rallumeroit tôt ou tard sous nos pas. La raison en est évidente; c'est que le repos à venir de la société ne sera garanti que par la puissance des doctrines qui réunissent et qui fixent les esprits dans une même croyance. Point de force ni de durée sans union, point de salut politique par conséquent dans les langueurs du schisme, encore moins dans les variations perpétuelles de l'hérésie : car, ou les gouvernements attacheront quelque importance aux doctrines religieuses, et la paix deviendra impossible au milieu de tant de divisions; ou ils tomberont dans une indifférence monstrueuse qui ruinera le christianisme parmi nous, et privera l'Europe de ses bienfaits.

Certains hommes qui se disent ministres de l'évangile font, comme nous, des vœux pour arriver à l'unité religieuse parmi les peuples; mais, certes, și le but apparent est le même, les moyens ne se ressemblent guère. C'est à force de concessions mutuelles qu'ils veulent acheter la paix, et comme à leurs yeux la morale est uniquement nécessaire, ils sont d'avis, pour tout concilier, de sacrifier les différents dogmes; il n'y a pas même jusqu'au dogme fondamental de la divinité de Jésus-Christ qu'ils ne consentent à ranger au nombre des opinions qui ont vieilli, et des doctrines surannées (1). A coup sûr, si cet avis prévaloit dans le monde chrétien, on seroit bientôt d'accord; et pour peu que la paix y fût ensuite troublée entre les déistes et les athées, on pourroit au besoin reléguer Dieu lui-même au rang des vieilleries dont il ne doit plus être question entre gens qui veulent fraterniser. Quelle seroit alors, je le demande, la morale des peuples ainsi débarrassés des doctrines suran

(1) Il n'y a pas long-temps qu'un des ministres de Genève, pour n'avoir pas voulu renoncer à ces doctrines surannées, a été obligé de transporter sa chaire dans un jardin potager. Les portes des temples lui ont été fermées, et il a été pieusement voué au ridicule et au mépris, sous la dénomination de chef des Momiers.

nées, et que résulteroit-il de cette merveilleuse unité d'irréligion? Nous ne pouvons avoir une juste idée de la grandeur de ce mal, dont les conséquences n'ont point encore épouvanté l'univers; mais ce qu'il y a de certain, c'est que le triomphe complet des défenseurs exclusifs de la morale anéantiroit toute religion et toute morale ; leur voie d'accommodement n'est pas moins étrange que celle de l'arbitre qui proposeroit de livrer aux flammes un héritage dont une famille se disputeroit la possession.

Disons-le donc, et le répétons sans cesse à une époque où l'on veut rasseoir la société sur des bases légitimes et durables: c'est le dogme qui soutient la morale, et c'est l'unité qui conserve le dogme: en l'unité est la vie; hors de l'unité est la mort certaine. Le dogme est à la morale ce que la sanction est aux lois. Tout l'ordre religieux repose, comme l'ordre social, sur la certitude des promesses et des menaces, sur la crainte et sur l'espérance. C'est donc vers l'unité, et non vers la nullité des dogmes que doivent tendre les efforts de tous ceux qui n'ont pas follement juré la ruine du christianisme. Qu'ils n'oublient pas néanmoins que leurs efforts seront vains pour réunir ce qui est divisé, tant qu'ils conserveront à l'orgueil l'empire que JésusChrist est venu lui ôter en fondant son église. Au milieu d'un monde livré à la corruption et partagé en une infinité de croyances, que fit le Sauveur pour former un peuple nouveau qui adorât dans l'unité de l'esprit et du cœur? se borna-t-il à prêcher une morale sublime? Non, mais il révéla les dogmes qui devoient appuyer cette morale, il annonça même que quiconque ne croiroit pas seroit condamné. Pour ôter toute excuse à l'erreur, il établit sur la terre une autorité qui devoit seule désormais enseigner toutes les nations; autorité infaillible dans sa doctrine, parceque l'assistance divine lui est promise jusqu'à la fin des siècles, parcequ'elle ne peut rien ajouter au dépôt de la foi qui lui a été confié, ni rien en retrancher; autorité qui seule par conséquent peut maintenir l'unité dans l'église chré

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