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n'ont pas été les premiers à apercevoir, aux conséquences étranges qu'ils prétendent en tirer, et aux doctrines qu'ils veulent établir. Leur tort est de se figurer que le goût littéraire doit nécessairement changer avec l'objet de la littérature; qu'il faut des règles toutes nouvelles pour traiter des sujets nouveaux, et que la révolution morale qui a dépouillé de leurs séductions les mensonges avec lesquels se jouoit l'imagination des peuples anciens, a détruit aussi tout le mérite des formes parfaites dont les écrivains supérieurs de l'antiquité sureht revêtir ce fond d'idées imparfait et grossier. Ici se découvre un système d'innovation, qui fait des romantiques une école à part, dont les hérésies doivent faire trembler tous les bons esprits pour notre avenir littéraire. Nous examinerons dans un troisième article l'origine de cette école, le caractère de ses erreurs, leurs conséquences, et il nous sera facile de montrer qu'il est temps de combattre le principe actif de révolution qu'elle a introduit dans la littérature, et de s'opposer à ses progrès, si l'on veut sauver le goût public qui se déprave de plus en plus parmi et les jeunes talents qui s'élèvent, et qui sont entraînés par la décadence du goût.

nous,

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La revue des journaux occupera peu de place dans cette livraison du Mémorial, parceque nous aurions beau revoir tous les journaux imprimés depuis un mois, nous n'y trouverions à peu près qu'une seule chose, les élections, objet, de sa nature, étranger à notre ouvrage. Je sais bien que les journaux libéraux ont parlé de tout à propos des élections, et de la religion et du clergé plus que de tout le reste, et nous pourrions nous égayer ici de tout ce qu'ils ont dit de curieux à ce sujet, si, à force de redire de cent façons les mêmes choses,

ils n'avoient fini par en affadir eux-mêmes tout le sek, et si une comédie qui se répète tous les jours depuis deux mois n'avoit pas perdu tout son effet. Ainsi nous ne croyons pas devoir revenir sur toutes ces élégies patriotiques du Courrier, toutes ces complaintes alarmantes du Constitutionnel, qui ne sont plus bonnes à rien, pas même à faire rire; et nous n'ennuierons pas nos lecteurs en leur rappelant avec quelle admirable sagacité ces deux journaux nous ont dévoilé toute la pensée du gouvernement, toute la marche de sa politique; comment ils ont prouvé que le renouvellement intégral de la chambre étoit une haute mesure qui, sous un but apparent, cache des desseins perfides et qui doivent épouvanter tous les amis de la philosophie et de la liberté ; comment une représentation septennale n'est qu'un moyen de nous faire reculer, en sept années, de sept ou huit siècles, de rendre au clergé son influence politique, et d'affermir parmi nous le despotisme religieux ; comment, enfin, une chambre royaliste n'est, dans les vues du pouvoir, qu'un instrument de destruction dont il prétend se servir pour se débarrasser des deux chambres, pour les remplacer par des assemblées d'évêques ou par des corporations religieuses, qui traiteroient, dans leurs chapitres généraux, de la guerre, de la paix, des douanes, et du budget; qu'ainsi, à moins que tous les frères et amis ne se réunissent pour l'emporter dans les élections, nous sommes à la veille de voir périr parmi nous la liberté des cultes avec toutes les autres libertés. N'a-t-on pas presque avoué le dessein de rendre aux curés les registres de l'état civil? « ce qui équivaudroit à une seconde » révocation de l'édit de Nantes, suivant le mot profond d'un >> citoyen protestant, homme plein d'esprit, » comme nous le lisons dans le Constitutionnel du 4 février! Ne faut-il pas être aveugle du moins pour ne pas voir que c'est là un premier pas qui nous mène droit aux persécutions, aux dragonnades; qui sait, à l'inquisition peut-être ? N'a-t-on pas parlé encore d'une loi sur le mariage, qui renoueroit la chaîne brisée qui a

rattaché à la religion, chez tous les peuples, ces noeuds, liens de la famille et de la société, et qui refuseroit de reconnoître ces unions plus dégagées qui se font tout simplement devant un adjoint et deux témoins, et qui se rapprochent si fort du bel état de nature? Enfin, n'est-il pas évident que, depuis long-temps, le clergé mène lé pouvoir, et que par de là les ministres, qui ne sont que des instruments passifs, on est forcé de voir les missionnaires, et surtout les jésuites; car les jésuites font tout parmi nous ils ont fait déclarer la guerre d'Espagne; ils ont fait dissoudre la chambre; et, il n'y a que peu de jours encore, ils ont suscité les troubles qui ont éclaté dans le collége de Louis-le-Grand; ils ont eu l'adresse d'empêcher cent vingt jeunes gens de répondre à la santé du roi, pour parvenir, par ce moyen perfide, à recouvrer une maison qui leur a appartenu. Voilà une foible partie de tout ce qui a été dit par les journaux libéraux à propos des élections; et, encore une fois, il est en vérité dommage que tout cela, à force d'être répété, ait cessé d'être plaisant.

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- Le Courrier français donnoit, dans son numéro du 20 janvier, le relevé de tous les dons faits au clergé depuis 1802 jusqu'en 1823. La somme totale est de 8,388,552 fr., accroissement de richesses exorbitant, et qui doit effrayer, suivant le Courrier, tous les citoyens éclairés, qui savent combien l'opulence d'un corps indépendant, comme le clergé, peut être fatale aux libertés publiques.

Essayons de fixer au juste jusqu'à quel point peuvent être fondées les alarmes du Courrier. En évaluant à cinq pour cent la rente du capital acquis par la religion, dans l'espace de plus de vingt années qui s'est écoulé depuis le concordat, nous trouvons un revenu annuel de 419,427 fr. Il y a environ en France trente mille prêtres (1): la part de chacun, dans la

(1) L'Almanach du clergé nous apprend qu'il y a en France plus de 35,000 prêtres, d'où il suit que nos calculs sont encore au-dessous de la vérité.

rente de tous les biens donnés au clergé, si elle étoit également répartie, seroit de 13 fr. 90 c., accroissement de richesse exorbitant, qui met toutes nos libertés en péril, comme il doit être bien évident pour tous les citoyens éclairés.

« On peut calculer d'après cette progression, ajoutoit le » Courrier, combien il faudroit de temps pour que toute la » propriété de France passât dans les mains de gens de main» morte ecclésiastique, et pour qu'il n'y eût plus, par suite de » ce système absorbant, ni d'électeurs ni d'éligibles.» Rien de plus facile en effet que ce calcul, et on peut regretter que le Courrier ne se soit pas donné la peine de le faire. Nous allons suppléer à cette omission.

En prenant pour base l'impôt foncier, qui est, dans son terme moyen, à peu près le cinquième du revenu des propriétés, nous pouvons calculer la rente totale des propriétés de la France; et, en établissant une proportion entre cette somme et celle qui en a été distraite depuis 1802 pour passer dans les mains de gens de mainmorte ecclésiastique, vous verrez qu'il ne faut qu'un peu plus de cinq mille ans pour qu'il n'y ait plus parmi nous ni électeurs ni éligibles; et nous fermons les yeux sur l'action effrayante de ce système absorbant! et, vivant au jour le jour, nous jouissons de nos droits politiques, sans nous inquiéter s'ils passeront à nos derniers neveux jusqu'à la deuxcentième génération! et nous ne nous hâtons pas de réprimer, par une bonne loi, l'abus d'une charité inconstitutionnelle, qui, si on la laisse faire, pourra bien saper parmi nous le gouvernement représentatif dans environ cinquante siècles!

On se rappelle toutes les prédictions littéraires du Mercure, au commencement de cette année, et de quel ton il annonçoit que l'esprit humain, qui ne peut décroître, doit rompre enfin avec les traditions et les temps qui ne sont plus, pour se diriger vers des temps meilleurs. Un petit nombre de lecteurs assidus, qui n'étudient que dans le Mercure la marche de l'esprit humain, peuvent être en effet convaincus depuis long

temps que cet esprit ne peut pas décroître; pour nous, qui ne lisons exactement ce journal que depuis un mois pour remplir nos engagements, nous devons avouer que nous n'avions pas une idée de ce que peut devenir la littérature lorsqu'elle essaie d'être toute nouvelle et de n'emprunter rien aux temps qui ne sont plus, et de ce que savent faire des écrivains qui ont rompu avec toutes les traditions. Nous avons beaucoup de peine à résister au plaisir que nous aurions d'en donner des exemples à nos lecteurs. Une pièce que nous avons dans ce moment même sous les yeux pourroit nous en fournir de très-curieux; elle est intitulée, le Timon du 19° siècle à ses rochers; mais cette pièce est plus remarquable encore sous d'autres rapports. L'auteur est un certain A. Dumesnil, l'un des penseurs les plus creux de ce siècle, et c'est beaucoup dire. Il publia dans le temps un écrit intitulé Manifestation de l'esprit de vérité, qui fit quelque sensation à force d'absurdités. Il a eu depuis une grande part à la rédaction de l'Album, feuille dégoûtante de cynisme et d'impiété, qui s'est traînée et qui a fini dans la boue, et qui n'a laissé d'autre souvenir que celui d'une condamnation qui punit les grossières injures et les insolentes attaques qu'elle s'étoit permises contre les noms les plus respectés. Il paroît que A. Dumesnil s'est fait maintenant misanthrope et rêveur, et qu'il enrichit le Mercure de ses rêveries. On prétend qu'au fond ce n'est pas un méchant homme; alors il faudroit le regarder comme un esprit malade et affecté d'une idée fixe : sa manie est de voir toujours et en tout les jésuites. Dans la pièce que nous avons citée de lui, après avoir salué ses chers rochers, qu'il appelle ses vieux amis, une des premières choses qu'il leur demande, c'est de pouvoir, de leurs sommets, heureux et fier de son indépendance, n'avoir pas à détourner la vue de quelques orgueilleux fils de Loyola. En vérité les fils de Loyola ne sont pas assez nombreux parmi nous pour que l'on soit obligé de fuir jusqu'aux sommets des montagnes pour ne pas les apercevoir. Mais qui ne reconnoît

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