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C'est à ce grand Roi, qu'il faut attribuer, suivant l'opinion la plus commune, la division régulière de l'Angleterre, en comtés chaque comté fut subdivisé en Hundreds, centaines ou cantons, et chaque canton en Thitings ou dixaines. Le canton on centaine dont le chef se nommait Hundreder comprenait dix Thitings ou dixaines; la dixaine se composait de dix francs tenanciers avec leurs familles : ainsi réunies, dix familles formaient une communauté soumise à un chef nommé Thitingman, Headbourg ou Borsholder. Ces familles étaient en quelque sorte solidaires pour la punition des crimes commis par un de leurs membres elles étaient obligées de représenter le coupable ou de payer une amende proportionnée à la gravité du délit : d'ailleurs chaque homme était obligé de se faire inscrire dans une dixaine, et personne ne pouvait en changer, sans l'autorisation de son Thitingman.

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L'administration de la justice était organisée d'après la division territoriale; les contestations entre les membres d'une même dixaine étaient jugées par la dixaine assemblée, sur la convocation et sous la présidence du Thitingman. Les affaires d'une grande importance, les appels des sentences rendues par les dixaines, et les différens entre les dixaines étaient portés devant l'assemblée du canton (Hundred) présidée par son chef : « les formalités que ces cantons observaient méritent d'être rapportées, dit Hume, comme étant l'origine des jurés, institution admirable en elle-même, et ce que l'esprit » de l'homme a jamais imaginé de mieux, pour maintenir les » libertés nationales et l'administration de la justice; douze » Free-Holders, c'est-à-dire francs-tenanciers, étaient choisis, et prêtaient serment avec le Hundreder, d'administrer une justice impartiale, et procédaient ensuite à l'examen de » l'affaire soumise à leur jugement »

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Cette opinion de Hume a été combattue par d'autres écrivains; le cadre de notre travail ne nous permet pas de traiter la question avec les développemens dont elle est susceptible;

nous nous bornerons à faire observer qu l'on peut adopter le sentiment de Hume, bien que l'institut actuelle du jury anglais, diffère en beaucoup de points de tribunaux dont nous venons d'exposer l'organisation, comme'ont fait remarquer ceux qui ont soutenu un système contrai au sien. Dans tous les cas, nous avons dû signaler la difficultécar en faisant connaître les anciennes institutions, nous devonsar-tout nous attacher à montrer leur influence sur les institutio; modernes.

Au-dessus des assemblées de canton, était la coɩdu comté; elle se composait de tous les francs-tenanciers de lProvince; et connaissait, sous la présidence du comte ou Aldenan et de l'évêque, des appels des sentences rendues par les catons, et des contestations entre les membres des différen catons.

Enfin le conseil du Roi était la cour suprêm, à laquelle on portait l'appel de toutes les cours du royaum

Après avoir ainsi réglé l'hiérarchie des différentribunaux, Alfred pensa qu'il était dangereux de laisser ent les mains de l'Alderman, l'autorité civile et militaire; il istitua des Sheriffs pour chaque province, auxquels fut confié'administration des affaires civiles. Blackstone pense au coraire, que les Sheriffs ne furent dans l'origine que des officierlu comte, chargés de le suppléer dans toutes ses fonctions; que c'est peu à peu, que l'autorité civile se trouva entre les mains, entièrement séparée du commandement militaire (.

Outre ces réglemens particuliers, Alfred publian corps de lois, qui ne s'est point conservé; mais que l'oregarde généralement comme la source de ce qu'on appelle Angleterre le droit commun.

Telles furent les institutions d'Alfred; il sut établirdre et faire respecter ses lois, sans attenter aux droits et à liberté de son peuple; on trouve dans son testament ces pales remarquables: 11 serait juste que les Anglais pussentujours rester aussi libres que leurs pensées.

(1) Blackstone, Comment. sur les lois, discours préliminaire, page.

Les successeurs Alfred furent continuellement inquiétés par les courses de Danois, dont les expéditions devenaient chaque jour plus ombreuses et plus redoutables. Ceux-ci parvinrent à formerles établissemens sur les côtes, puis dans les terres ; enfin, e 1016, Edmond Côte-de-fer fut contraint de partager son reaume avec Canut, roi de Danemarck; bientôt après, il mount assassiné, laissant deux fils mineurs, et Canut fut reconnu i d'Angleterre. C'est ainsi que la race des rois Saxons fut clue du trône, mais les rois Danois ne le conservèrent is long-temps, et la famille Saxone fut rétablie, en 1041, ans la personne d'Edouard le Confesseur.

Edoua ft une nouvelle promulgation des lois d'Alfred, et fut nomné, par cette raison, restitutor legum anglicanarum. Lerègne de ce prince n'offre rien de remarquable, mais il préara de grands évènemens.

A sa me, Edgard, son neveu, Harold, seigneur puissant, et Guillane duc de Normandie se disputèrent le trône; Harold, utenu par un parti nombreux, se saisit du sceptre. Guillaum invoquait et les liens du sang qui l'unissaient au dernier i, et le testament de ce prince qui le désignait pour sucsseur. Ses droits pouvaient être contestés, mais son épée trcha la question: vainqueur de Harold, à la bataille d'istings, il est sacré et couronné dans l'abbaye de Westmiter, le 26 décembre 1066; ainsi finit la dynastie Saxone

L'avement de Guillaume amena de grands changemens dans leouvernement, dans les mœurs et dans les institutions. • Dès-rs, dit Spelman, un nouvel ordre de choses com

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L'Agleterre était encore à cette époque régie par les lois d'Alfd; nous avons tâché d'en faire connaître l'ensemble. Il fat voir maintenant par quels changemens successifs le nouvu régime fut établi; mais il convient d'examiner d'abd une question importante, savoir : si les tenures féodales étent connues en Angleterre avant la conquête.

Ceux qui ont soutenu l'existence de la féodalité, ont fait remarquer que les terres en franche tenure étaient soumises au service militaire, dans les expéditions du roi; à la réparation des ponts, et à l'entretien des forteresses royales; que les biens d'un thane qui s'était mal conduit à la guerre étaient confisqués ; que la confiscation était même prononcée contre les thanes inférieurs, par cela seul qu'ils avaient négligé le service militaire; qu'enfin, il existait entre les propriétaires libres, par exemple entre les thanes royaux et les thanes inférieurs, des relations mutuelles et une subordination, telles que celles de seigneur à vassal.

Pour soutenir l'opinion contraire, on s'est attaché à faire remarquer que dans ces obligations et ces relations, on ne trouvait pas ce qui constituait essentiellement, le vassellagé féodal; on a cité l'autorité du Domesday-Book, (1) qui qualifie souvent les tenans, soit de la couronne, soit d'autres seigneurs, de Thanes, francs-tenanciers (liberi homines), et qui porte expressément, que certains tenans pouvaient vendre leurs terres, à qui ils voulaient; qu'enfin d'autres pouvaient aller avec leurs terres où il leur plaisait, c'est-à-dire changer de patron à leur gré. D'ailleurs, on a eu soin d'établir que si quelques tenanciers ne pouvaient quitter leur seigneur cependant leur personne n'était pas attachée à la terre; que seulement, tant qu'ils en avaient la possession, ils étaient soumis au seigneur. Une autre observation importante, c'est qu'il n'y a point de preuve, que le service militaire ait été dû par ces tenans; et qu'enfin, avant la conquête, la céré– monie d'hommage et de fidélité, la levée des aides féodales, les droits de garde et de mariage étaient absolument inconnus. Quant à la juridiction territoriale, il est difficile de savoir de quelle manière elle était établie.

(1) Registre dans lequel étaient inscrits tous les propriétaires de terres, et où étaient mentionnées la valeur, l'étendue, et la nature des terres, ainsi que le nombre des fermiers, des paysans et des esclaves qui les cultivaient.

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M. Hallam, qui développe et apprécie les raisons pour et contre, termine ainsi : « Trois choses sont à considérer dans >> toute institution politique; le principe, la forme et le nom. Je ne crois pas que le nom de fief se trouve dans aucun acte Anglo-Saxon bien authentique (1). Quant à la forme, c'està-dire aux cérémonies particulières et aux droits attachés » aux fiefs réguliers, on en trouve des traces, quoiqu'en petit » nombre. Mais il est, je crois, impossible de ne pas reconnaître dans la dépendance sous laquelle des hommes libres, et même des tenans nobles, se trouvaient placés visà-vis d'autres sujets, par rapport à leurs biens, ainsi que dans les privilèges de juridiction territoriale, les principaux caractères de la relation féodale, quoique le système ■ ne fût ni aussi parfait, ni établi sur des bases aussi larges qu'après la conquête des Normands (2)

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CHAPITRE II.

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De la conquête des Normands jusqu'à la grande Charte. Guillaume ne fut pas paisible possesseur de son nouveau royaume. De fréquentes révoltes éclatèrent, sur-tout pendant son absence; mais toujours vaincus, les Anglais furent enfin obligés de se soumettre. Il est difficile de savoir si la rebellion de ses sujets fut provoquée par la pesanteur du joug qu'il leur imposa; ou si ce ne furent pas au contraire les séditions réitérées, qui l'amenèrent à gouverner d'une manière tyrannique; du moins est-il certain que beaucoup de terres furent confisquées, et formèrent des fiefs que Guillaume donna comme récompenses à ses officiers.

Le nom d'anglais fut un titre d'exclusion de tous les emplois, la langue anglaise fut même proscrite; on enseigna le

(1) On rencontre deux fois le mot feodum dans le testament d'Alfred; mais il ne paraît pas y avoir été employé dans son sens propre ; et je ne crois pas que l'original de cet acte ait été écrit en latin.

(2) L'Europe au moyen âge, tome 2, page 50.

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