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à l'épée des conquérans par les efforts des peuples et le Sceptre protecteur des rois.

Les Gaulois étaient libres ou esclaves. Les hommes libres étaient rangés sous trois classes, 1o les familles sénatoriales, jouissant de certaines prérogatives, mais assujéties à l'impôt comme les autres; 2° les familles curiales, où se trouvaient rangés tous ceux qui possédaient des terres, qui n'exerçaient aucun métier, et qui avaient droit de faire partie de la curie; 3o les familles exerçant une industrie pour vivre, et unies entre elles par des corporations de divers métiers.

Les esclaves étaient de deux espèces, les uns attachés à un maître qui les nourrissait, les autres au fonds qu'ils exploitaient et dont ils retiraient les fruits moyennant une certaine redevance. Il y avait aussi des hommes libres qui tenaient et cultivaient des terres au même titre. Telles étaient les remarques principales que nous avions à faire sur la situation politique de la Gaule romaine. Nous aurons occasion d'y revenir dans la suite, et d'en faire sentir toute l'importance.

S II.

Des Francs avant la conquête. (4° siècle.)

L'état des Franes, dans la Germanie, présente, à côté de l'esquisse que nous venons de tracer, un contraste frappant. On voit, d'une part, toutes les conséquences d'une civilisation ayancée; la nature s'offre de l'autre dans toute son aspérité native. Ici règnent les lois, les institutions et les arts avec l'asservissement; là, quelques usages confus, des mœurs féroces et des armes avec la liberté.

Les Francs étaient des Germains. Les traits sous lesquels les Anciens ont peint ces derniers, doivent donc servir à peindre les Francs eux-mêmes.

Comprenons sous cette dénomination plusieurs peuplades unies entre elles par la tradition d'une origine commune, et éprouvant continuellement le besoin de réunir leurs forces, soit pour l'attaque, soit pour la défense. Il ne paraît pas, au

TOME I.

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reste, qu'il y eût entre ces peuplades aucune espèce de pacte fédéral formellement exprimé; mais c'était dans la nation un usage qui remontait sans doute à la réunion des premières familles, que celui de ces assemblées annuelles où la nation délibérait sur les affaires publiques d'un intérêt général, assemblées fameuses qui forment le premier point de l'histoire de nos libertés.

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C'est donc une chose assez remarquable que les deux élémens principaux qui composent l'édifice des libertés nationales se découvrent, l'un (les communes) dans les institutions romaines, et l'autre (les corps représentatifs) dans les établissemens germaniques.

Les Francs n'estimaient que la valeur, et leurs lois ne punissaient que la lâcheté. Ils avaient des chefs de guerre dont la principale prérogative était d'avoir la part la plus forte des butins faits sur l'ennemi. Apprendre à agiter la francisque avec dextérité était toute l'éducation de la jeunesse. La force était la loi. Une pareille société ne pouvait subsister qu'autant que ses membres les plus turbulens seraient constamment en guerre. Aussi, depuis l'époque où ils parurent sur les frontières septentrionales de l'empire, jusqu'à celle où ils envahirent la Gaule, chaque année fut marquée par de nouvelles agressions et par de nouveaux pillages.

D'autres observations sur le caractère et l'état primitif de cette nation sont nécessaires; mais elles trouveront mieux leur place dans les pages suivantes, où elles serviront de base à des développemens d'un haut intérêt.

S III.

Conquête de la Gaule par les Francs. (5o, 6o, et 7e siècles.)

C'est ici surtout qu'il faut se défendre de l'esprit de systême, et par conséquent ne pas imiter la plupart des écrivains qui ont cherché à reconnaître la situation politique du pays, vers les premiers temps de la conquête. Presque tous, en effet, abusant étrangement de quelques passages, ont établi des hypo

thèses plus ou moins spécieuses, mais où se trouvent quelques vérités, au milieu d'assertions manifestement erronnées. D'après celui-ci, par exemple, les conquérans s'asseyent paisiblement au rang des vaincus, et baissent leurs glaives devant tous leurs établissemens (1). Un autre veut au contraire que les Barbares aient chargé de chaînes tout ce qui portait le nom de Gaulois (2). On peut reprocher sans doute au plus illustre de tous, à l'un des grands génies dont la France s'honore, d'avoir trop exclusivement cherché l'origine de tout, dans les forêts mêmes de la Germanie (3).

Evitons de voir cette partie de notre histoire sous un point de vue systématique, et empruntons à chaque hypothèse ce qu'elle peut avoir de fondé; il est probable que nous nous raprocherons ainsi de la vérité sur des points encore fort obscurs, après de longues discussions.

Il y a une remarque essentielle à faire; on n'a pas assez réfléchi, ce me semble, en s'occupant de l'époque où les Francs triomphèrent de la puissance romaine, que ces peuples devaient avoir subi de fortes altérations depuis un siècle. Il faut se rappeler, en effet, qu'ils avaient souvent possédé, pendant plusieurs années, quelques lambeaux des provinces septentrionales; que leurs courses continuelles dans les autres parties du territoire les mettaient en communication directe avec les Romains; que les captifs qu'ils ramenaient esclaves dans leur séjour ordinaire, devaient nécessairement avoir répandu parmi eux quelques lumières sur l'état politique de la Gaule; on ne doit donc pas les regarder tout-à-fait, à cette époque, comme des barbares déterminés à exterminer indistinctement et absolument tout ce qui n'était pas sorti de leur sauvage berceau.

Les lois qui régirent ces premiers temps, prouvent que partout où l'on se soumit, les propriétés et les institutions locales

(1) L'abbé Dubos.

(2) Le comte de Boulainvilliers.
(3) Le président de Montesquien.

même furent respectées. Les Barbares ne s'emparèrent que des terres qui se trouvèrent libres par la mort ou l'esclavage des possesseurs; et ils ne modifièrent d'abord le gouvernement, qu'autant qu'il était nécessaire pour assurer leur conquête. Si les vaincus furent politiquement placés au second rang, on voit néanmoins que ceux qui se réunirent aux conquérans, conservèrent une grande prépondérance dans la direction des affaires. Le règne d'Ægidius, après l'expulsion de Childéric, en est une preuve. Puisque les Francs purent se soumettre à un Romain, il est clair que la situation du reste de la nation ne dût pas être telle, à cette époque, que quelques-uns l'ont voulu.

C'était un principe chez les Barbares, que chaque peuplade devait être régie par ses règles de justice. Ce principe maintint l'usage des lois romaines pour les Romains, comme il établissait la loi salique pour les Francs, la loi gombette chez les Bourguignons; ce qu'on appelait alors le code Théodosien, resta donc en vigueur dans la Gaule: or, cela suppose que les magistratures continuèrent encore à être exercées par des Romains, puisqu'eux seuls étaient capables de les

exercer.

Plusieurs monumens semblent attester pareillement que l'administration resta à-peu-près dans l'état où elle se trouvait, et que ce furent encore des Romains qu'on vit la plupart du du temps choisis par les rois Francs, pour présider anx

'cités comme comites ou comtes.

En un mot, voilà, ce nous semble, l'idée qu'on peut raisonnablement se faire de l'état du pays à cette époque. Le roi Franc avait pour conseil ses principaux chefs et ceux des illustres Gaulois dont le front s'était courbé sans peine sous le nouveau joug. Là, il méditait d'achever sa conquête et d'étendre sa domination soit sur les parties où des corps Romains tenaient encore, soit sur celles où d'autres chefs de Barbares tentaient d'établir une puissance rivale de la sienne. Les prin cipaux officiers Francs étaient investis des grands commande

mens, dans les provinces où le roi était reconnu. Dans ces provinces, la population germanique, qui s'était établie après avoir quitté les bords du Rhin, n'était pas, dans l'origine, disséminée, mais réunie avec ses serfs, et formant des villages à part sur les terres qui lui avaient été cédées. Une religion, un culte et des usages différens, des sentimens de jalousie d'une part, et de cupidité de l'autre, devaient établir une division naturelle entre les anciennes cités que la conquête n'avait pas détruites, et les nouveaux établissemens. Ces deux populations s'observaient sans doute avec inquiétude, et il y avait entre elles des rapports trop immédiats, pour qu'il ne s'en suivît pas nécessairement une sorte de lutte presque continuelle, où l'on comprend que le dessous ne fut pas ordinairement aux derniers venus. Telle fut à-peu-près la situation du pays, jusqu'au moment où l'ancienne nation sembla, en quelque sorte, avoir totalement disparu dans cette suite de guerres et de dévastations, qui forme l'histoire de ces temps.

§ IV.

De la Royauté,

Reges ex nobilitate, duces ex virtute sumunt, a dit Tacite (1), en parlant des Germains; ce qui prouve manifestement que les rois, chez ces peuples, appartenaient à certaines familles exclusivement.

Mais cette royauté était-elle héréditaire ?

Le respect et la soumission pour le sang d'un homme qui s'est illustré par sa valeur, sont des sentimens qui naissent avec la société politique, et dont elle fait plus tard des principes quelquefois utiles à son maintien. Il serait facile d'en faire sentir la source et les motifs; mais ce n'est pas ici le lieu de se livrer à de semblables développemens. Au reste, l'histoire est là pour attester la vérité du fait. Il n'est pas rare de voir, chez tous les peuples, et spécialement chez ceux qui nous occupent, une assemblée de vieux guerriers tout entière

(1) De Mor. German,, cap. 7.

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