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gard de nos frères dans les pays où le protestantisme domine! Mais un pareil silence seroit criminel, et nous trahirions les intérêts de la justice; il est temps enfin que les hypocrites de la tolérance soient complètement démasqués: heureusement pour nous, ils semblent travailler eux-mêmes à désabuser notre siècle sur leur compte; ils nous fournissent pour les attaquer et les confondre la preuve la moins équivoque de toutes, celle des faits.

N'allons pas rechercher ce qui se passa dès l'origine de la prétendue réforme, lorsque Calvin faisoit brûler à Genève Michel Servet, et que Luther disoit, à peu près dans le même sens que Voltaire : « J'attends que je sois suivi de vingt mille > hommes de pied et de cinq mille chevaux, alors je me ferai » croire (1). » Parlons de ce qui se passe de nos jours, dans le dix-neuvième siècle, au sein même de la métropole du calvinisme.

Une lettre intéressante qui vient de paroître (2) nous donne la mesure de la sincère tolérance de MM. les ministres du saint évangile à Genève; nous invitons nos écrivains libéraux à lire cette lettre, et à nous dire ce qu'ils pensent de la conduite de la vénérable compagnie.

Voici quelques uns des principaux traits de tolérance rapportés dans l'écrit de M. Nachon, qui habite à quelques lieues de Genève.

Quoique, en vertu du concordat de 1801, le conseil municipal de Genève dût-céder un édifice pour l'exercice de la religion catholique, l'évêque diocésain eut à soutenir une lutte de plus de dix-huit mois, et le curé qu'il avoit nommé ne put commencer ses fonctions dans une église qu'en octobre 1803. Jusqu'à cette époque, on refusa même un coin de terre pour la sé

(1) Adv. exercit. Antich.

(2) Lettre de M. Nachon, sur la tolérance de Genève; à Paris, chez Méquignon junior, rue des Grands-Augustins, n° 9.

pulture des catholiques, et les familles étoient obligées de faire porter leurs morts dans des paroisses voisines.

En 1813, M. le curé avoit fait toutes les avances nécessaires pour l'établissement de trois frères de la doctrine chrétienne, destinés à l'instruction gratuite des enfants catholiques, ils ne purent séjourner à Genève que 48 heures; la présence de ces pauvres et humbles ignorantins mit toute la ville en agitation; le maire dit au préfet qu'il ne répondoit plus de la tranquillité publique si les frères restoient.

Depuis 1814, vingt paroisses catholiques, détachées de la France et de la Savoie, sont réunies à l'ancien territoire de Genève, qui forme actuellement un canton mixte. Les intérêts de cette nouvelle population furent stipulés par les traités de Vienne et de Turin; or leur a assuré la jouissance de tous leurs droits politiques et religieux. Mais comment ces traités sontils observés ? Chaque jour, dans des pamphlets incendiaires, les ministres du saint évangile attaquent par les injures les plus grossières le culte catholique et ses ministres. Dans un catéchisme imprimé il y a deux ans, ils n'ont pas eu honte de renouveler contre l'église romaine le reproche suranné d'idolátrie, et toutes les vieilles calomnies de l'ignorance et de la mauvaise foi de leurs devanciers. Ce catéchisme protestant s'enseigne dans les classes du collége, où jusqu'ici aucun prêtrê u'a été appelé pour l'instruction des jeunes catholiques qui le fréquentent.

Le conseil ne tient nullement compte des ordonnances de l'évêque, relatives au mariage des catholiques, et il soumet à une amende pécuniaire les curés qui publieront en chaire le mandement de leur évêque.

Tel est le sort de ces infortunés catholiques, réunis depuis dix ans au canton de Genève ; ils sont traités comme un peuple conquis par la puissance des baïonnettes; ils n'ont pas

même droit à l'hôpital du chef-lieu, exclusivement réservé pour les Genevois de l'ancien territoire.

Dans cet état de persécution, qu'il est beau d'entendre les pasteurs catholiques réclamer les droits de la justice qui leur est due, avec le langage véritable de la charité chrétienne!

Voici comment ils s'expriment dans leurs réclamations aux syndics et conseillers d'état du canton de Genève :

" Tranquilles sur tout ce qui regarde la religion et les fonc»>tions de notre ministère, nous ne négligerons aucun des >>moyens qui dépendent de nous pour seconder les vues pater»nelles de vos seigneuries, et vous donner des témoignages de » notre zèle pour la prospérité et le bonheur du canton dont nos paroisses sont destinées à faire partie..... L'on ne peut espé»rer de voir régner une union franche et durable entre des » hommes séparés par la diversité de caractère, de nation, de » religion, qu'autant qu'elle prendra sa source dans une estime » et une confiance réciproques. Cette estime et cette confiance » ne peuvent naître dans les cœurs, tandis que la population catholique du canton se trouvera blessée et froissée dans ses >> sentiments les plus respectables et les plus chers à son cœur....... >> Très honorés seigneurs, daignez vous faire présenter les » livres élémentaires d'instruction à l'usage des catholiques, et >> non seulement vous n'y trouverez aucune phrase, aucun mot » qui calomnie nos frères séparés, mais vous n'y lirez pas même »les noms de protestants, de luthériens, de calvinistes: »pourquoi donc, dans les livres d'instruction publique autorisés dans votre cité, cette affectation à signaler, à offenser, et »à calomnier l'église catholique dans ses dogmes, dans son » culte et dans son gouvernement ?..............

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» La politique de Genève, plus conforme aux principes de la tolérance civile et aux devoirs de la charité chrétienne, doit abattre ce mur de séparation, et faire dis» paroître pour toujours ce ferment de discussion, de haine

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» et de discorde, entre des hommes appelés à ne former qu'une D même famille....»

Puissions-nous le voir réalisé, le vœu sincère de ces dignes ministres de Jésus-Christ! puissent-ils obtenir enfin le libre exercice de leurs fonctions sacrées! Mais si le vice ne toléra jamais la vertu, dont la vue scule l'importune, peut-on espérer que l'erreur tolère la vérité? La charité, sans laquelle il ne peut y avoir de véritable tolérance, émane, dit l'Apôtre, d'un cœur pur, d'une bonne conscience, et d'une foi sincère. Pour tolérer il faut donc être calme, il faut que la présence de la personne ou de l'objet que l'on tolère ne trouble ni la paix du cœur ni celle de l'esprit; autrement la tolérance ne repose que sur des intérêts politiques, que L'on sacrifie tôt ou tard au ressentiment et à la haine. Or, s'il en est ainsi, la tolérance religieuse peut-elle exister ailleurs que dans l'église catholique? N'est-ce pas seulement dans le sein de cette église, qui ne s'est séparée d'aucune autre, que le fidèle, resté en communion avec tous les siècles, vit sans inquiétudes sur la vérité de ses croyances? Qui d'entre nous éprouva jamais le besoin de calmer les agitations de sa conscience à la vue d'un temple calviniste sans autel et sans sacrifice? Quel autre sentiment que celui d'une douleur profonde vient assiéger notre âme quand nous rencontrons ceux qui entretiennent un schisme déplorable dans l'église de JésusChrist? Oseroient-ils en dire autant de leur côté, ces hommes si prodigues, contre nous, d'injures et de calomnies? et à ne juger les ministres de Genève que par la fureur et l'emportement qui signalent leurs écrits, ou plutôt leurs diatribes, ne seroit-on pas tenté de croire qu'ils ont plus d'un remords à étouffer? Pourquoi cette obstination à désigner nos églises comme des temples d'idoles? s'ils sont de bonne foi, pourquoi tant d'aigreur? pourquoi ces regards furieux lancés sur le lieu saint? ne diroit-on pas que chacune des pierres de l'é

glise de St.-Germain, rendue sous leurs yeux à son culte primitif, leur reproche l'apostasie dans laquelle ils vivent? Est-ce donc pour eux un besoin irrésistible de flétrir sans cesse ces catholiques dont le crime est d'avoir conservé la religion de leurs ancêtres ?. ...... Ils fournissent, sans le vouloir, par ces injustes persécutions un caractère de plus à la vérité catholique. Jésus-Christ, en voyant ses apôtres prêcher l'Évangile, leur prédit qu'ils seront haïs de tous les hommes à cause de son nom; et, depuis l'établissement du christianisme, l'église catholique seule a recueilli cet héritage de haine que le Sauveur a légué aux siens sur la terre. On vit dans les premiers siècles les ariens s'unir aux juifs et aux païens pour persécuter les catholiques: de nos jours l'impiété armée contre Dieu et contre son Christ n'a fait tomber sous ses coups que les prêtres catholiques. Si l'hérésie, en prêchant la tolérance, ouvre les bras au philosophisme et au déisme, si elle fraternise même avec la synagogue, nous sommes les seuls qui ne pouvons trouver grâce à ses yeux; et, dans l'espoir de nous accabler, elle s'unit à tout ce qui proteste contre nous. Elle nous persécute partout où nous ne sommes ni les plus nombreux ni les plus forts. Malheur à ceux de ses membres qui, dociles à la voix de la conscience, rentrent dans le sein de l'église mère ! elle les flétrit ignominieusement; elle leur pardonneroit plutôt d'embrasser la religion de Mahomet. M. de Haller siégeroit peutêtre encore dans le conseil de Berne, si, au lieu d'embrasser la foi de ses aïeux, il n'eût fait qu'échanger l'Évangile contre l'Alcoran (1). Chaque jour nous avons à gémir sur des exemples d'intolérance monstrueuse, et que l'on a peine à croire dans notre siècle. Au moment de terminer cet article, nous apprenons que les catholiques de deux villages du can

(1) M. P. B., ministre du saint évangile à Genève, disoit : « J'aimerois mieux me faire mahométan que catholique ; » c'est-à-dire, j'aimerois mieux renier Jésus-Christ, que de l'adorer avec le plus grand nombre des chrétiens.

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