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tés palatins de Chester, de Lancastre et de Durham, sur motion au nom de S. M., ou d'un demandeur, ou défendeur, dans une accusation ou information pour crime, ou sur la motion de quelque plaignant ou défendeur, pourront, s'ils le jugent convenable, ordonner qu'il sera formé un jury devant l'officier qui doit naturellement connaître de la cause dans chaque cour, de la manière usitée pour la formation d'un jury spécial dans les cours à Westminster.

NOTICE SUR LES JURYS ANGLAIS,

Servant de complément aux lois sur ce sujet.

Quoique nous ne nous soyons pas proposé, en publiant cet ouvrage, de donner des traités sur les lois des différens peuples, que nous ayons sur-tout songé à l'utilité qui pouvait résulter pour le lecteur de la connaissance même des textes: toutefois nous pourrons souvent nous trouver dans la nécessité de suppléer au silence de ces lois par l'analyse des usages qui complètent les institutions de la plupart des peuples; tous n'out pas, comme nous, un corps de lois bien positif, bien arrêté; ainsi pour ceux chez qui des antécédens, d'anciennes traditions, des usages forment une partie essentielle de la jurisprudence tant politique que civile, ce serait donner un tableau incomplet de leur gouvernement, que d'omettre cette partie si importante or c'est sans doute le cas qui se présente ici : l'étude de l'institution du jury anglais qui existe et se perfectionne depuis des siècles, doit avoir d'autant plus d'intérêt pour nous, qu'il fut, et doit être sans doute long-temps encore, le modèle le plus sûr que les peuples puissent suivre dans la création ou le perfectionnement d'un pareil système. Toutefois, nous ne nous proposons pas de donner ici un traité complet sur cette matière, mais seulement d'en tracer les caractères distinctifs, que la lecture des lois déjà rapportées n'a pu qu'imparfaitement faire connaître.

S. 1. Du jury en général.

Tout pouvoir exercé par un homme sur un autre homme est une tyrannie nécessaire, à dire vrai, dans l'état de société, mais

leur

toujours une tyrannie (1); tous les efforts, tous les soins doivent donc tendre constamment à limiter, autant que possible, l'exercice de ce pouvoir, sans porter atteinte à la conservation de la chose publique; c'est sur ce principe bien entendu que les Anglais ont fondé l'institution de leur jury, de même que constitution entière; et c'est dans ce sens qu'on a pu dire, que chez eux, l'épreuve par jurés était une institution admirable. On retrouve en effet dans les moindres détails l'esprit et l'application de ce principe salutaire; partout cet accord, cette harmonie qui en identifient toutes les parties, et qui justifient cette pensée d'un publiciste, que tous les traits du jury anglais sont essentiels à sa perfection; qu'en altérer un seul, c'est lui ôter sa bonté et ses proportions.

Ce n'est pas ici le lieu de faire ressortir les avantages de n'être jugé que par ses égaux, ses concitoyens, par des hommes dont on pourra bientôt peut-être avoir, à son tour, à examiner les actions, par des hommes indépendans, par des hommes justes enfin; car le droit si étendu de récusation est à cet égard une garantie suffisante pour l'accusé; mais une chose que nous devons faire observer avec soin, c'est que le jury d'Angleterre diffère en deux points principaux du jury français; chez nous, les jurés ne connaissent que des affaires criminelles; indépendamment de cette attribution, le jury anglais connaît des contestations civiles entre citoyens. En France, l'examen d'un seul jury décide du sort des individus; en Angleterre cet examen est répété devant deux jurys différens (2); en sorte qu'une personne ne peut être condamnée que sur l'avis de vingt-quatre de ses concitoyens, et d'hommes qui tiennent d'elle-même leurs pouvoirs.

S. 2. Des différens jurys.

Les Anglais connaissent trois espèces de jurys, qui tous ont des attributions et des règles différentes; le grand-jury, le petitjury. et le jury spécial.

On appelle grand-jury, ou jury d'accusation ou jury du roi, le jury d'enquête qui juge simplement de la validité de la prévention. Ici les jurés se trouvent placés entre l'accusé et le glaive de la justice : ce sont eux qui le livrent à la poursuite des ma

(1) Delolme.

(2) Il était important de faire remarquer ici que cette distinction n'est nnllement rappelée par les lois que nous avons rapportées et qui statuent en supposant la chose établie d'avance, en sorte qu'il faut en être instruit pour comprendre les applications de plusieurs de leurs dispositions.

gistrats, ou qui le placent sous la protection de leur sentence, car aucune poursuite criminelle ne peut être suivie en Angleterre, sans être précédée d'une dénonciation préalable d'un grand-jury; c'est surtout dans cette double instruction qui ne permet pas qu'un accusé puisse être exposé au péril d'une procédure, si la chose n'est jugée convenable par douze personnes, au moins, qu'on a pu voir, avec raison, la garantie la plus constante que puisse jamais désirer l'innocence, garantie qui, fait disparaître jusqu'à la possibilité des abus. Nous devons regretter que cette institution n'ait pas conservé chez nous ce caractère, car si l'examen préalable éloigne le jour du châtiment dû au crime, il épargne aussi à l'innocent la honte de s'asseoir sur le banc destiné au coupable, il le fait échapper au préjugé fatal attaché si souvent à l'accusation même la plus calomnieuse; il Fenlève à un châtiment d'autant plus pénible à supporter, qu'il est moins mérité.

Le petit jury, le jury de jugement, qu'on nomme aussi jury de la partie par opposition au jury du roi, connaît de la validité de l'accusation. Appliqué simplement aux causes criminelles, il répond à notre jury français.

Pour le jury spécial, voyez le stat. 3, Georg. 2, ch. 25, sect. 15, 16 et 17, qui détermine sa nature, sa formation et sa compétence.

S. 3. De la formation des jurys.

Comme dans les paragraphes précédens, il faut ici distinguer les différentes sortes de jurys; voici les règles générales dans cette matière; nous ferons ensuite connaître les cas particuliers.

Tous les ans les constables des diverses paroisses d'un comté sont tenus d'envoyer et de certifier, sous la foi du serment, au greffier-archiviste, ou clerc de la paix, comme le nomment les statuts, une liste des francs-tenanciers ou de toutes les personnes ayant qualité, aux termes des lois ci-dessus rapportées; c'est dans cette liste que le shériff doit prendre, sous peine d'amende, tous les jurés (excepté les jurés spéciaux ); ainsi tous les jurés sont désignés aux cours par le sheriff, et convoqués par ses officiers.

« Les jurés, dit Philips (1), doivent être des persounes d'honneur et de bonne réputation; dégagées, en remplissant leurs fonctions, de toute espèce d'obligation, d'affection, de parenté et de préjugé, les égaux ou les pairs des parties intéressées; d'un âge mûr et d'un entendement sain, n'avoir jamais été proscrites ou convaincues de trahison, de félonie, ou de parjure. »

(1) Traduction de M. Comte.

Quoiqu'on se soit écarté des anciens statuts, qui voulaient que tous les jurés fussent pris dans le voisinage des parties, du lieu où le crime avait été commis, ou du lieu où le procès s'instruisait; il paraît constant cependant, qu'en matière criminelle, les sheriffs doivent encore se conformer à cet usage; car dans les statuts qui l'ont modifié, il semble qu'il n'est question que des affaires entre parties; ils doivent choisir, comme on l'a vu, les hommes les plus aisés, les plus capables et les moins suspects; des chefs de famille, des possesseurs de francs-fiefs, des fermiers, des locataires principaux, ou des personnes ayant des propriétés mobiliaires: tout accusé peut récuser les jurés qui ne sont pas du voisinage.

Nous avons vu que les hommes malades, infirmes, absens, ou âgés de plus de 70 ans, étaient exempts de remplir les fonctions de jurés; il faut y joindre encore ceux qui n'habitent point dans le comté, ou qui ont entrepris des voyages éloignés ; les pairs, les membres de la chambre des communes, pendant la session, etc., et tous ceux en général qui tiennent une place du gouvernement; les publicistes ajoutent même les médecins, les chirurgiens, les pharmaciens et les quakers; pour tous les autres, les fonctions de juré sont une obligation dont ils ne peuvent s'exempter qu'en vertu de causes légitimes, constatées devant

la cour.

Les convocations doivent être portées au lieu de la résidence des jurés, en général, huit jours avant leur réunion, six jours au moin's avant la même époque, dans la ville de Londres et dans les autres villes ou cités; dans les comtés palatins, ils doivent être convoqués quinze jours d'avance. Ils doivent être pris un quart dans chaque canton ou hundred, il faut en convoquer de quarante-huit à soixante-douze pour chaque assise ou pour chaque session.

Tout ce qu'on vient de lire se rapporte plus particulièrement aux petits jurys. Les citoyens appelés à être jurés dans les procès de haute trahison, ou à remplir les fonctions de grands jurés, doivent non-seulement être francs-tenanciers, mais encore avoir rang d'écuyer, de chevalier, ou de banneret, et résider dans le comté ou dans le district. On en convoque ordinairement trente-six.

Aucun statut ne prononce de peine contre ceux qui ne se rendraient pas sur leur convocation; cependant lorsqu'il ne s'en trouve pas un nombre suffisant pour former le jury, la cour les condamne à 5, 10, ou 20 l. d'amende.

Les jurys spéciaux sont nommés par un officier des cours respectives, et assignés par le shériff; ils doivent être francstenanciers, et remplir plusieurs autres conditions.

S. 4. De la manière de procéder des grands jurys.

Quant à la manière de tirer les jurés en matière civile, voyez le stat. 3, Georg. II, ch. 25, sect. 11. De même, pour tout ce qui concerne les jurés supplémentaires, lorsqu'il ne comparaît pas un nombre suffisant de ceux qui ont été convoqués, voyez les stat. 4 et 5, Phil. et Mar., ch. 7, sect. 2. -14. Elis., ch. 3 sect. I. 4. Guil. et Mar., ch. 24. 7. Guil. III, ch. 32. 35. Henri VIII, ch. 6. Nous supposons ici le jury formé et complet; voyons d'abord ce qui touche les grands jurys.

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Personne ne peut être arrêté que sur l'accusation admise par un grand jury, après enquête. Ce jury doit être composé de vingttrois personnes au moins; douze voix forment une majorité suffisante; les jurés choisissent eux-mêmes le président, qu'ils peuvent changer dans tout état de cause, à la majorité de douze voix. Ils se présentent ensuite à la cour, où ils prêtent serment, savoir le président de rechercher avec soin tous les articles, > toutes les matières qui lui seront déférées à charge, ou qui vien» dront à sa connaissance, d'une manière quelconque, et d'en » faire une déclaration vraie; de garder soigneusement le secret » du roi, le sien, et celui des autres jurés; de ne mettre personne » en jugement par haine, par malice, par crainte, par faveur » ou par affection, ou par l'appât de récompense, espérance,ˆ » ou promesse, mais de dire la vérité dans ses déclarations, » toute la vérité, et rien que la vérité. »

Les autres membres jurent ensuite d'observer les mêmes règles; enfin un baillif prête serment de suivre le grand jury, durant la session, de lui transmettre soigneusement toutes accusations, informations et autres écrits qui lui seront remis par la cour, et de les renvoyer à la cour, sans aucune altération, lorsqu'ils lui auront été remis par le jury.

Les séances du grand jury ne sont pas publiques.

Aucune personne, avocat, procureur, greffier, etc., qui ne fait pas partie du grand jury, même l'accusé, ne peut assister à ses délibérations ou à ses décisions; les accusations doivent être lues en entier par le président ou l'un des jurés; deux d'entre eux doivent tour à tour prendre note des dépositions; mais ces notes, qui ne sont destinées qu'à aider la mémoire des jurés et faire des rapprochemens, doivent être détruites chaque jour, avant qu'ils se séparent.

Les faits à charge doivent être rappelés par le président lorsqu'il demande la réponse des jurés sur le bill. Mais avant que cette question soit posée, chaque juré peut faire les observations qu'il juge convenables, interroger de nouveau un témoin, et

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