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bon vous

semble. Voilà

tant et autant de fois que en quoi l'art de l'imprimerie est admirable ; c'est l'avantage qu'il a sur l'écriture de multiplier les copies avec une étonnante rapidité (1) ; et c'est cette facilité de centupler en peu de temps les exemplaires d'un livre qui, en répandant davantage les lumières, en popularisant l'étude, en augmentant les relations entre les différentes

(1) Deux ouvriers à la presse peuvent tirer 2000 feuilles par jour; que l'on compare cette promptitude au temps qu'employoient les copistes avant le XVe siècle. Il existoit dans la bibliothèque des Célestins de Paris, un bel exemplaire des Canons de Gratien, manuscrit; le copiste a noté qu'il avoit employé vingt-un mois à l'écrire sur ce pied, il faudrait dix-sept cent cinquante ans à trois hommes pour faire trois mille exemplaires du mêine ouvrage; et au moyen de l'imprimerie, ces trois mille exemplaires peuvent être achevés par le même nombre d'hommes en moins d'un an. C'est ce qu'exprime le vers suivant, tiré d'un sixain de Jean Ant. Campanus, mis au bas de l'édition qu'Udalricus Gallus a donnée de Tite-Live, en 1470:

Imprimit ille die, quantum non scribitur anno.
Laurent Valla a ainsi rendu la même pensée :
Et quod vix toto quisquam præscriberet anno

Munere germano conficit una dies.

Nous avons dit plus haut que deux ouvriers peuvent tirer 2000 feuilles par jour; d'après une nouvelle presse inventée dernièrement à Erfurt, par M. Hellfart, imprimeur, on peut, dit l'auteur,' imprimer jusqu'à huit feuilles en forme à la fois, et l'on aura en douze heures, de chaque feuille 7,000 épreuves, et par conséquent des huit feuilles 56,000 exemplaires imprimés des deux côtés. La machine est facilement mise en mouvement par un cheval, et trois hommes suffisent pour mettre le papier sur le chassis et pour l'en ôter. Sans arrêter la machine, les formes imprimées se déplacent d'elles-mêmes, et les autres se remettent en place.

classes de la société, a pour ainsi dire changé la face de l'Europe. Ce seroit un ouvrage bien intéressant que celui qui nous présenteroit l'histoire bien faite des résultats de cette découverte sous tous ses rapports. Mais ici nous ne pouvons l'envisager que comme ayant fait prendre un nouvel essor aux lettres. Ce n'est cependant pas,. comme nous l'avons vu, que leur renaissance, ait attendu l'invention de Gutenberg; le feu sacré, rallumé depuis plus d'un siècle, jetoit déjà, un certain éclat; mais il prit une nouvelle activité, plus prompte, plus vive, d'abord par le moyen de l'imprimerie qui, en rendant les livres plus communs, en diminua la cherté et les mit à la portée de tout le monde (1), et ensuite par

(1) C'est ce que prouvent ces vers qu'on lisoit à la fin d'un vieux Catholicon imprimé à Rouen en 1499.

Tingere dispositis chartas quicunque metallis
Cœpit, et insignes edidit ære notas,
Mercurio genitore satus, genitrice Minerva,
Præditus æthereæ semine mentis erat.

Copia librorum cupidis modo rara latinis
Cum foret, auspiciis illius ampla venit,
Improbus innumeris librarius ante talentis

Quod dabat, exiguâ nunc stipe vendit opus.
Historiæ venêre Titi, se Plinius omni

Gymnasio jactant, Tullius atque Maro.
Nullum opus,

o nostri felicem temporis artem!

Celat in arcano bibliotheca situ.

Quem modo rex, quem vix princeps modo rarus habebat,

Quisque sibi librum pauper habere potest.

Çes vers me sont fournis par Gabriel Naudé. V. les Mémoires

deux causes qui coïncidèrent avec cette découverte pour propager le goût des lettres : ce fut la prise de Constantinople, en 1453, qui fit refluer en Europe beaucoup de Grecs instruits; puis l'établissement des postes (par Louis XI, en 1464), qui facilita les correspondances si rares et si difficiles auparavant. On peut y ajouter les papeteries qui depuis un siècle s'étoient déjà bien multipliées (1).

de Comines, édition de Bruxelles, 1723, 5 vol. in-8°, tome III, page 124. On trouve dans le même volume, page 102, les vers fran çais suivans, relatifs au même sujet :

J'ai vu grand'multitude

De livres imprimez,

Pour tirer en estude

Poures mal argentez.

Par ces nouvelles modes

Aura maint escolier,

Décrets, bibles et codes,

Sans grand argent bailler.

Ces vers sont tirés du recueil de J. Molinet, poëte du XV.' siècle, sur les merveilles arrivées de son temps. On peut dire en effet que ce siècle est le plus fécond en grandes découvertes et en grands événemens : l'imprimerie, la prise de Constantinople, l'emploi de la boussole sur mer (Capmany la fixe à 1403), l'usage des armes à feu (les mousquets vers 1432, et les bombes en 1450), la découverte de l'Amérique, l'établissement des postes, la peinture à l'huile, la gravure au burin, les cartes géographiques, etc., etc., etc.; tout cela appartient au XVe siècle.

(1) C'est sous le règne de Philippe de Valois, vers 1340, que les manufactures de papier s'établirent en France. Les premières usines furent celles de Troyes et d'Essone. Avant cette époque, on tiroit le papier de la Lombardie; mais bientôt il s'en fabriqua en Hollande, à Gênes et dans plusieurs provinces de France. Les Hol

Quant à l'imprimerie, jamais devise ne lui a mieux convenu que celle de crescit eundo : un siècle étoit à peine écoulé depuis cette découverte (en 1436), que, malgré les tâtonnemens et les lenteurs inséparables des premiers essais d'un art et surtout d'un art aussi compliqué, plus de quarante-deux mille éditions étoient déjà répandues tant en Allemagne qu'en Italie, en France, etc.; et dès lors, c'est-à-dire, dans les trois siècles suivans, les presses et leurs produits se sont multipliés dans une telle progression, qu'il est impossible de la déterminer. (Voy. la note, pag. 2, 3 et 4 de notre Ier vol.) Ne soyons donc pas surpris si le goût des lettres et des livres a pris un accroissement proportionné aux ressources que ce nouvel art lui a offertes.

Mais si d'un côté l'on pouvoit se féliciter de ce que l'art typographique avoit promptement remédié à la disette des livres en donnant aux chefs-d'œuvre de la littérature classique et à tant d'autres bons ouvrages une nouvelle vie qui dé

landais surtout en firent un objet capital d'industrie, et excellèrent dans l'art de le coller. Au XVIe siècle, les Anglais tiroient encore leur papier de l'étranger, puisque leur première manufacture' établie à Hertford pour la fabrication du papier gris, date de 1538; et la première pour le papier à écrire, ou d'impression, est de 1690. Avant cette époque, l'importation de cet article coûtoit à l'Angleterre 100,000 liv. sterl. (2,400,000 fr.), qu'ils faisoient pas ser en France et en Hollande.

sormais n'avoit plus à craindre l'injure des temps, d'un autre côté on ne tarda pas à s'apercevoir que la fécondité de ce bel art devint telle qu'à la rareté succéda bientôt une surabondance qui n'étoit pas moins déplorable.

La presse est une puissance active, forte, mais aveugle, qui accueille indistinctement tout ce qu'on lui présente, et qui, si on ne lui impose un frein, propage avec une égale indifférence et une égale profusion, la vérité comme l'erreur, les préceptes de la morale comme les excès de la licence, les productions du génie comme les frivolités du bel esprit. D'après cela, comment s'étonner si, n'ayant pas toujours été retenue dans les bornes d'une juste liberté (1),,

(1) La censure n'a jamais produit tous les effets que s'en promettoient ceux qui l'out établie, soit parce qu'elle n'a pas existé constamment et simultanément dans tous les pays où l'art typographique s'exerçoit, soit parce qu'on a toujours trouvé mille moyens de lui échapper, même dans les pays où les lois étoient le plus sévères. L'établissement de la censure en général remonte très haut, surtout en France; elle fut d'abord attribuée à l'université de Paris; on trouve des statuts de ce corps sous la date de 1323, de 1342, de 1403, qui portent que les Ecrivains de livres (l'imprimerie n'existoit pas encore), n'en pourront communiquer aucun, soit par vente soit par louage, qu'il n'ait été auparavant examiné,, approuvé et corrigé par l'université. Cependant le premier livre, imprimé sur lequel on trouve des traces de correction et d'approbation, n'a pas été publié en France; c'est le Petri Nigri tractatus contra perfidiam Judæorum, Eslingen, Fyner de Gerhussen 1475, in-folio. Il porte qu'il a été corrigé et approuvé par l'évêque

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