Des Droits du mari sur les biens de la Communauté. Il résulte des deux premières règles qui viennent d'être établies, 1°. Que la communauté étant usufruitière des immeubles personnels de la femme, le mari, comme chef de cette communauté, a le droit d'en jouir ou de les administrer, et qu'il est, par la même raison, responsable de tout dépérissement causé par défaut d'actes conservatoires. [ S'il 1428. a négligé d'interrompre une prescription, s'il a laissé acquérir une péremption, s'il n'a pas fait les réparations nécessaires, même celles qui ne sont pas à la charge de la communauté; il en est tenu comme administrateur, sauf à exiger les récompenses de droit, lors de la dissolution de la communauté. - Quid, si, au moment du mariage, il ne restait qu'un très-court délai pour accomplir la prescription de l'immeuble personnel de la femme? Appliquez ce qui est dit ci-après, 3o partie, chap. 1er, sect. 2o, § 1or, note 7o.] Par suite de cette administration, il peut passer seul les baux desdits biens; mais, au moment de la dissolution de la communauté, ces baux ne sont obligatoires, à l'égard de la femme ou de ses héritiers, que dans les limites tracées par les articles 1429 et 1430, et qui sont les mêmes que pour les baux de biens de mineurs. (Voyez, tome 2o, page 204.) 2°. Que le mari peut également exercer seul toutes les actions mobilières qui appartiennent à sa femme; [même celles qui sont relatives aux objets mobiliers qui ne tomberaient pas en communauté; par exemple, à ceux qui auraient été réalisés, ou donnés à la femme sous cette condition. Cela est fondé sur le principe, que le mobilier exclu de la communauté, n'est censé propre qu'à l'égard des époux, et entre eux seulement; mais à l'égard des tiers, il est toujours censé faire partie de la communauté. (Voyez ci-après, chap. II, sect. 2.) : Quid, si le mari a intenté seul une action immobilière appartenant à sa femme ? Jugé à Colmar, le 17 avril 1817, qu'il y avait nullité, mais simplement relative, et que la femine pouvait la couvrir en adhérant à l'action. (SIREY, 1818, 2o partie, page 277.) Cela peut souffrir difficulté, le mari n'ayant aucun droit d'intenter seul une pareille action, il en doit être de même que si elle avait été intentée par tout autre. Or, dans ce cas, n'y aurait-il pas nullité absolue? D'ailleurs, nous avons vu qu'il a été jugé plusieurs fois en Cassation que l'assignation donnée à la femme était nulle, si le mari n'a pas été mis en cause en même temps. Donc à fortiori, etc.] [Il peut aussi en exercer les actions possessoires, c'est-àdire celles qui ont trait à la possession, comme la complainte, la réintégrande. Le Code n'a fait ici que rappeler l'ancien droit; mais j'avoue que cette disposition m'a toujours paru singulière. Le possessoire a une telle influence sur le pétitoire, que j'ai toujours été étonné de voir que les anciennes Coutumes donnassent au mari le droit d'exercer seul les actions possessoires de la femme. Il est une infinité de circonstances, dans lesquelles, surtout à l'égard des biens ruraux, il est impossible de justifier de la propriété, et où, par conséquent, la possession emporte, de droit, la propriété. POTHIER justifie cette disposition, par la raison que le mari a la jouissance. Mais cette raison n'est pas fondée; car l'usu. fruitier n'a pas le droit d'intenter les actions possessoires relatives à la propriété ; et elles ne pourraient être intentées valablement contre lui. (Voyez, tome 2, page 388.)] Mais le mari ne peut aliéner les immeubles personnels 1428. de la femme sans son consentement; 5o. Que la communauté, par suite du droit qu'a le mari, d'aliéner et d'hypothéquer les biens qui la composent, est tenue de toutes les dettes contractées par lui pendant sa durée, sauf récompense, s'il y a lieu. [ Il est dû récompense à la communauté toutes les fois que les dettes ont été contractées pour l'avantage personnel de l'un des époux.] La nécessité de prévenir les fraudes a fait décider, en outre, que les dettes contractées, même par la femme seule, mais avec le consentement du mari, auraient, à l'égard des tiers, le même effet que si elles eussent été contractées par le mari lui-même, conjointement [ et solidairement, comme nous le verrons plus bas, note 9o de la contribution aux dettes] avec sa femme. Elles affectent, en conséquence, non-seulement les biens personnels de la femme, mais encore ceux de la communauté, et par suite ceux du mari, sauf récompense, s'il y a lieu. [ La disposition de cet article 1419 1419. paraît contraire au principe que nous aurons occasion de rappeler plusieurs fois, que le mari qui autorise sa femme, n'est point censé pour cela s'obliger : qui auctor est, non se obligat. Il est censé donner à sa femme, la capacité nécessaire pour contracter l'obligation, mais non pas la contracter lui-même. C'est sur ce principe qu'est fondée la disposition de l'article 1413, qui n'assujétit point le mari au paiement des dettes de la succession immobilière acceptée par sa femme, quoiqu'avec son autorisation. Ce dernier article paraît donc, au premier coup d'œil, renfermer une disposition contraire à celle de l'art. 1419. En effet, il est certain que l'adition d'une hérédité est un quasi-contrat, qui oblige l'héritier acceptant envers les créanciers et les légataires de la succession. Il est donc vrai de dire que, lorsque la femme accepte une succession, elle contracte des obligations. Or, nous voyons dans l'article 1413, que, quand la femme a contracté ces obligations, même avec le consentement de son mari, les créanciers et les légataires ne peuvent poursuivre leur paiement que sur les biens personnels de la femme. Pourquoi donc donne-t-on, dans l'article 1419, aux créanciers envers qui la femme s'est obligée avec le consentement de son mari, le droit de poursuivre, non-seulement les biens de la femme, mais encore ceux du mari et de la communauté? Pour résoudre cette difficulté, il suffit d'établir la différence qui existe entre les deux cas prévus par les articles 1413 et 1419. Dans le premier, il s'agit d'une succession immobilière, acceptée par la femme. Il est bien certain que le mari ne peut s'approprier frauduleusement aucun des objets qui la composent. S'il, en vend un, de concert avec sa femme, ou les créanciers de la succession ont une hypothèque, ou non. Dans le premier cas, ils suivront l'immeuble dans les mains du tiers-détenteur. Dans le second, ils exerceront, du chef de la femme leur débitrice, l'action en remploi qu'elle a contre son mari. Il n'y a donc pas lieu de faire exception au principe que, qui auctor est, non se obligat, et de rendre le mari responsable des suites d'une acceptation à laquelle il n'a concouru que par l'autorisation qu'il a donnée à sa femme. En est-il de même dans l'article 1419? Non, sans doute. Remarquons, en effet, que l'article ne s'est pas servi de l'expression générale obligations; qu'il a employé le mot dettes, qui s'entend plus particulièrement des obligations que la femme peut contracter par emprunts d'argent ou autres moyens semblables. Or, sous le régime de la communauté, la femme n'ayant aucune administration quelconque, on doit présumer que tous les deniers qu'elle a pu se procurer de cette manière, sont tombés dans le coffre de la communauté, et, en conséquence, on regarde les obligations, par l'effet desquelles ces deniers ont été acquis, comme des obligations de la communauté même. Et comme, d'un côté, d'après le principe qui a été établi précédemment, les créanciers de la communauté sont, en même temps, les créanciers du mari; que, de l'autre, la femme s'est obligée personnellement, puisque nous supposons que c'est elle qui a contracté la dette, l'on a dû donner, dans ce cas, aux créanciers, action, tant contre la femme, que contre le mari et la communauté. On a voulu, d'ailleurs, empêcher les fraudes. Un mari s'entendrait avec sa femme; il l'autoriserait à faire des emprunts, sans s'obliger lui-même; il profiterait des sommes empruntées, et se dispenserait de payer les créanciers; ce qui serait injuste. Concluons que la règle générale se trouve dans l'article 1413, et l'exception dans l'article 1419. Quid, si la dette a été contractée par la femme, pour son avantage personnel, putà, pour payer de grosses réparations à faire à ses immeubles? Je pense qu'il en doit être de même. Il suffit que la dette soit mobilière, et contractée par la femme avec l'autorisation de son mari. Ce n'est pas au créancier à juger si l'avantage résultant de la dette est personnel à la femme ou non. Le mari paiera, sauf récompense. D'ailleurs, l'article ajoute, sauf la récompense due à la communauté; on a donc supposé qu'il était possible que la dette fût contractée uniquement pour l'avantage de la femme; car ce n'est que dans ce cas qu'il est dû récompense.] Il en serait de même, quand le consentement du mari ne serait que présumé; par exemple, dans le cas où la femme est marchande publique, et contracte pour le fait de son commerce. (Voyez tome 1er, pages 406 et suiv.) 1426. 4°. Que la communauté étant une société dont le mari est le chef et l'administrateur, les engagemens qu'il contracte en cette qualité, obligent sa femme, même sans son consentement, mais seulement en sa qualité d'associé ou de commune, et pour la part qu'elle a dans la commu-1482. nauté. Le droit qu'a le mari d'obliger la femme sans son consentement, étant fondé sur le mandat qu'elle est censée lui avoir donné tacitement par le fait du mariage, ne peut moralement s'étendre aux engagements résultant de délits. [C'est une dérogation à l'ancien droit; dérogation, au surplus, fondée, comme nous le disons, sur la morale. Le mari ne peut obliger sa femme, même comme commune, que parce qu'on présume qu'elle lui en a donné le pouvoir par le fait du mariage. Or, on ne peut supposer qu'elle ait entendu l'autoriser à commettre des délits. Le principe de l'ancien droit tenait à ce qu'on regardait le mari comme véritable propriétaire, dans toute l'étendue du terme, des biens de la communauté, puisqu'on lui donnait le droit d'en disposer à titre gratuit, pourvu qu'il ne s'en enrichît pas, lui ni les siens. Or, de ce droit de propriété, résultait celui d'engager ces mêmes biens, de quelque manière que ce fût, par contrat, quasi-contrat, délit, ou quasi-délit. Comme, dans le droit actuel, on a restreint ce droit de propriété dans la personne du mari, la première restriction qu'on à đũ y apporter, a été celle qui est relative aux 1494. : |