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Il y a du bon, passablement de médiocre et beaucoup de mauvais. Puisque la littérature prise en général offre malheureusement un tel amalgame, il faut donc nécessairement faire un choix ; et l'on conviendra, d'après l'influence que l'étude et la lecture ont sur le goût, sur les opinions, sur le raison

1,225,000. Ainsi les quatre siècles typographiques donnent le ré sultat suivant :

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4.o siècle de 1736 à 1822 (incomplet.) 1,839,960 id.

Total.

3,681,960 ouvrages.

Voilà donc pour les quatre siècles un total de 3,681,960 ouvrages Imprimés dans les différentes parties du monde. Notre amateur suppose que chaque ouvrage, terme moyen, peut être évalué à trois volumes, ce qui nous paroît un peu trop fort; et il porte le tirage aussi, terme moyen, à trois cents exemplaires pour chacun. Il en résulteroit qu'il seroit sorti de toutes les presses du monde jusqu'à ce jour, environ 3,313,764,000 volumes; mais selon lui, les deux tiers au moins de cette masse énorme ont été détruits, soit par ́un usage journalier, soit par des accidens, soit par l'impitoyable couteau de l'épicier ou de la beurrière, qui, semblable au glaive d'Hérode, fait chaque jour main - basse sur tant d'innocens. I ne nous reste donc plus pour nos menus plaisirs, dans toutes les bibliothèques publiques et particulières du monde, que 1,104,588,000 volumes. Notre calculateur ajoute que si tous ces volumes auxquels il donne, terme moyen, un pouce d'épaisseur, étoient rangés les uns à côté des autres, comme dans un rayon de bibliothèque, ils formeroient une ligne de 15,341,500 toises, ou de 7,670 lieues (de poste).

Nous ne présentons ces résultats que pour ce qu'ils valent, les considérant plutôt comme un jeu d'esprit que comme un calcul sé

nement et sur la facilité à rendre ses idées, on conviendra, dis-je, que l'on ne peut apporter trop d'attention à ne choisir que ce qui est vraiment bon, vraiment utile. D'ailleurs il est reconnu que les excellens livres, ceux que l'unanimité des suffrages place au premier rang, sont les seuls dont la valeur intrinsèque soit constante et même aille toujours en croissant.

Ces considérations ne frappent pas assez les personnes et surtout les jeunes gens qui commencent à satisfaire leur passion pour les livres : ils acquiérent d'abord à peu près tout ce qui se présente. Tantôt c'est la beauté de l'impression, tantôt la reliure, et souvent un goût encore peu formé qui décide de leurs premières acquisitions. Qu'en résulte-t-il ? Pendant les deux ou trois premières années, l'œil

rieux, puisqu'ils sont appuyés sur des bases extrêmement vagues, et que la vérification en est impossible. Ils nous paroissent un peu exagérés.

Cependant lorsque l'on considère qu'il a été imprimé plus de 36,000,000 d'exemplaires d'un seul ouvrage, la Bible, et plus de 6,000,000 d'un autre ouvrage, l'Imitation de Jésus-Christ; que la seule société biblique britannique, de 1804 à 1820, a distribué à ses frais 2,617,268 bibles ou nouveaux testameus; que la société biblique russe, en a fait imprimer en seize langues différentes, jusqu'en 1817 seulement, plus de 196,000 exemplaires; que la société biblique protestante de Paris en a aussi publié une grande quantité, il faut convenir que le nombre des livres en tous genres est d'une telle immensité, qu'il devient incalculable. On en sera encore plus convaincu quand on saura qu'il existe plus de 80,000 ouvrages sur la seule histoire de France; le catalogue publié en 1768, 5 vol. in-fol., en renferme déjà près de 49,000, et il y en manque plus de 2000,

admire avec complaisance un certain nombre de volumes bien reliés et bien alignés sur des rayons; mais peu à peu les connoissances augmentent, le goût s'épure, on ne désire plus que de bons livres, et l'on regrette d'en avoir entassé pêle-mêle de bons, de médiocres et de mauvais. On veut purger sa collection; on relègue d'abord tout ce qui déplaît sur les tablettes les moins apparentes; puis peu après on cède ce rebut à vil prix, ou l'on fait des échanges qui occasionnent encore une plus grande perte. On se procure ensuite de bons ouvrages qui coûtent fort cher, et tel bon livre qu'on eût acquis dans le principe à six francs le volume, revient par suite d'échange ou de revente, et sans que l'on s'en doute, à plus de vingt francs. Combien d'amateurs ont fait la triste expérience de ce que j'avance!

Le moyen le plus certain d'éviter de pareils inconvéniens dont on s'aperçoit ordinairement quand il n'est plus temps d'y remédier, c'est de ne faire aucune acquisition sans préalablement s'être formé un plan; et ce plan une fois arrêté, il faut y tenir fortement, ne s'en écarter sous aucun prétexte et ne ́jamais se laisser séduire par l'appât d'une reliure élégante ou d'une impression de luxe, prodiguées quelquefois à un ouvrage médiocre ou pernicieux, qui est toujours, à quelque bas prix qu'on l'acquierre, une surcharge inutile ou nuisible dans une bibliothèque. Mais dira-t-on, comment former ce plan? quels sont les livres qui doivent y entrer? Les goûts sont si va riés! et les bons ouvrages sont encore assez nom

breux pour que l'on éprouve quelqu'incertitude dans le triage des meilleurs. D'ailleurs, peut-on faire un bon choix si l'on n'est versé dans la science bibliographique?

La solution de ces différentes questions, qui est le principal objet que nous nous sommes proposé dans cet ouvrage, ne nous paroît offrir aucune difficulté. D'abord, pour former le plan dont nous parlons, il est inutile de recourir à ces systêmes bibliographiques qui n'ont été imaginés que pour faciliter la classification dans ces immenses dépôts, vastes cimetières de l'esprit humain, comme les appelle M. de Bonald, où dorment tant de morts que l'on n'évoquera plus, et où il seroit impossible de se reconnoître sans un grand nombre de divisions et de sousdivisions, dont la plupart, pour suivre l'idée de M.. de Bonald, renferment plus d'épitaphes que d'indications de domicile. Non, il n'est point ici question d'une bibliothèque universelle qui embrasse toutes les connoissances humaines, et qui, tapissant de longues galeries, effraie plus l'imagination qu'elle ne promet de jouissances réelles à l'esprit ; mais il s'agit d'un choix des meilleurs ouvrages considérés sous le rapport moral, littéraire et instructif; de ces ouvrages dont la réputation est solidement établie ; de ces ouvrages que l'on appelle classiques dans chaque langue, parce qu'ils sont les modèles du goût, et qu'ils ont fixé les principes de l'art d'écrire chez les différens peuples; de ces ouvrages qui, mêlant au plus haut degré l'utile dulci, sont la source des jouis

sances les plus pures et les plus vives, parce qu'ils sont les plus propres à intéresser le cœur et l'esprit; enfin de ces ouvrages capitaux dont on peut regarder la réunion comme la quintessence de toute la littérature. Tels sont les livres, et nous oserions presque dire les seuls qui devroient entrer dans le plan de la bibliothèque choisie qui nous occupe.

Que l'on ne croie pas que le nombre en soit très grand; et cependant on y trouvera tout ce que l'on peut désirer, ou du moins ce qu'il y a de mieux sous le rapport de la religion, de la morale, de l'éloquence, de la poésie, de l'art dramatique, des fictions en prose, des mélanges, du genre épistolaire et de l'histoire. Pour prouver qu'un nombre de volumes ou plutôt d'ouvrages assez restreint, peut satisfaire aux besoins de l'homme de goût, tout en ne lui présentant que des chefs-d'oeuvre dans ces différentes parties, il suffit de jeter un coup-d'eil sur les principaux siècles littéraires, ou plutôt sur la littérature en général. Elle se divise naturellement en trois parties: littérature ancienne, littérature du moyen âge, et littérature moderne.

La littérature ancienne, qui comprend les Grecs et les Romains, nous présente, en suivant l'ordre chronologique des productions de l'esprit humain, 1.o la poésie, où nous trouvons Homère, Eschyle, Euripide, Sophocle; puis Térence, Virgile, Horace, Tibulle, Ovide dans quelques parties et Phèdre; 2.° l'HISTOIRE, qui a consacré les noms d'Hérodote, de Thucydide, de Xénophon, de Plu

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