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immenses richesses acquises par le clergé furent saisies et distribuées.

les posses

C'est une grande époque : les donations que fit Charles furent faites à perpétuité; mais à la charge par seurs de lui conserver la foi et de lui rendre le service militaire. Voilà, suivant plusieurs écrivains, la véritable date des fiefs Mais qui peut répondre que cet établissement n'ait pas été une imitation de ce qui existait déjà! Au reste, il suffit d'annoter la divergence des opinions sur de semblables points; les discuter serait perdre du temps et des mots.

Charles-Martel régna quelques temps seul, mais sans prendre le titre de roi. Il mourut : son fils Pepin n'avait qu'un pas à faire; il le fit et la deuxième dynastie commença à régner.

Et tel est à peu près le tableau qu'on peut se faire de l'état du pays, vers le milieu et la fin de la première. Des rois qui passent inconnus du trône au cloître, des maires ambitieux ou avides, des assemblées aristocratiques qui tiennent le trône et le peuple dans un égal abaissement; voilà le gouvernement.

Des souvenirs divisent encore en deux grandes portions la population; mais les conquérans dominent partout, et la scène historique ne présente plus qu'eux. Toute l'étendue du sol est coupée en vassalités et en terres allodiales. Les possesseurs de grands fiefs, clercs ou laïcs, sont déjà des souverains. Ils rendent la justice, exigent des droits et arment des guerriers. Les communes ont disparu, il ne reste plus que quelques traces des anciens offices conservés ou créés par les rois. A. côté d'une immense population réduite à un affreux servage, paraissent quelques hommes dont la liberté atteste encore l'existence des anciennes cités. Les villes sont en ruines, l'industrie s'éteint, les éclairs du génie cessent de luire, l'ignorance et la superstition abrutissent les esprits, la barbarie triomphe!

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S XIV.
Pepin-le-bref.

Ce fut un homme d'un grand courage, d'une haute prudence, et précisément doué du génie propre à consolider l'autorité conquise par ses ancêtres. Il gouverna avec mesure, chercha à se rendre les leudes favorables, mais voulut ménager, en même temps, les intérêts du clergé. Une partie des biens dont ce corps avait été spolié, lui fut rendue, et l'établissement des précaires (1) lui tint lieu de l'autre. « Sans adopter, dit le président Hénault (2), aucun système sur la succession à la » couronne, il suffira de dire historiquement, qu'à l'avè» nement de Pepin, on vit, pour la première fois, la cou»ronne passer dans une maison étrangère. Pendant toute la première race, elle n'avait été portée que par les descendans de Clovis, à la vérité sans droit d'aînesse, ni distinction entre les bâtards et les légitimes, et avec partage. Elle » fut possédée de même sous la deuxième race, par les enfans » de Pepin; mais, ainsi qu'il avait dépouillé l'héritier légitime, >> şes descendans furent dépossédés à leur tour. Enfin, sous la » troisième race, le droit successif héréditaire s'est si bien » établi, que les rois ne sont plus les maîtres de déranger » l'ordre de la succession, et que la couronne appartient à » leur aîné. »

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Il paraît que Pepin demanda, et obtint l'assentiment des grands de la nation, pour placer sur sa tête la couronne de l'imbécille Childéric; mais il fonda surtout son usurpation sur l'appui d'un autre autorité, qu'il créa sur-le-champ souveraine, par cet acte de soumission. Jusqu'ici les évêques n'avaient fait que donner leur sanction à la royauté, comme placés au nombre des principaux personnages de l'Etat par leur dignité, leurs richesses et leurs vertus. L'Eglise fut alors appelée à consacrer une violation manifeste au principe

(1) Le paragraphe suivant expliquera ce mot.

(2) Abrégé chronologique de l'Histoire de France, règne de Pepin,

respecté de l'hérédité. Son auguste chef établit, pour la première fois, un lien religieux entre le sang du nouveau monarque et la, foi de ses sujets. La fidélité devint un devoir dont le courroux céleste devait punir les infractions: Ja cérémonie du sacre prit naissance.

la

On a dit, et cela a beaucoup de vraisemblance, que Pepin avait payé ce service éminent rendu à sa royauté, et que fameuse donation, au moyen de laquelle le chef des fidèles devint un prince italien, en avait été le prix. Il n'est pas question d'examiner maintenant, si le pontife avait le droit d'intervenir dans une convention politique entre le trône et les sujets, si le nouveau roi pouvait concéder des terres en Italie, à un évêque de Rome, mais de constater un fait qui fit changer la royauté de face dans notre monarchie.

S XV.

Charlemagne. (9° siècle.)

Le règne de Charlemagne, placé entre les âges qui le précédèrent et ceux qui le suivirent, frappe les regards de celui qui le contemple, comme un fanal étincelant qui jaillit du sein d'épaisses ténèbres.

C'est entre l'orient, armé pour ou contre les images, tandis que Mahomet l'envahit de toutes parts, et l'occident, où la postérité des conquérans semble conspirer pour anéantir jusqu'aux dernières ruines de Rome, jusqu'aux derniers vestiges de la civilisation, que ce grand homme apparaît, pour suspendre un instant la marche du génie de la barbarie.

Ce n'est pas le guerrier, quelquefois cruel, dominateur de presque toute l'Europe, qui doit paraître ici; c'est le monarque dans tout l'éclat d'une gloire pure et légitime, c'est le législateur que nous devons considérer.

Les grandes réformes de Charlemagne portent sur quatré points principaux: l'assemblée nationale, l'administration intérieure, la justice et le clergé.

Pepin avait renouvelé le Champ-de-Mại, en convoquant

chaque année, les principaux membres du clergé, et de ce que nous pouvons appeler maintenant la noblesse; mais c'était plutôt de la part de ce monarque une marque de déférence, que l'intention de reconnaître les droits de la nation à une portion de la souveraineté.

Charles comprit que, s'il ne parvenait à appuyer ses volontés dans cette assemblée du concours de quelques hommes, non appartenans aux deux classes qui l'avaient jusque-là composée intégralement, ses vœux pour l'amélioration des choses ne pourraient jamais être réalisés. En conséquence, il voulut, et parvint à effectuer que cette majeure partie de la population, appelée depuis le tiers-état, eût des députés dans les Champsde-Mai. Ainsi fut formée cette alliance du trône et du peuple, dont le but fut de faire cesser les suites funestes de la conquête des Barbares, et à laquelle nous verrons les rois de la troisième race rester presque toujours fidèles.

Ainsi fut rétabli momentanément le principe primitif et fondamental du gouvernement français.

Charlemagne établit qu'il y aurait deux assemblées chaque année. La première était le Champ-de-Mai, et la plus solennelle. Là, se délibéraient les grandes affaires et se portaient les lois. L'empereur, pour laisser les députés discuter les intérêts nationaux en toute liberté, ne paraissait parmi eux, dit Hincmar (1), que lorsqu'il en était sollicité pour terminer leurs contestations, ou donner sa sanction à ce qu'ils avaient arrêté. Il présidait au contraire la seconde assemblée, qui se tenait en automne. C'était une espèce de placitum, ou de parlementum, où se préparaient les matières dont il devait être question dans la grande assemblée nationale.

Ce que fit Charles, pour l'administration de l'Etat, ne fut guères moins important. Il partagea le royaume en districts ou légations, et ces légations en comtés. Ne pouvant détruire l'usage déjà enraciné de regarder les offices de ducs et de

(1) De Ord. pal., chap. 30.

comtes comme des propriétés, il chercha du moins à affaiblir la tyrannie qui en était la suite, et il créa une institution dont la législation des Lombards lui offrit, dit-on, l'exemple: ce fut celle des envoyés, ou commissaires royaux (Missi dominici), chargés de visiter les légations, de trois mois en trois mois, d'y tenir des plaids, où devaient se trouver tous les personnages notables de chaque district, et qui étaient tour-àtour conseils administratifs et assises de justice.

L'établissement de ces assises fut un palliatif aux maux qui découlaient de l'envahissement de la justice par les seigneurs, et il tendait même à rendre à la couronne cette belle prérogative. Charles porta ainsi un premier coup à tous les abus introduits dans les siècles précédents; mais il fut obligé de tenir une marche prudente pour ne pas révolter les esprits. Une partie des désordres subsistait donc. Le peuple fut satisfait toutefois, et salua son souverain du titre de bienfaiteur « parce que, dit Thouret (1), depuis l'établissement des seigneuries, il avait tellement perdu toute idée de ses droits » et de sa dignité, qu'il était disposé à recevoir, comme une » faveur, tout le mal qu'on voulait bien ne lui pas faire. »

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Les biens confisqués sur l'Eglise, par Charles-Martel, et livrés à ses officiers, étaient alors le sujet de perpétuelles contestations et de graves embarras. Le clergé ne cessait de les réclamer et la noblesse refusait de les rendre. Pepin n'avait fait que suspendre la querelle en consacrant la possession viagère de ces biens, à la charge d'une rente aux anciens possesseurs, qui fut appelée précaire.

Le précaire fut converti, par Charlemague, en dîme; les canons qui consacraient l'élection des évêques par le peuple et le clergé, furent remis en vigueur; les justices ecclésiastiques étendues, le privilége de cléricature, c'est-à-dire de n'avoir, dans toute occasion, d'autre juge que l'évêque, fut

(1) Abrégé des Révolutions, etc.

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